Très forte réactivité des infirmiers à La Réunion | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 369 du 01/05/2020

 

COVID-19 OUTRE-MER

ACTUALITÉ

Isabel Soubelet  

Sur l’île de La Réunion, toujours en stade 2 à la mi-avril, les professionnels de santé libéraux, infirmiers en tête, ont travaillé dans le cadre d’un exercice coordonné. Son objectif : se préparer à une vague massive de cas d’infection au nouveau coronavirus.

« NOUS AVONS ÉTÉ DANS LE VIF DU SUJET DÈS LE 15 MARS, indique Alain Duval, président de l’Union régionale des professionnels de santé Infirmiers océan Indien (URPS OI). Quand l’île de La Réunion est passée en stade 1 de l’épidémie, les masques ont été réquisitionnés pour la Métropole. Et très vite, ce sujet est devenu un point de crispation. Il a fallu gérer les tensions, car la population, vu la situation dans l’est de la France et en Ile-de-France notamment, a voulu que tous les professionnels portent des masques. Or ici, nous sommes en seconde ligne, et les gens ont souvent le sentiment d’être abandonnés par l’État. » Pour répondre à cette demande, le préfet et la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS) de La Réunion, en accord avec les URPS infirmiers, médecins et pharmaciens, ont décidé de procéder, dès le 22 mars, à une distribution de masques provenant du stock historique et stratégique (constitué notamment contre le virus H1N1). Une initiative louable qui s’est soldée par un échec et un arrêt de la distribution dès le 25 mars, car de nombreux masques FFP2 étaient défectueux et présentaient des moisissures. Pas de quoi rassurer la population réunionnaise. « Ici, 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et dans une grande précarité, précise Alain Duval. Elle est fragile et souffre de nombreuses maladies chroniques. Il fallait vraiment nous mobiliser, mutualiser nos efforts et nos moyens. Le moment de demander des comptes viendra après. » S’il y a eu du retard à l’allumage au niveau politique (pas de contrôle systématique des passagers à la descente des avions et poursuite des vols même après l’annonce du confinement), le terrain a pris le relais, les infirmiers libéraux en tête.

Des professionnels coordonnés

« Une fois passée l’inquiétude, les Idels ont très vite créé des groupes d’échanges sur Whats-App, explique-t-il. Cela a débuté à Saint-Paul, en lien avec les médecins, puis les pharmaciens ont suivi. Dans l’urgence, les professionnels de santé ont réussi à créer un groupe, ils se sont approprié la philosophie même des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui consiste à se regrouper autour d’un projet commun, s’organiser et partager. » Un énorme travail collectif a été réalisé afin de se préparer sur le terrain à une vague massive de cas. « Nous avons structuré des tournées d’Idels spécifiques pour les patients en voie de guérison, en les formant, mais à la mi-avril, nous sommes bien dans un travail d’anticipation, explique Alain Duval. Nous avons concentré le matériel nécessaire sur cette équipe dédiée. Nous avons créé des fiches techniques, des tutoriels sur l’habillage, le déshabillage, les déchets, qui sont diffusés aux infirmiers. » Ainsi, des véhicules sont mis à la disposition des infirmiers pour réaliser les tournées dédiées au Covid-19, et des locaux de repos sont également ouverts pour permettre aux professionnels de santé de se doucher avant de rentrer chez eux, comme une salle de classe à Saint-Paul ou un appartement de répit et un gymnase à Saint-Louis.

Une aide locale précieuse

Par ailleurs, une plate-forme de contributions Covid (1) a été créée avec l’aide de la plate-forme d’appui territoriale (PAT) pour coordonner et recenser tous les dons. Au service des professionnels de santé libéraux, elle propose une aide logistique aux infirmiers, gère les dons, en amont et en aval, et assure la traçabilité et le suivi des stocks. Les entreprises locales ont également joué le jeu. La distillerie Isautier (producteur de rhum) s’est mise à la fabrication de gel hydroalcoolique et le groupe industriel GBH a donné 1,350 million de masques, dont 450 000 de type FFP2, aux personnels de santé de Guadeloupe (300 000), de Guyane (150 000), de Martinique (300 000) et de La Réunion (600 000). Une première livraison d’un million de masques, intervenue les 9 et 10 avril, a permis de les répartir entre les hôpitaux, les cliniques et le personnel soignant.

Une transmission familiale redoutée

Si le premier cas de Covid-19, importé, est apparu le 11 mars à La Réunion, l’île est à ce jour toujours en stade 2 de la gestion de la pandémie. Le 13 avril, l’ARS et la préfecture recensaient 391 personnes atteintes, dont 277 cas importés, 3 cas hospitalisés en service de réanimation, et 44 soignants contaminés dont 4 cas autochtones. Aucun décès n’était encore à déplorer. « Cependant, il existe à certains endroits de l’île une grande promiscuité et une insalubrité liées à l’habitat, souligne Alain Duval. L’ARS redoute une crise sanitaire, nous nous craignons une diffusion familiale. Nous avons travaillé sur un scénario très pessimiste, nous serons contents si nous nous sommes trompés… »

(1) Contributions.covid@sante.re

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