L'arrêt cardio-respiratoire - L'Infirmière Magazine n° 247 du 01/03/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 247 du 01/03/2009

 

urgence

Fiches

INTRODUCTION

L'arrêt cardiaque inopiné, ou mort subite, est à l'origine de 50 000 décès par an en France, ce qui représente 50 % des décès d'origine coronarienne. Dans l'Hexagone, la survie à un mois des patients se limite actuellement à 3 % alors qu'elle est de 20 % dans certains pays anglo-saxons. Une amélioration de la prise en charge portant sur le rôle des témoins, sur la rapidité d'intervention et sur le suivi des nouvelles recommandations scientifiques est donc nécessaire. De cette façon, on estime que 3 000 à 4 000 vies pourraient être sauvées chaque année en France.

CHAÎNE DE SURVIE

La chaîne de survie regroupe les actions requises pour améliorer la survie des patients en arrêt cardio-respiratoire (ACR) :

1- Reconnaissance des signes précurseurs de l'ACR et alerte précoce des secours < 2 minutes.

2- Réanimation cardio-pulmonaire (RCP) précoce par les témoins < 3 minutes.

3- Défibrillation précoce < 5 minutes. Utilisation des défibrillateurs automatisés externes (DAE).

4- Réanimation spécialisée précoce < 8 minutes.

RACS ET TAUX DE SURVIE

La récupération d'une activité cardiaque spontanée (RACS) est le premier signe de succès de la réanimation cardio-pulmonaire (RCP). Elle se traduit par le retour d'un pouls carotidien perceptible après avoir réalisé des manoeuvres de réanimation. On estime que le taux de survie à un mois pourrait atteindre 30 à 40 % si l'on respectait à chaque fois la chaîne de survie.

ÉTIOLOGIE

Les causes de l'ACR inopiné sont multiples : cardiovasculaires (infarctus du myocarde, hémorragie massive, état de choc...) ; traumatiques (section médullaire haute) neurologiques (AVC massif) ; liées aux intoxications (monoxyde de carbone, opiacés, tricycliques...) ; respiratoires (fausse route, noyade...) ; ou encore liées à des troubles métaboliques (hypo ou hyperkaliémie...).

L'origine des ACR inopinés de l'adulte est la plupart du temps coronarienne (75 %). L'interruption de toute activité efficace du coeur est liée à une atteinte secondaire du myocarde par infarctus. Le rythme retrouvé initialement est le plus fréquemment une fibrillation ventriculaire. Cette étiologie est de meilleur pronostic car les défibrillateurs automatisés externes sont efficaces sur les fibrillations ventriculaires.

CONSÉQUENCES

L'ACR provoque un no flow, une interruption du débit cardiaque qui stoppe l'oxygénation tissulaire. Le cerveau est l'organe qui souffre le plus rapidement de cette dette en oxygène. Les premières lésions apparaissent en quelques minutes. Elles deviennent progressivement irréversibles, rendant les chances de survie presque nulles au-delà de dix minutes. Chaque minute perdue représente 10 % de chances de survie en moins.

CLINIQUE

Il faut vérifier dans l'ordre : l'état neurologique, respiratoire et circulatoire du patient.

- Neurologique : la victime est inconsciente, en coma aréactif, score de Glasgow coté à 3.

- Respiratoire : arrêt respiratoire, éventuellement gasps.

- Circulatoire : absence totale de pouls carotidien ou huméral chez l'enfant.

Signes associés :

- Mydriase bilatérale aréactive (retardée de deux ou trois minutes). Attention, elle est constante sous adrénaline.

- Pâleur ou cyanose.

- Si la personne est hospitalisée dans un service de soins intensifs et monitorée, différents tracés peuvent être observés : asystolie, fibrillation ventriculaire, dissociation électromécanique.

PRINCIPE DE L'ACTION DE SECOURS

Protéger. C'est une règle d'or des secours. En cas de risque de suraccident, il faudra s'y soustraire, soustraire les témoins et tenter de soustraire la victime.

