Les troubles oculaires liés à l’âge - L'Infirmière Libérale Magazine n° 370 du 01/06/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 370 du 01/06/2020

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR

La forte prévalence des déficiences visuelles dans la population âgée est principalement due à trois maladies : la dégénérescence maculaire liée à l’âge, le glaucome et la cataracte. Connaître et distinguer leurs prises en charge respectives permet d’accompagner les patients dans leur parcours de soins.

LA DÉGÉNÉRESCENCE MACULAIRE

DEFINITION

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie dégénérative de la rétine qui atteint la macula. Elle est due à la perte irréversible des photorécepteurs induite par le vieillissement (voir physiopathologie). Deux grandes phases sont distinguées :

– le stade précoce, durant lequel la maladie, sans dégénérescence et généralement asymptomatique, est appelée maculopathie liée à l’âge (MLA) ;

– les stades avancés, dont les deux formes, atrophique et exsudative, sont associées à des répercussions sur la vision.

Physiologie

Fonctionnement de la rétine

– La rétine, qui tapisse la surface interne du globe oculaire, reçoit la lumière et la transforme en influx nerveux grâce aux photorécepteurs, cônes et bâtonnets, qui relaient l’information jusqu’au système nerveux central via le nerf optique. Les cônes sont impliqués dans la vision des détails et des couleurs, les bâtonnets interviennent dans la vision en faible luminosité (crépuscule).

– La macula, petite zone située au niveau du pôle postérieur de la rétine, transmet au cerveau 90 % de l’information visuelle.

– La fovéa, située au centre de la macula, est le siège de la vision la plus fine, où se situe le plus grand nombre de photorécepteurs, et notamment les cônes. Elle permet de visualiser les détails d’une image, les traits d’un visage ou encore de distinguer de petits caractères.

Rôle de l’épithélium pigmentaire

– Les photorécepteurs de la rétine sont apposés à l’épithélium pigmentaire, une monocouche de cellules directement en contact avec la choriocapillaire, richement vascularisée.

– La choriocapillaire joue un rôle capital puisqu’elle est le siège des échanges (en électrolytes, micronutriments, oxygène, etc.) entre les vaisseaux de la choroïde et l’épithélium pigmentaire en contact avec les photorécepteurs.

PHYSIOPATHOLOGIE

Vieillissement rétinien et MLA

Avec l’âge, des lésions appelées “drusen” se forment au niveau de l’épithélium pigmentaire. Les drusen sont dus à l’accumulation de dépôts lipidiques et protidiques provenant de la destruction des photorécepteurs. Leur présence en faible quantité est physiologique. En revanche, l’augmentation de ces dépôts, en nombre et en taille, traduit l’apparition d’une MLA. Outre les drusen, il peut exister des altérations de l’épithélium pigmentaire liées à la mort des cellules qui le constituent. À ce stade, la maladie peut se stabiliser ou évoluer vers une DMLA.

Deux formes de DMLA

La DMLA atrophique (ou sèche)

Elle est liée à une dégénérescence progressive des cellules de l’épithélium pigmentaire, puis à celle des photorécepteurs qui n’ont plus suffisamment de nutriments et d’oxygène.

La DMLA exsudative (ou humide)

Les néovaisseaux choroïdiens se déploient sous l’épithélium pigmentaire. Leur paroi perméable est responsable d’une fuite du contenu plasmatique qui peut entraîner une chute rapide de l’acuité visuelle. La néovascularisation choroïdienne est due à un phénomène d’angiogenèse impliquant notamment le facteur de croissance vasculaire (VEGF).

SIGNES CLINIQUES

MLA

Les patients atteints de maculopathie liée à l’âge ont peu de symptômes, voire sont asymptomatiques. Certains peuvent toutefois éprouver le besoin d’augmenter l’intensité de l’éclairage pour la lecture ou présenter un trouble de l’adaptation lors de changement d’ambiance lumineuse.

DMLA atrophique

Cette forme de DMLA évolue lentement, avec une perte progressive, sur plusieurs années, de la vision centrale (baisse de la sensibilité au contraste, gêne à la lecture, en vision nocturne, modification de la vision des couleurs, etc.) jusqu’à entraîner une limitation du champ visuel de type scotome central, perçu comme une tache dans le champ visuel.

