Les recommandations de bonnes pratiques - L'Infirmière Magazine n° 272 du 01/02/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 272 du 01/02/2011

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

« Infirmière référente, je participe, dans le cadre de la certification, à un groupe de travail d’évaluation des pratiques professionnelles. Je dois rechercher les « recommandations » relatives aux thèmes proposés. Quelles sont ces recommandations ? Sont-elles contraignantes ?

Vous allez être amenés à comparer vos pratiques avec les « bonnes pratiques ». Des recommandations de bonne pratique (RBP) ont donc été écrites afin que les professionnels de santé puissent s’y référer. Elles ont été élaborées selon des méthodes scientifiquement rigoureuses, validées par des autorités compétentes, et font référence pour toute évaluation des pratiques. Vous ne pourrez pas faire l’impasse sur leur utilisation, en raison des critères qualité exigés pour la certification des établissements de santé.

Que sont les recommandations ?

Dans le dictionnaire Larousse, une des définitions proposées est : action d’exhorter quelqu’un à faire quelque chose, à adopter une certaine conduite, ex. : faire une recommandation à un collaborateur.

La Haute Autorité de santé définit ses recommandations de bonne pratique comme « des propositions développées selon une méthode explicite pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données ».

Par qui sont-elles élaborées ?

Les recommandations peuvent être élaborées par différents organismes : l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les sociétés savantes ou toute autre organisation de professionnels de santé. Par exemple :

– L’OMS a contribué à définir « les recommandations pandémie grippale H1N1 2009 », ou, dans un tout autre domaine, « les recommandations concernant l’accouchement : classification des pratiques utilisées pendant un accouchement normal ».

– La Société française d’anesthésie réanimation (Sfar) : « Recommandations concernant la surveillance des patients en cours d’anesthésie (avril 2007).

– La Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) : standards, options, recommandations (SOR) : « Information à destination des patients », 2007, et « douleur provoquée lors des ponctions lombaires, osseuses et sanguines chez l’enfant », 2005.

Les recommandations que vous allez utiliser pour votre EPP sont essentiellement celles de la Haute Autorité de santé, dont l’une des missions est de promouvoir les bonnes pratiques et le bon usage des soins auprès des professionnels et des usagers de santé.

Quelles sont les méthodes utilisées ?

Les référentiels et les recommandations sont élaborés à partir de travaux de recherche clinique. En effet, celle-ci représente une application et une évaluation des connaissances issues de la recherche fondamentale. Elle conduit à des évolutions, des modifications des techniques, des procédures, des pratiques. Elle a une utilité directe, en l’occurrence pour les patients, lorsqu’il s’agit de la recherche médicale ou infirmière. Grâce à l’évolution de la formation initiale du métier d’infirmière dans la filière LMD, la situation de la recherche en soins est en plein développement. L’intérêt pour le corps infirmier est multiple : constituer un corpus de connaissances et de pratiques validées scientifiquement, développer les pratiques de soins en utilisant et en adaptant les connaissances à la pratique soignante afin d’améliorer la qualité des soins et de promouvoir la santé des patients.

En ce qui concerne les recommandations de bonnes pratiques (RBP), la HAS utilise deux méthodes : les recommandations pour la pratique clinique (RPC), et le consensus formalisé (CF).

La méthode RPC

Elle est utilisée lorsque l’on dispose de publications nombreuses que l’on pourra analyser, critiquer et synthétiser et que le thème choisi ne fait pas l’objet d’une controverse professionnelle majeure. Un groupe de travail multidisciplinaire, composé de professionnels experts et non experts, concernés par le thème des recommandations, est constitué afin de pratiquer ce travail d’analyse et de synthèse critiques de la littérature médicale disponible. Le groupe donne son avis et écrit une version préliminaire des recommandations qui est ensuite soumise à un comité de lecture. Après analyse des commentaires des relecteurs, la version est finalisée et un plan de diffusion est élaboré, avec publication des documents, mise en application des recommandations et mesure de leur impact. Par exemple, les recommandations de la HAS en soins infirmiers « La prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques » de novembre 2005 ont été élaborées selon cette méthode.

La méthode CF

Elle est utilisée lorsque les conclusions de l’analyse de littérature sont généralement insuffisantes en elles-mêmes et à l’origine d’une controverse ou d’une hétérogénéité des pratiques. Elle consiste à rédiger des recommandations sur la conduite à tenir dans un ensemble de situations cliniques élémentaires et concrètes, à partir de l’avis et de l’expérience pratique d’un groupe de professionnels reconnus pour leur implication dans le thème qui constituent le groupe de pilotage. Puis, un groupe de cotation pluridisciplinaire et multiprofessionnel donne un avis sur les différentes propositions de recommandations en tenant compte du niveau de preuve disponible et de l’expérience pratique de ses membres. Enfin, le groupe de lecture donne un avis sur le fond et la forme des recommandations retenues, en particulier sur leur applicabilité, leur acceptabilité et leur lisibilité. Ce groupe réunit des personnes intéressées par le thème traité, expertes ou non sur le sujet, médecins et non-médecins. Il doit, autant que faire se peut, associer des représentants de la société civile, en particulier des représentants d’usagers du système de soins. Par exemple, les recommandations en soins infirmiers « Prévention et traitement des escarres de l’adulte et du sujet âgé » (2001) ont été élaborées selon cette méthode.