Deux possibilités se présentent : soit on supprime le risque (débrancher un appareil électrique ayant provoqué une électrocution par exemple), soit on écarte les personnes du risque car on ne peut pas le supprimer (comme dans le cas d'un accident sur la voie publique).

Reconnaître l'arrêt cardiaque :

- Bilan complet de la victime.

- Avant de vérifier la présence d'une respiration, penser à la libération des voies aériennes supérieures : faire basculer prudemment la tête en arrière, dégrafer le col, desserrer la ceinture.

Alerter. Si vous êtes le seul témoin d'un arrêt cardiaque, il faut alerter (18, 15 ou numéro d'urgence interne) avant de commencer la réanimation, et demander le chariot d'urgence (hôpital) ou un défibrillateur automatisé externe (lieu public). Si vous êtes face à un enfant ou à une personne très susceptible d'avoir été victime d'un ACR d'origine respiratoire ou de noyade, il faut pratiquer cinq cycles de réanimation avant de prévenir les secours.

Installer le patient pour exercer la réanimation. Si l'endroit est exigu (cabinet de toilette, petite pièce...) il faut dégager la victime, par les deux pieds ou par les deux mains. Veiller impérativement à ce que la victime soit positionnée sur un plan dur ou au sol. Dans une chambre d'hôpital, prendre une planche de massage pour une personne alitée ou l'installer à même le sol. Dénuder la poitrine.

Réaliser ou faire réaliser sans délai la réanimation cardio-pulmonaire (RCP). Le rapport a changé : il est désormais de trente compressions thoraciques pour deux insufflations. Les nouvelles études tendent à prouver l'intérêt bien supérieur de la restauration du débit sanguin par rapport à celui de la ventilation alvéolaire.

En parallèle, noter l'heure précise, rechercher les circonstances de survenue, la durée du no flow, l'âge, les antécédents.

Rappel des techniques de compression thoracique chez l'adulte :

- Appuyer le talon d'une main sur le centre du sternum ;

- Placer l'autre main au-dessus de la première en entrecroisant les doigts (il faut les relever car ils ne doivent pas être en contact avec le thorax) ;

- Réaliser des compressions thoraciques successives de 4 à 5 cm ;

- Les épaules de l'opérateur doivent être au-dessus du thorax, sans aucun balancement du tronc. Les bras doivent être tendus ;

- La fréquence des compressions doit approcher les 100/min ;

- La durée de la compression est égale à celle du relâchement.

Un massage cardiaque bien réalisé apporte 30 % du débit cardiaque normal.

Rappel technique des insufflations manuelles :

- L'utilisation d'un ballon auto-remplisseur à valve unidirectionnelle (Bavu) permet d'augmenter la fraction d'oxygène inspiré de 21 % à près de 100 %.

- Choisir un masque de taille adaptée.

- Se placer dans le prolongement de la tête. Maintenir d'une main la mandibule de la personne. De l'autre, appliquer le masque en plaçant sa partie étroite sur la racine du nez. Le rabattre vers le menton. Placer le pouce sur la partie supérieure du masque (nez) et l'index sur la partie inférieure (menton). Les trois autres doigts se placent en crochet sur la mandibule.

- S'assurer de la bascule de la tête en arrière et effectuer une légère traction de la mâchoire vers le haut.

- Vérifier la connexion du Bavu avec la source d'oxygène. Le débit réglé est de 15 litres par minute.

- Empaumer le ballon dans sa partie centrale et comprimer progressivement. Il faut insuffler une petite quantité (500 ml), juste de quoi faire soulever le thorax. Si la compression est trop importante ou trop rapide, de l'oxygène va passer dans l'oesophage et le distendre, provoquant une régurgitation puis une inhalation du contenu gastrique. L'utilisation d'un Bavu est toujours couplée à la présence d'un système d'aspiration efficace et de sondes à proximité immédiate.

- Le passage des insufflations aux compressions doit être aussi rapide que possible.

- Contrôler le pouls carotidien tous les cinq cycles de 30/2 (ou si la personne réagit). En profiter pour changer d'opérateur au massage cardiaque externe (MCE).