DMLA exsudative

Cette forme de DMLA, qui évolue rapidement en l’absence de prise en charge, est responsable d’une baisse soudaine de l’acuité visuelle ou des contrastes, en quelques semaines, voire en quelques jours. Elle entraîne notamment la survenue brutale d’un scotome central ou de métamorphopsies caractérisées par une déformation des objets ou des lignes droites qui apparaissent ondulés.

FACTEURS DE RISQUE

La maladie est multifactorielle, combinant des facteurs non modifiables (âge, terrain génétique, origine ethnique) et modifiables (tabagisme, nutrition).

Déterminants principaux

L’âge, la prédisposition génétique et le tabagisme sont les trois déterminants principaux. Selon certaines études, le tabagisme, en induisant un stress oxydant au niveau de la rétine, multiplierait par trois ou plus le risque pour les gros fumeurs de contracter une DMLA. L’origine ethnique intervient également, avec une prévalence plus forte de la maladie chez les sujets caucasiens.

Autres facteurs

D’autres facteurs sont incriminés dans une moindre mesure, en particulier :

– des facteurs cardiovasculaires (hypertension artérielle, dyslipidémie, obésité abdominale, athérosclérose) ;

– une exposition à la lumière ;

– des facteurs oculaires, notamment la couleur claire de l’iris. Certaines études ont également souligné le rôle de l’alimentation.

DIAGNOSTIC

Si un diagnostic peut être établi à la suite de la survenue ou de l’aggravation des troubles visuels, les stades précoces peuvent être découverts fortuitement à l’occasion d’un examen du fond d’œil.

Interrogatoire

Il permet le recueil des informations concernant les antécédents familiaux de DMLA et les facteurs de risque (tabagisme, alimentation, état cardiovasculaire, etc.).

Bilan spécialisé

Un bilan spécialisé complet permet d’établir le diagnostic de la maladie et d’en déterminer plus précisément le stade (voir l’encadré). Ce bilan repose sur :

– la mesure de l’acuité visuelle, de loin et de près ;

– le test de la grille d’Amsler qui met en évidence les scotomes et la déformation des lignes (voir Savoir faire) ;

– le fond d’œil pour visualiser les lésions caractéristiques d’un stade précoce (MLA), les drusen et les migrations pigmentaires. En cas de DMLA, l’examen oriente vers une forme atrophique ou exsudative ;

– la tomographie en cohérence optique (optical coherence tomography, ou OCT), une technique non invasive qui utilise les rayonnements infrarouges pour obtenir, en quelques secondes, des images de l’œil en coupe. Également mise en œuvre pour le suivi de la maladie, elle permet une mesure de l’épaisseur de la rétine au niveau de la macula et une détection fine des lésions.

Examens complémentaires

L’angiographie rétinienne

Elle permet de confirmer la présence de néovaisseaux, de préciser leur taille et leur localisation. L’examen repose sur l’injection d’un colorant fluorescent par voie intraveineuse, suivie de photos du fond d’œil.

L’OCT-angiographie

Appelée aussi « angio-OCT », cette technique est dérivée de la tomographie en cohérence optique (OCT pour Optical Coherence Tomography). L’OCT permet de visualiser des “coupes” de la rétine beaucoup plus nettes et précises que celles fournies par l’échographie. La technique est principalement utilisée pour l’étude des affections maculaires, mais aussi dans le suivi du glaucome chronique. Contrairement à l’angiographie rétinienne, l’angio-OCT est une technique d’imagerie non invasive, réalisée sans aucun contact avec l’œil du patient et sans anesthésie. Elle mesure la vitesse des hématies et fournit ainsi des images du flux vasculaire. Elle est de plus en plus fréquemment utilisée.

Évolution

Habituellement bilatérale

La DMLA est souvent bilatérale, mais au stade initial, un seul œil peut être atteint. Toutefois, 42 % des formes unilatérales touchent les deux yeux dans les cinq ans. Par ailleurs, une forme atrophique peut évoluer vers une forme humide, et inversement. Chez certains patients, les deux formes, atrophique et humide, coexistent.

Baisse de la vision centrale

L’évolution vers une baisse de la vision centrale, plus ou moins rapide, entraîne une perte d’autonomie et perturbe de nombreuses activités au quotidien. Elle se manifeste par des difficultés à lire, à écrire, à reconnaître les visages, à se déplacer seul, à conduire un véhicule, etc. Le patient ne devient pas aveugle, puisque la vision périphérique est conservée, mais la vie quotidienne peut être fortement impactée et le risque de chute est majoré.

