« On n’a pas le droit à l’erreur » - L'Infirmière Magazine n° 279 du 15/05/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 279 du 15/05/2011

 

INTERVIEW : CHRISTINE ROBIN, NADINE ARAIGNON ET CECILE LEBAUDY INFIRMIÈRE, CADRE DE SANTÉ ET PHARMACIENNE AU CHU DE TOULOUSE

DOSSIER

La délivrance nominative des traitements par la pharmacie est l’une des solutions mises en avant pour sécuriser le circuit du médicament. Au CHU de Toulouse, cette délivrance est automatisée et centralisée pour certains services, comme celui de court séjour à orientation cardio-gériatrique (21 lits avec une durée moyenne de séjour de sept jours). Christine Robin, infirmière, et Nadine Araignon, cadre de santé de cette unité, témoignent aux côtés de Cécile Lebaudy, pharmacienne du pôle gériatrie.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : En quoi consiste la délivrance nominative automatisée centralisée (Dnac) ?

CÉCILE LEBAUDY : Le logiciel Disporao®, qui permet la prescription informatisée pour 300 lits de gériatrie, est relié à un automate de production de casiers (situé à l’extérieur de l’hôpital). Pour 220 lits, cet automate prépare la majorité des doses pouvant être dispensées de façon unitaire, comme les comprimés et les ampoules – pour les conditionnements multidoses (pommades, crèmes, sirops…), les infirmières disposent d’une dotation globale dans le service. Chaque jour, pour chaque patient, l’automate prépare un casier qui sera livré dans les unités de soins. Lors de l’administration, en scannant à l’aide d’une douchette l’étiquette du patient puis le code-barres du médicament surconditionné, les infirmières ont l’assurance de donner le bon médicament, au bon patient, au bon moment.

L’I.M. : Quels sont les avantages ?

C.L. : Un gain de temps pour les infirmières [évalué, comme l’a rapporté un récent rapport de l’Igas, à deux équivalents temps plein pour les services concernés du pôle]. Le temps infirmier est libéré de la préparation du pilulier pour les 220 lits de gériatrie informatisés et reliés à l’automate. Alors que, dans d’autres services, la préparation des médicaments est encore réalisée à partir de la prescription manuscrite du médecin.

CHRISTINE ROBIN : Nous n’avons plus à gérer les gros stocks de médicaments ni à vérifier les dates de péremption. Cela se fait beaucoup plus vite. Avant la mise en place de ce dispositif, j’ai travaillé dans une unité de soins de longue durée : la préparation des piluliers était très fastidieuse. Pour 40 lits, elle durait plus d’une heure, se déroulait souvent la nuit, avec une vigilance amoindrie, et l’infirmière qui préparait n’était pas celle qui administrait.

NADINE ARAIGNON : Avec la Dnac, les infirmières n’ont plus de pages à ouvrir ni de classeur à utiliser (sauf, pour le moment, lors des transmissions avec le dossier de soins). La recherche d’informations, rassemblées et plus faciles d’accès, est simplifiée. Grâce au temps gagné, les infirmières sont plus présentes aux visites médicales, au plus près du patient. Le temps de travail s’avère également moins lourd.

L’I.M. : En quoi le nouveau dispositif vient-il renforcer la sécurité ?

N.A. : La réduction du nombre de supports pour la traçabilité permet de limiter les risques d’erreurs en supprimant le recopiage des médicaments.

C.R. : L’administration est sécurisée grâce au système de scannage. Si le médicament ne correspond pas au patient, l’informatique le signale. Ce dispositif limite énormément le risque d’erreurs.

L’I.M. : Le recours à la Dnac change-t-il la culture professionnelle de l’infirmière ?

C.R. : Notre culture a évolué sans modifier la fonction de contrôle. Nous exerçons désormais plus sereinement car nous savons que des vérifications ont déjà été réalisées. Le stress lié à la préparation (vérifier le dosage, le nom du médicament…) est atténuée. Mais nous sommes toujours le dernier maillon de la chaîne, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Même avec l’automate, nous continuons de vérifier. Cela fait partie de notre responsabilité.

N.A. : Au départ, certaines infirmières pouvaient être réticentes à ce changement, en avoir peur. Elles n’avaient pas les mêmes réflexes qu’avec le support papier. Mais la nouvelle génération d’infirmières s’y habitue très facilement. Si l’ordinateur est en panne, les infirmières « ralent » de devoir revenir au support papier… Ce qui prouve que le dispositif informatique est bien accepté.

L’I.M. : Les liens avec les autres acteurs du circuit du médicament ont-ils changé ?

N.A. : Le fait de disposer de cet outil commun renforce la collaboration entre infirmières, médecins et pharmaciens. La période initiale de réajustements nous a permis de coordonner nos actions et de découvrir le potentiel de l’outil.

L’I.M. : La mise en place de la Dnac est-elle possible dans tous les services ?

C.L. : À terme, 1 100 lits du CHU de Toulouse seront concernés. Tous les secteurs ne sont pas éligibles à ce mode de fonctionnement. Les principaux critères d’éligibilité à la Dnac sont une durée moyenne de séjour (DMS) à quatre jours ; un nombre de doses prescrites supérieur à dix par patient et par jour ; un pourcentage des doses administrées per os supérieur à 40 % de l’ensemble des doses prescrites ; un nombre de patients supérieur à dix dans l’unité.