Les RBP sont rédigées dans le but d’avoir un impact sur les pratiques et de les améliorer. Dans cette perspective, il faut prévoir, dès la phase de préparation, un ou plusieurs outils de mise en œuvre. Pour permettre l’appropriation des recommandations par les professionnels de terrain, il faut les faire participer à la production de ces outils. En outre, les RBP produites devraient faire l’objet d’un document court destiné aux patients.

L’élaboration de RBP, quelle que soit la méthode choisie, ne doit pas faire l’objet de financement de la part des industriels. Les sources de financement doivent être clairement identifiées et citées dans les documents diffusés au terme du travail. Comme tout document qualité, les recommandations doivent être actualisées en fonction des données publiées dans la littérature scientifique ou des modifications de pratique significatives survenues depuis leur publication.

La méthode dite « audition publique »

Les recommandations et le rapport d’orientation final sont rédigés en toute indépendance par une commission d’audition suite à un débat public avec des experts, des patients, au sujet d’un problème de santé controversé. Le rapport d’orientation et les recommandations sont destinés à la fois aux décideurs et aux professionnels, aux patients et aux usagers du système de santé. L’objectif est d’abord de faire un état des lieux des connaissances, des incertitudes et des avis d’experts, permettant de proposer aux décideurs et aux professionnels des éléments d’orientation en termes de santé publique, d’organisation, de prise en charge et de recherche, et pas seulement de rédiger des recommandations ou des consensus professionnels. Cette méthode est particulièrement adaptée en cas de controverses ou d’incertitudes sur un thème limité ayant des implications importantes en santé publique. Citons, l’audition publique « Suivi post-professionnel après exposition à l’amiante », Paris, 19 janvier 2010.

* J. Le Gall participe à des groupes de travail à la HAS (élaboration de critères pour l’évaluation des pratiques), au Haut Conseil de santé publique (évaluation du plan Douleur). Elle est co-auteur de Douleur, programme d’amélioration de la qualité, mode d’emploi, Éd. Masson.

SOINS INFIRMIERS

Un potentiel de recherche

La recherche en soins infirmiers peut être à la base d’élaborations de recommandations en soins infirmiers : le Programme hospitalier de recherche infirmière (PHRI) 2010 concerne tant les pratiques professionnelles infirmières que leur organisation. Il est relatif aux soins infirmiers conçus dans leur acception large, englobant la prévention primaire et secondaire. Le but est d’apporter une aide à l’amélioration des soins infirmiers dans les établissements de santé et d’appréhender l’impact des changements. Il vise à impulser un potentiel de recherche en France dans le domaine des soins infirmiers.

Phri : www.sante.gouv.fr/le-programme-hospitalier-de-recherche-infirmiere-phri-2010.html. Publications concernant la recherche de ­l’Association de recherche en soins infirmiers (Arsi) sur www.asso-arsi.fr

CLASSIFICATION

Les niveaux de preuve

Toutes les méthodes reposent sur la réalisation préalable d’une analyse critique de la littérature disponible sur le thème à traiter. Cette étape initiale comprend une interrogation protocolisée des bases de données, une sélection des études les plus pertinentes et la définition du niveau de preuve des études sélectionnées ; il s’agit d’appliquer ici les principes de l’Evidence-Based Medicine (EBM) ou « Médecine basée sur les preuves ». Afin d’aider les lecteurs des recommandations, la méthodologie employée, le niveau de preuve, c’est-à-dire le reflet de la qualité des recherches pour chaque recommandation, est précisé. Il est fonction du type et de la qualité des études disponibles ainsi que de la cohérence ou non de leurs résultats ; il est explicitement spécifié pour chacune des méthodes/interventions considérée selon la classification suivante :

→ Niveau A : il existe une (des) méta-analyse(s) « de bonne qualité » ou plusieurs essais randomisés « de bonne qualité » dont les résultats sont cohérents.

→ Niveau B : il existe des preuves « de qualité correcte » : essais randomisés (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2). Les résultats de ces études sont cohérents dans l’ensemble.

→ Niveau C : les études disponibles sont critiquables d’un point de vue méthodo­logique ou leurs résultats ne sont pas cohérents dans l’ensemble.

→ Niveau D : il n’existe pas de données ou seulement des séries de cas.

→ Accord d’experts : il n’existe pas de données pour la méthode concernée mais l’ensemble des experts est unanime.

RÉFÉRENCES

Les publications de la HAS

→ Cinq recommandations « soins infirmiers » :

• Prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques (2005) ;

• Critères d’éligibilité des patients à une chimiothérapie anticancéreuse à domicile(2003) ;

• Prise en charge initiale des patients adultes atteints d’un accident vasculaire cérébral (2002) ;

• Aspects paramédicaux : prévention et traitement des escarres de l’adulte et du sujet âgé (2002);

• Soins et surveillance des abords digestifs pour l’alimentation entérale chez l’adulte en hospitalisation et à domicile (2000).

→ Un document d’information intitulé : « Si vous souhaitez réaliser des recommandations de bonne pratique ». (Documents méthodologiques consultables sur le site www.has-sante.fr)