Forme exsudative

La forme exsudative, à l’évolution rapide, justifie les campagnes d’information sur les signes qui nécessitent de consulter en urgence et d’instaurer rapidement un traitement. Celui-ci sera d’autant plus efficace qu’il est mis en place précocement, au maximum dans les sept à dix jours qui suivent la survenue des symptômes ou leur aggravation.

La perte de la vision entraîne un sentiment d’insécurité, une diminution des activités sociales, culturelles et sportives. Chez certains patients, une baisse de l’estime de soi peut conduire à des épisodes dépressifs.

Dans les formes sévères, l’acuité visuelle est inférieure ou égale à 1 sur 20. En France, la cécité légale est définie par une acuité visuelle inférieure à 1 sur 20 pour le meilleur œil après correction et autorise le port de la canne blanche.

PRISE EN CHARGE

Quel que soit le stade de la maladie, l’objectif est de limiter son évolution vers des formes plus sévères, de préserver le plus longtemps possible la vision centrale et la qualité de vie des patients.

Au stade de la MLA

Contrôle des facteurs de risque

Le contrôle des facteurs de risque modifiables est essentiel : arrêt du tabac, lutte contre le surpoids, alimentation riche en fruits, légumes et poissons, protection vis-à-vis de l’exposition lumineuse. L’éducation du patient sur les signes qui doivent alerter est également indispensable, notamment la baisse de l’acuité visuelle.

Micronutriments

À ce stade, l’intérêt d’une supplémentation en micronutriments n’est pas clairement démontré (voir l’encadré). Elle est toutefois souvent préconisée par les spécialistes (voir Savoir faire).

DMLA atrophique

Aucun traitement médical n’a démontré une efficacité dans la forme atrophique de la DMLA. Seule une supplémentation orale peut être proposée dans la forme précoce et atrophique de la DMLA (voir l’encadré). Le suivi médical et l’autosurveillance sont donc essentiels pour repérer rapidement une potentielle évolution vers une forme humide.

DMLA exsudative

Les médicaments anti-VEGF

Les inhibiteurs du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (vascular endothelial growth factor, ou VEGF), un facteur responsable de la croissance des vaisseaux, l’empêchent de se fixer à son récepteur. Ils inhibent la prolifération et la croissance des vaisseaux sanguins anormaux observées sous la rétine lors de DMLA exsudative. Administrés directement dans l’œil sous la forme d’injections intravitréennes, ils constituent le traitement de première intention dès le diagnostic établi et dans un délai de sept à dix jours au maximum :

– l’anibizumab et l’aflibercept bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la DMLA exsudative avec une efficacité équivalente (voir le tableau) ;

– le brolucizumab (Beovu) vient d’obtenir son AMM, en attente de remboursement.

Ces traitements ne sont pas curatifs, mais permettent de stabiliser les lésions et d’améliorer la vision des patients. Après une phase d’induction, à raison d’une injection par mois durant trois mois, le rythme des administrations est apprécié par l’ophtalmologiste selon le résultat obtenu.

Notons que le bévacizumab (Avastin, réservé à l’usage hospitalier) dispose depuis 2015 d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour la DMLA, mais il est peu utilisé en raison de modalités de préparation complexes.

La photothérapie dynamique

La vertéporfine (Visudyne), un autre médicament anti-néovascularisation bien moins efficace que les anti-VEGF, est réservée à certaines formes de DMLA exsudative, en cas de :

– contre-indications ou absence de réponse aux anti-VEGF ;

– refus des injections intravitréennes par le patient.

La vertéporfine est une substance photosensibilisante, c’est-à-dire activée par la lumière, qui a une forte affinité pour les cellules à prolifération rapide, en particulier les néovaisseaux choroïdiens de la DMLA. En pratique, la photothérapie dynamique par Visudyne comporte deux étapes : une perfusion intraveineuse pendant dix minutes puis l’exposition de la zone à traiter à un laser infrarouge quinze minutes après l’injection pour activer le médicament. La réaction photochimique qui en découle conduit à une occlusion vasculaire locale et, dans certaines conditions, à la mort cellulaire des cellules à prolifération rapide. La vertéporfine n’étant pas captée par les tissus sains, ces derniers ne sont pas détruits.

