DES EXPERTS EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE - L'Infirmière Magazine n° 273 du 15/02/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 273 du 15/02/2011

 

JUSTICE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Face aux médecins et aux juges, les experts judiciaires non médicaux de la santé font entendre leur voix, aidés en cela par une nouvelle « compagnie ».

Une communauté d’intérêts dans des disciplines différentes. » C’est le principal constat dressé par l’avocate Catherine Coulon en conclusion du premier symposium organisé par la Compagnie nationale des experts judiciaires professionnels de santé non médecins, le 15 janvier dernier à Vanves (92). S’y sont croisés des infirmières, des kinésithérapeutes ainsi qu’un opticien. Parmi leurs invités, le professeur Safran, président de la Compagnie des experts médecins près la cour d’appel de Paris. Tous ses confrères n’auraient sans doute pas répondu à l’invitation : certains médecins semblent en effet peu enclins à abandonner leur monopole d’expertise judiciaire.

Ressource méconnue

Catherine Coulon, formatrice d’experts judiciaires kinésithérapeutes, regrette « que le corps médical soit aussi récalcitrant à reconnaître l’âge adulte des kinésithérapeutes et d’autres professions ».Tous les juges n’ont pas, non plus, pris conscience de la possibilité de faire appel à des experts non médecins pour obtenir un éclairage technique sur un dossier. Ou de constituer un collège d’experts. « Messieurs de la magistrature, en tant que prescripteurs d’expertises, la balle est dans votre camp », lance, ainsi, l’avocate. « Dans l’idéal, il serait bon de nommer un expert de la profession concernée, un co-expert, mais il y a un problème de coût », justifie un magistrat toulousain participant au symposium.

Réflexe conditionné

Dans les cas où l’expertise d’un non-médecin s’avère préférable, « le coût est le même, rétorque une professionnelle. Car il ne s’agit pas d’une co-expertise », mais bien d’une ex­pertise sans médecin, à part entière… Un magistrat de Reims reconnaît, pour sa part, « un réflexe un peu conditionné [des juges]: l’expertise dans le domaine médical, en général, c’est le médecin. Et, trop souvent, dans nos provinces, nous avons notre médecin attitré. Il est très difficile de faire admettre à un tribunal qu’il faut savoir s’adresser à d’autres professionnels qu’eux. »

« Entendu par ses pairs »

Ce qui explique, avec le manque de relations ou de chance, pourquoi les professionnels non médecins, même nommés sur les listes d’experts judiciaires des cours d’appel, ne sont pas, ou peu, sollicités par la justice. Ainsi, le seul infirmier libéral recensé sur ces listes a, lui, été appelé pour deux affaires concernant… des sages-femmes. Dommage, car un professionnel qui est mis en cause devant une juridiction a « besoin d’être entendu par ses pairs », avancent les créateurs de la nouvelle compagnie regroupant la quasi-totalité des experts judiciaires non médecins. De l’avis de Véronique d’Hérouville, cadre de santé, les experts infirmiers devraient toutefois être plus souvent sollicités avec la hausse probable des litiges concernant l’organisation des soins et les infections nosocomiales. Et avec l’évolution des mentalités. « À terme, dit Christian Lacomère, kinésithérapeute et président de la Compagnie des experts non médecins, il sera intéressant de faire un regroupement des professions de santé, afin que l’on puisse échanger sur nos savoir-faire et nos spécificités. » Médecins ou non.

PRATIQUE

La nouvelle Compagnie des experts judiciaires non médecins compte 27 kinésithérapeutes, 3 opticiens-lunetiers, 6 sages-femmes, 2 ergo-thérapeutes et 12 IDE, plus 2 autres en attente d’inscription, soit la totalité des experts judiciaires infirmiers inscrits sur les listes. Rens. : vdherouville@ hopital-dcss.org