- Si vous êtes seul ou sans Bavu, effectuer les insufflations par bouche-à-bouche. Il est vivement conseillé d'utiliser un masque de protection (certains sont conçus pour tenir dans un portefeuille). En cas de répulsion, pratiquer uniquement les compressions thoraciques. Les dernières études montrent que ce ne serait pas délétère dans les cinq premières minutes.

- Si les insufflations sont difficiles, pratiquer une aspiration des mucosités et penser à introduire une canule de Guedel. Choisir une canule de taille équivalente à l'espace entre les incisives et l'angle de la mâchoire. Introduire la canule, concavité vers le nez, et la retourner de 180 degrés lorsqu'elle bute sur le palais. L'enfoncer contre les incisives.

Si vous suspectez une origine respiratoire de l'arrêt cardio-respiratoire, si la personne est en ACR depuis plus de cinq minutes ou si vous êtes face à un enfant, commencez par cinq cycles (dix pour l'enfant) de réanimation pour oxygéner les cellules myocardiques et rendre la fibrillation ventriculaire plus tonique et réactive à la défibrillation qui va suivre.

Mettre en place le défibrillateur automatisé :

- Déposer le défibrillateur près de la personne ;

- Mettre l'appareil en marche ;

- Coller les électrodes comme indiqué et attendre l'analyse ;

- Délivrer le choc si indiqué ;

- Compter et noter l'heure des chocs ;

- Reprendre immédiatement la RCP et suivre les instructions du défibrillateur.

Si la RACS a lieu :

- Noter l'heure.

- Vérifier la respiration : si elle est présente et efficace, mettre la victime en position latérale de sécurité (PLS). Si elle est absente ou inefficace (fréquence respiratoire < 10), continuer les insufflations (20 par minute environ).

- Surveiller étroitement la tension artérielle, le tracé du scope, le pouls carotidien, si la victime est techniquée.

Réanimation médicale. Face à un arrêt cardiaque à l'hôpital, il est préférable que l'IDE ne pratique pas la RCP, ou laisse sa place rapidement afin de pouvoir mettre en oeuvre le défibrillateur, puis poser une VVP de gros calibre au pli du coude. Le soluté vecteur à utiliser est le chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % à un débit lent.

À son arrivée, l'équipe médicale va mettre en place un schéma thérapeutique assez standard :

- protection des voies aériennes par intubation orotrachéale ;

- injection de bolus d'adrénaline si asystolie ;

- injection d'amiodarone si la fibrillation ventriculaire est réfractaire aux chocs ;

- injection de bicarbonate après vingt minutes de réanimation ;

- pose de sonde gastrique.

En cas de RACS, l'équipe utilisera des drogues inotropes de type dobutamine.

Ensuite, traitement de la cause : angioplastie, chirurgie.

Enfin, transfert en réanimation. Le patient sédaté sera induit en hypothermie modérée, entre 32 et 34° C pendant vingt-quatre heures (limitation des séquelles neurologiques).

Optimisation de la réanimation :

- Entraînement et formation continue.

- Rôle de chacun défini dès la mise en oeuvre de la RCP.

Arrêt du massage. Le délai d'abandon est en général d'une demi-heure. Il peut être raccourci en cas de néoplasie en stade terminal, pathologie acquise ou congénitale lourde.

Il peut être prolongé si l'ACR se produit chez un sujet jeune et présentant une hypothermie (noyade, avalanche...), une intoxication par un cardiotrope (bêtabloquant/digitalique), un trouble du rythme primitif (syndrome de Wolf-Parkinson White) ou encore s'il est candidat au don d'organe.

Kévin Malacarne et le comité rédactionnel de l'Association nationale des infirmiers de sapeurs-pompiers (http://www.infirmiersapeurpompier.com)

Références

- Référentiel national de compétences de sécurité civile PSE I.

- Recommandation formalisée d'experts « Prise en charge de l'arrêt cardiaque », Sfar/SFMU/SFC, septembre 2006.

- Réanimation et urgences pré-hospitalières, Jean-Marc Laborie, éditions Frison-Roche, 2005.

- Urgences médicochirurgicales de l'adulte, Pierre Carli, Bruno Riou, Caroline Télion, éditions Arnette, 2004.