Rééducation orthoptique

Cette rééducation, aussi appelée rééducation basse-vision ou de la vision fonctionnelle, est réalisée par les orthoptistes afin de mieux utiliser la rétine périphérique qui reste fonctionnelle. Elle n’améliore pas la vision restante, que rien ne peut modifier, mais vise une amélioration des gestes de la vie courante (verser de l’eau dans un verre, reprendre des activités de lecture et d’écriture, mieux percevoir les risques dans la rue, etc.), en association avec les différentes techniques d’aide visuelle et l’aménagement de l’espace de vie (voir Savoir faire).

LE GLAUCOME

DEFINITION

Le glaucome est une neuropathie optique irréversible qui évolue progressivement. Elle s’accompagne le plus souvent d’une augmentation de la pression intraoculaire (PIO), liée à un défaut d’évacuation de l’humeur aqueuse. Il existe toutefois des glaucomes à pression oculaire normale (un tiers des cas). Il en résulte une dégénérescence des fibres chargées de transmettre au cerveau les informations lumineuses issues de la rétine qui, sans traitement, peut évoluer vers la cécité.

A ANGLE OUVERT OU FERME

Selon l’angle irido-cornéen, deux types sont distingués : le glaucome à angle ouvert (GAO), le plus fréquent en Occident, et le glaucome par fermeture de l’angle (GFA). Cette maladie peut survenir à tout âge, y compris à la naissance.

Glaucome à angle ouvert

Le plus fréquent

Le glaucome à angle ouvert représente 60 à 80 % des cas en Occident et en Afrique. Il apparaît insidieusement et peut être primitif ou secondaire à :

– un traumatisme oculaire, un décollement de rétine ou une tumeur oculaire avec une atteinte monoculaire possible ;

– une rétinopathie diabétique ou encore la prise prolongée de corticoïdes, responsable de modifications trabéculaires.

Diagnostic retardé

Le glaucome à angle ouvert est découvert fortuitement, la plupart du temps, lors d’un examen ophtalmologique de routine. Il reste silencieux pendant dix à vingt ans, car :

– l’augmentation de la pression intraoculaire (PIO) est asymptomatique jusqu’aux environs de 35 mmHg (normale comprise entre 10 et 21 mmHg) ;

– l’amputation du champ visuel n’est pas perceptible au début ;

– l’atteinte concerne le plus souvent les deux yeux de façon asymétrique : l’œil moins touché compense la perte de vision, ce qui contribue à retarder le diagnostic. Après plusieurs années, le champ visuel est réduit en périphérie, tandis que la vision centrale est conservée : on parle de vision tubulaire.

Facteurs de risque

– les principaux facteurs de risque sont l’âge après 60 ans et l’hypertonie intraoculaire ;

– les facteurs individuels regroupent une forte myopie, des antécédents familiaux, l’appartenance à une ethnie à peau noire (trois à quatre fois plus de cas), une épaisseur de cornée fine ;

– les facteurs médicaux, comme le diabète, le tabagisme, l’hypertension artérielle, l’hypothyroïdie, les apnées du sommeil, une pression systolique basse (qui induit une diminution de perfusion des vaisseaux de la tête du nerf optique), sont favorisants ou aggravants.

Glaucome par fermeture de l’angle

Sur un œil prédisposé

Ce type de glaucome, plus rare en Occident mais fréquent chez les personnes d’origine asiatique, survient sur un œil prédisposé par un angle irido-cornéen étroit, ce qui est le cas des hypermétropes. Il apparaît également parce que :

– avec l’âge, le cristallin peut augmenter de volume, pousser l’iris en avant et fermer l’angle iridocornéen ;

– l’iris peut aussi se bomber et s’appliquer contre la cornée sous l’effet d’une dilatation de la pupille provoquée par l’obscurité, le stress, le froid ou certains médicaments (anticholinergiques, vasoconstricteurs, collyres mydriatiques), provoquant alors une fermeture soudaine de l’angle.

Caractéristiques

– primitif ou secondaire à une affection oculaire (kyste du corps ciliaire, tumeur de l’iris, anomalies morphologiques du cristallin, etc.) ;

– augmentation importante et brutale de la tension oculaire (supérieure à 50 mmHg) ;

– un seul des deux yeux est concerné : il est douloureux, rouge et dur ;

– le glaucome à angle fermé est le plus souvent une forme aiguë, mais il existe aussi des formes chroniques qui restent asymptomatiques jusqu’à une crise aiguë, ou qui évoluent par fermeture intermittente, provoquant céphalées, douleurs oculaires, halo lumineux et sensation de brouillard.

