Le trafic de médicaments contrefaits en hausse - L'Infirmière Libérale Magazine n° 369 du 01/05/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 369 du 01/05/2020

 

CRISE SANITAIRE

ACTUALITÉ

Laure Martin  

Alors que l’épidémie de Covid-19 sévit à travers le monde, le Conseil de l’Europe alerte sur la recrudescence de la contrefaçon et de la falsification des médicaments et des dispositifs médicaux, en cette période de crise.

« LA CONTREFAÇON DES MÉDICAMENTS ET DES DISPOSITIFSMÉDICAUX EST UNE RÉALITÉ, MAIS EN PÉRIODE DE CRISE, CETTE PRATIQUE FRAUDULEUSE ATENDANCEÀS’INTENSIFIER, rapporte Gianluca Esposito, chef du service de la lutte contre la criminalité au sein du Conseil de l’Europe, une organisation intergouvernementale de défense des droits de l’homme. Nous le constatons actuellement avec une nette augmentation de la diffusion de produits médicamenteux falsifiés sur le marché. » Les moyens utilisés pour les écouler sont variés, mais sans surprise Internet arrive en tête, avec des offres d’achat qui surgissent par courriel, en provenance de sources douteuses vantant les mérites de kits de dépistage rapide du virus, de médicaments pour guérir l’infection ou encore de protections comme des masques. « Nous centralisons les remontées de terrain à ce sujet, notamment des sociétés pharmaceutiques, mais aussi d’Europol et d’Interpol », précise-t-il.

Une vigilance accrue

Si le contexte actuel conduit les États à se focaliser sur la gestion de la crise, le Conseil de l’Europe souhaite qu’une attention particulière soit portée à ce type de menace, d’autant plus que de nombreux pays font face à une pénurie de produits. « Le risque est réel, car les produits falsifiés peuvent porter atteinte à la santé, être néfastes ou encore se révéler inefficaces ou dangereux pour ceux qui les utilisent, met en garde Gianluca Esposito. Par exemple, si des masques sont contrefaits, les personnes qui les portent croient être protégées, alors qu’elles ne le sont pas et peuvent donc être contaminées, voire contaminer à leur tour. » Tout le monde est concerné par la contrefaçon, les professionnels de santé aussi. « Certes, ils sont mieux informés sur ce problème, reconnaît le chef du service de la lutte contre la criminalité. Néanmoins, actuellement, ils sont soumis à une telle pression dans le cadre de la gestion de cette crise qu’ils peuvent être amenés à faire moins attention à certains détails, et penser que tel produit est conforme, alors qu’il ne respecte pas les normes en vigueur. »

Pour le Conseil de l’Europe, les plates-formes en ligne qui proposent des produits médicaux au système de santé publique ou aux particuliers doivent être contrôlées. Les États doivent également collaborer pour rompre le circuit d’approvisionnement en produits médicaux falsifiés qui passe par leur territoire. « Du personnel doit être affecté à certains points névralgiques, comme le contrôle aux frontières, afin de détecter et de faire cesser ce trafic », estime Gianluca Esposito.

Agir pour condamner

Afin d’éviter l’exploitation criminelle des pénuries, des mesures s’imposent pour empêcher le détournement des produits médicaux essentiels, non autorisés par les systèmes de santé nationaux et écoulés hors des circuits d’approvisionnement légaux. Pour cela, une étroite collaboration entre les agences et les services nationaux est nécessaire, afin que les mesures visant à empêcher l’entrée des contrefaçons n’affectent pas l’approvisionnement légitime en produits médicaux dont doivent disposer les bénéficiaires. De même, les professionnels et les services de santé doivent veiller à ne pas se procurer de produits médicaux auprès de sources non vérifiées. Dans ce contexte, la convention Médicrime (lire l’encadré) revêt toute son importance. Son objectif est de préserver la santé publique et de cibler les comportements criminels de ceux qui profitent des failles des systèmes et de la crise actuelle, pour ensuite les poursuivre en justice. Selon le Conseil de l’Europe, la coopération nationale et internationale face à la contrefaçon et à la falsification des produits de santé doit s’intensifier, pour identifier et caractériser pénalement les infractions commises pendant cette pandémie.

LA CONVENTION MÉDICRIME

En 2011, le Conseil de l’Europe a mis en place une convention internationale qui constitue, pour la première fois, un instrument juridique contraignant dans le domaine du droit pénal. Elle criminalise la contrefaçon, mais aussi la fabrication et la distribution de produits médicaux falsifiés, mis sur le marché sans autorisation ou en violation des normes de sécurité. Cet accord a été ratifié par treize États membres du Conseil de l’Europe et trois pays non membres.

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