Facteurs de risque

Les facteurs de risque sont l’âge, le sexe féminin (quatre fois moins fréquent chez l’homme), une origine asiatique, l’hypermétropie.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic repose sur :

– la mesure de la PIO (ou tonométrie) par faisceau d’air pulsé ou par aplanation au moyen d’un petit cône appliqué sur l’œil sous collyre anesthésique ;

– un examen du fond de l’œil qui permet d’observer la rétine et le point de départ du nerf optique ;

– la tomographie par cohérence optique pour mesurer l’épaisseur des fibres optiques péripapillaires et apprécier l’importance de leur dégénérescence. Cet examen permet également, une fois le diagnostic établi, de suivre l’évolution de la maladie ;

– la gonioscopie qui consiste à appliquer une lentille spéciale sur l’œil préalablement anesthésié et permet de mesurer l’angle entre l’iris et la cornée, de mettre en évidence un angle anormalement étroit et de définir la forme du glaucome ;

– la périmétrie pour apprécier l’étendue du champ visuel et dépister les prémices d’une vision tubulaire. Elle est indispensable au diagnostic et au suivi de la maladie.

TRAITEMENT DU GLAUCOME À ANGLE OUVERT

Objectifs du traitement

Stabiliser la maladie

L’objectif est de freiner, voire d’arrêter la dégradation du nerf optique pour maintenir la fonction visuelle, prévenir la cécité et préserver la qualité de vie. Les lésions sur les fibres optiques étant irréversibles, le traitement ne permet pas la guérison, mais vise à stabiliser la maladie et arrêter sa progression. Son observance est indispensable, même en l’absence de symptomatologie ressentie par le patient.

Abaisser la pression intraoculaire

Le seul traitement ayant prouvé son efficacité sur le ralentissement de l’évolution du glaucome à angle ouvert consiste à abaisser la PIO jusqu’à obtenir une « PIO cible » propre à chaque patient. La PIO cible est déterminée en fonction de :

– la sévérité du GAO et de sa progression ;

– la PIO au moment du diagnostic. La PIO cible est a minima inférieure de 20 % à celle observée lors du diagnostic ;

– l’espérance de vie du patient.

Choix du traitement

Plusieurs traitements peuvent abaisser la PIO : médicamenteux, par laser ou chirurgical. Le traitement de première ligne repose sur l’utilisation de collyres visant à diminuer la sécrétion d’humeur aqueuse ou à en faciliter l’élimination. Les présentations sans conservateur sont à privilégier. Le chlorure de benzalkonium, agent principal de conservation des collyres, ayant un effet détergent, responsable d’irritation oculaire et aggravant un syndrome d’œil sec, fréquent chez les personnes âgées (voir arbre décisionnel).

Les collyres

Les analogues de prostaglandines représentent actuellement plus de la moitié des monothérapies de première intention en raison de leur meilleure efficacité sur l’abaissement de la PIO (voir le tableau).

Le laser

La trabéculoplastie

Impacts de laser sur le trabéculum pour améliorer l’évacuation de l’humeur aqueuse. Réalisée en ambulatoire sous anesthésie topique, cette intervention est indiquée en cas de :

– glaucome débutant ou modéré ;

– intolérance aux traitements locaux et parfois en complément après discussion ;

– forme sévère pour repousser le recours à la chirurgie.

Le cyclo-affaiblissement

Destruction partielle des procès ciliaires au laser pour diminuer la production d’humeur aqueuse. Douloureux, ce procédé est réalisé sous anesthésie locorégionale ou générale. Lors de glaucomes avancés ou en cas d’échec des autres traitements, le recours à cette technique est plus rare, car si le geste est excessif, il expose à un risque d’atrophie du globe oculaire irréversible.

La chirurgie filtrante

La trabéculectomie

Perforation du trabéculum pour améliorer la résorption de l’humeur aqueuse.

La sclérectomie profonde

Non perforante, l’intervention consiste à “peler” le trabéculum au niveau du canal de Schlemm, pour l’affiner et permettre ainsi la filtration de l’humeur aqueuse. Ces techniques, à risque d’hémorragies intraoculaires, d’infection ou de baisse de l’acuité visuelle, sont réservées aux glaucomes réfractaires aux traitements médicamenteux ou à la trabéculoplastie au laser. Elles nécessitent une anesthésie locorégionale ou générale.

La chirurgie mini invasive

Des dispositifs de drainage de l’humeur aqueuse sont placés entre la chambre antérieure et l’espace sous-conjonctival pour abaisser la pression intraoculaire. L’intervention peut être réalisée en association avec la chirurgie de la cataracte, dans le même temps opératoire. Elle présente l’avantage d’être moins agressive et, en principe, entraîne moins de risques chirurgicaux que les techniques précédentes.

Mise en place d’une valve

Cette opération consiste à placer, en sous-conjonctival, des valves reliées à la chambre antérieure par un drain, afin d’évacuer l’humeur aqueuse. Elle est réservée aux stades avancés et aux échecs des autres techniques de chirurgie filtrante, car le risque opératoire est élevé.

TRAITEMENT DU GLAUCOME A ANGLE FERME

Le traitement de la crise aiguë du glaucome par fermeture de l’angle repose sur l’iridotomie périphérique au laser (incision de l’iris), après avoir abaissé la PIO par l’administration intraveineuse d’acétazolamide (Diamox IV) et exercé un effet myotique via l’instillation de pilocarpine.

Le deuxième œil doit être traité préventivement.

L’iridotomie au laser peut aussi être utilisée à titre préventif sur des yeux anatomiquement prédisposés à une fermeture brutale de l’angle ou pour traiter les formes chroniques de glaucome par fermeture de l’angle.

LA CATARACTE

PRESENTATION

Symptômes

La cataracte est une opacification unilatérale ou bilatérale du cristallin, responsable d’une baisse progressive de l’acuité visuelle avec diminution de la vision de loin (myopisation) qui se traduit par :

– une sensation de brouillard ou de voile devant les yeux ;

– une altération de la perception des couleurs qui apparaissent ternies (dyschromatopsie) ;

– une sensibilité anormale à la lumière avec une sensation d’éblouissement (photophobie) qui peut s’accompagner de diplopie (vision double d’un objet). La prévalence de la cataracte augmente avec l’âge.

Plusieurs formes de cataracte

Cataracte liée à l’âge

Appelée aussi cataracte sénile, c’est la forme la plus fréquente. Bilatérale et d’apparition progressive, elle est liée au vieillissement du cristallin. Outre l’âge, les principaux facteurs de risque sont une forte myopie, un glaucome à angle ouvert ou la DMLA, ainsi que l’exposition aux ultraviolets et le diabète. Le tabagisme, l’alcoolisme et une alimentation insuffisamment riche en fruits et légumes augmenteraient le risque de développer une cataracte.

Autres formes

– La cataracte traumatique apparaît à la suite d’une contusion de l’œil, une brûlure thermique ou chimique. Son évolution est rapide.

– La cataracte secondaire est consécutive à une uvéite, à un glaucome, à un décollement de rétine, à une intervention chirurgicale oculaire, à une iatrogénie, particulièrement dans le cas d’une corticothérapie au long cours ou d’une radiothérapie anticancéreuse.

– La cataracte congénitale concerne l’enfant. Elle est liée à une anomalie chromosomique, comme la trisomie 21, ou à une infection contractée pendant la grossesse, une rubéole, une toxoplasmose ou un herpès génital, par exemple.

Complications

Une cataracte peut se compliquer d’un glaucome à angle ouvert, lorsque des protéines s’échappent du cristallin opacifié et obstruent le trabéculum, ou d’un glaucome par fermeture de l’angle, lié à l’augmentation du volume du cristallin. Non traitée, la cataracte s’aggrave progressivement jusqu’à la cécité en cas d’opacification complète du cristallin.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic par l’ophtalmologiste repose sur :

– la mesure de l’acuité visuelle ;

– l’examen à la lampe à fente, essentiel au diagnostic, qui permet d’examiner le cristallin, de mettre en évidence des opacités et d’en préciser la topographie après la dilatation de la pupille ;

– un examen ophtalmologique complet (examen de la cornée, mesure de la tension intraoculaire, fond d’œil), à la recherche d’une autre affection oculaire liée au vieillissement de type glaucome, rétinopathie ou DMLA ;

– l’échographie de l’œil, pour calculer, en vue de l’acte chirurgical, la puissance de l’implant qui remplacera le cristallin opacifié.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

La chirurgie est le seul traitement curatif de la cataracte. Elle est proposée dès que la perte de vision altère la vie quotidienne.

Modalités

L’opération, qui dure de quinze minutes à trente minutes, consiste à retirer le cristallin opacifié, sous microscope opératoire, et à le remplacer par un implant intraoculaire ou cristallin artificiel, une lentille synthétique placée derrière la pupille.

Cet implant est choisi selon :

– les besoins visuels du patient ;

– les caractéristiques anatomiques et morphologiques de son œil. L’intervention est pratiquée le plus souvent sous anesthésie topique par collyre, ou locorégionale, éventuellement associée à une sédation, ce qui permet au patient de rentrer chez lui le soir même ou le lendemain. Plus rarement, l’opération est pratiquée sous anesthésie générale (patients atteints de démence, claustrophobes, etc.).

Lorsque les deux yeux nécessitent une intervention, le traitement débute par un seul œil.

Techniques opératoires

La phacoémulsification

C’est la technique de référence. Elle consiste à fragmenter et à aspirer le cristallin à l’aide d’ultrasons. Elle présente l’avantage de ne nécessiter qu’une ouverture limitée du globe oculaire (1,5 à 3 mm environ), ce qui permet une récupération visuelle rapide, et moins de complications.

L’extraction extracapsulaire manuelle

De moins en moins pratiquée, elle est réservée aux cataractes très évoluées et aux cristallins très durs, que les ultrasons n’arrivent pas à fragmenter. Elle nécessite une plus longue incision (6 à 7 mm) et plusieurs fils de suture.

Efficacité

C’est l’intervention chirurgicale la plus fréquente au monde. Dans plus de 90 % des cas, elle permet une excellente récupération fonctionnelle dès le lendemain ou quelques jours plus tard(1). Le patient peut reprendre rapidement une activité normale. Les résultats de l’opération peuvent être compromis en cas d’affection oculaire préexistante affectant la rétine, notamment lors de DMLA ou de glaucome.

Complications

La cicatrisation complète s’observe généralement en huit semaines. Des complications infectieuses sont possibles, parfois à type d’endophtalmies dans un à trois cas sur mille. Ce type d’infection est grave et nécessite une hospitalisation et une antibiothérapie intravitréenne. D’autres complications sont possibles :

– inflammatoires (œdème de la cornée, kératite bulleuse) ;

– hémorragiques ;

– décollement de rétine (1 % des cas) ;

– opacification secondaire de la capsule postérieure du cristallin, décrite chez 10 à 50 % des patients dans les cinq ans qui suivent l’opération.

Traitement postopératoire

Antibiotiques et anti-inflammatoires locaux sont prescrits en phase postopératoire d’une chirurgie de la cataracte, pour une durée variable de quinze jours à un mois.

Question de patient

Est-il nécessaire de prendre des micronutriments lorsque la DMLA ne touche qu’un œil ?

Oui, car en cas d’atteinte unilatérale, cette supplémentation en micronutriments est recommandée pour limiter le risque d’altération du second œil.

La supplémentation en micronutriments

→ Antioxydants et caroténoïdes. Plusieurs études (Areds, Areds2, Pola, etc.) ont montré l’intérêt d’une supplémentation à haute dose en antioxydants (500 mg de vitamine C, 400 UI de vitamine E, 25 mg de zinc) et caroténoïdes pour réduire le risque d’évolution de la DMLA. Parmi ces caroténoïdes, la lutéine (10 mg) et la zéaxanthine (2 mg) remplacent, dans la plupart des compléments alimentaires, le bêtacarotène utilisé initialement, mais responsable d’une augmentation du risque de cancer du poumon chez les fumeurs et anciens fumeurs (moins d’un an). Les compléments alimentaires ne peuvent renfermer des doses aussi élevées que celles préconisées dans les études (sauf pour la lutéine et la zéaxanthine), mais sont néanmoins recommandés par les spécialistes en parallèle de règles hygiéno-diététiques adaptées.

→ Oméga 3. Certaines études (Areds2, NAT2, etc.) montrent par ailleurs l’effet protecteur d’un apport en oméga 3 au moins égal à 1 000 mg par jour d’acide eicosapentaénoïque (EPA) et d’acide docosahexaénoïque (DHA). Un déficit en EPA et en DHA peut augmenter le risque de DMLA(1). L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) recommande un apport de 500 mg par jour d’EPA et de DHA dans le cadre de la prévention de la DMLA(2).

(1) « Les acides gras oméga 3 », Anses, mars 2019.

(2) Actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras, Anses 2011.

Les injections intravitréennes(1)

Les injections intravitréennes s’effectuent en ambulatoire, dans une salle dédiée ou au bloc opératoire, pour respecter des conditions optimales d’asepsie et d’antisepsie. L’injection est réalisée après l’instillation d’un collyre anesthésiant et une désinfection des paupières et des cils à l’aide de povidone iodée.

Déroulement de l’intervention(2) :

– désinfection de la peau périoculaire en trois temps : povidone iodée scrub, sérum physiologique, compresses stériles ;

– badigeon des paupières et des cils avec la povidone iodée en solution ophtalmique à 5 % ;

– instillation d’un collyre anesthésiant sur la conjonctive ;

– rinçage au sérum physiologique après deux minutes de contact ;

– injection lente du produit, retrait lent de l’aiguille, application d’un coton-tige pour éviter un reflux.

(1) Source schéma : Pharmacomédicale.org

(2) « Actualisation des bonnes pratiques des injections intravitréennes », recommandations de la Société française d’ophtalmologie et de la Société française d’hygiène hospitalière, octobre 2019.

L’avis du spé

La rétine artificielle* est-elle le futur traitement de la DMLA ?

Pr Laurent Kodjikian, président de la SFO et chef de service adjoint à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon.

→ Pour le moment, ce type d’intervention n’en est qu’à ses débuts. Les essais cliniques concernent essentiellement des patients atteints de formes sévères de DMLA et, surtout, de rétinopathie pigmentaire, une maladie génétique rare qui aboutit souvent à la cécité. Un long travail de rééducation est nécessaire pour permettre aux patients de passer d’un état de cécité à une vision limitée, souvent en noir et blanc.

* Implant fixé sous la rétine et composés d’électrodes qui stimulent le nerf optique de manière à porter les messages visuels jusqu’au cerveau.

Trois maladies fréquentes

→ La dégénérescence maculaire liée à l’âge(1)

– 1ère cause de déficience visuelle chez les personnes de plus de 50 ans dans les pays industrialisés et 3e cause dans le monde ;

– en France et en Europe, prévalence estimée à 30 % de la population de plus de 75 ans ;

– 15 % de formes graves après 80 ans ;

– la forme atrophique est la plus fréquente.

→ Le glaucome(2)

– sa fréquence augmente avec les années, notamment après 40 ans : 1 à 2 % de la population après 40 ans, environ 10 % après 70 ans ;

– environ 800 000 personnes traitées en France ;

– 400 000 à 500 000 personnes seraient concernées sans le savoir ;

– 2e cause de cécité dans les pays développés, après la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

→ La cataracte (recours à la chirurgie en 2016(3))

– le recours à la chirurgie est maximal entre 75 et 84 ans ;

– 826 000 opérations de cataracte primaire chez 574 patients ;

– 59 % des interventions concernent des femmes ;

– 44 % des patients ont été opérés du 2e œil au cours de la même année 2016 ;

– les cataractes d’origine traumatique sont marginales (0,1 %) ;

– avant 15 ans, les principales causes des opérations de cataracte primaire sont les formes congénitales, avec malformations du cristallin (58 %) et, à un degré moindre, la cataracte infantile (17 %).

(1) HAS 2012, Société française d’ophtalmologie et OMS.

(2) « Glaucome : mieux dépister pour lutter contre une cause majeure de cécité », Inserm, janvier 2013.

(3) « Le traitement de la cataracte primaire est la plus fréquente des interventions chirurgicales », Drees, mars 2018.

Le glaucome

1. Le glaucome à angle ouvert s’accompagne le plus souvent d’une augmentation de la pression intraoculaire liée à une accumulation d’humeur aqueuse dans la chambre antérieure de l’œil.

2. Le trabéculum se sclérose avec l’âge et devient moins perméable, ou est obstrué par une multiplication cellulaire anarchique ou par des dépôts de pigments, ce qui empêche la circulation de l’humeur aqueuse.

3. L’accumulation de liquide dans la chambre antérieure de l’œil provoque une hyperpression intraoculaire qui altère la papille optique, provoquant l’excavation (creusement) du nerf optique.

Source : Inserm.