C’est parti pour l’expérimentation Équilibres - L'Infirmière Libérale Magazine n° 368 du 01/04/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 368 du 01/04/2020

 

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Adrien Renaud  

L’expérimentation Équilibres, qui permet de rémunérer les Idels non pas à l’acte, mais au temps passé auprès des patients, a débuté sur le terrain au mois de novembre 2019. Le point sur un projet qui suscite la polémique.

53,94 € DE L’HEURE. PAS UN CENTIME DE PLUS, PAS UN CENTIME DEMOINS. C’est ce que gagnent les Idels du projet Équilibres, quels que soient les actes pratiqués. Cette expérimentation s’inscrit dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, qui permet de tester de nouveaux modes de financement. Elle concerne trois régions (les Hauts-de-France, l’Île-de-France et l’Occitanie) et doit, à terme, impliquer 120 libérales.

« Le premier patient a été inclus le 4 novembre dernier et, à la fin de l’année 2019, 80 professionnels avaient rejoint le programme ou étaient en cours d’adhésion », précise Mathieu Nochelski, infirmier de formation et responsable du projet au sein de l’association Soignons humain, qui porte l’expé rience Équilibres, et dont l’objectif est de favoriser le travail en équipe. Ainsi, seuls les cabinets qui regroupent au minimum trois infirmières peuvent y souscrire. « L’idée est aussi de se sentir reconnu, épaulé, ce qui n’est pas toujours le cas dans le secteur libéral », ajoute-t-il.

Plus de temps, plus d’autonomie

Et s’il est un infirmier qui ne regrettera pas la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et son codage, c’est bien Dominique Jakovenko. « On prend plus le temps avec le patient, on a davantage la possibilité de l’aider à devenir plus autonome, on peut faire de l’éducatif en dehors des tournées, etc., énumère cet Idel installé à Saint-Christol-lès-Alès dans le Gard (et par ailleurs membre du comité scientifique de L’Infirmière libérale magazine), dont le cabinet a totalement basculé en mode “Équilibres” en février dernier. Nous sommes reconnus, valorisés pour tout ce que nous faisons, il n’y a donc pas photo. » Pour illustrer les avantages de ce nouveau mode de fonctionnement, rien de mieux que de donner des exemples. « Il y a quelques jours, ma collègue est arrivée chez un patient qui était tombé le matin, raconte Dominique Jakovenko. Elle a appelé le 15, et a passé une heure à ses côtés. Normalement, ce n’est pas rémunéré. Là, au lieu d’un acte AMI2, elle a pu facturer une heure à 54 €. » Autre cas de figure : « L’un de mes patients est en rupture de parcours de soins, explique-t-il. La semaine dernière, je l’ai accompagné chez le spécialiste, et là j’ai rendez-vous avec le gestionnaire de cas pour faire une évaluation. »

Des améliorations spectaculaires

Un travail de coordination qu’auparavant il pouvait faire de temps en temps, mais à titre gratuit… et pas pour tout le monde, bien entendu. « En très peu de temps, nous avons observé des transformations impressionnantes chez certains malades chroniques, ou chez ceux qui présentent des troubles de santé mentale, témoigne encore l’infirmier. Des gens qui reprennent goût, qui vous montrent qu’ils sont capables de préparer leur pilulier tout seuls, etc. » L’expérience de Dominique Jakovenko correspond aux retours de terrain que Soignons humain a pu collecter jusqu’ici. « Certaines infirmières nous disent se sentir enfin vraiment dans leur rôle, exerçant tous les aspects de leur métier, rapporte Mathieu Nochelski. Quant à leurs patients, ils sont heureux de voir qu’elles ne partent pas dès qu’elles ont terminé leur acte. Nous avons déjà des malades qui sont passés de trois visites par jour à une seule, parce qu’ils sont devenus plus autonomes dans la gestion de leur diabète. »

Critiques syndicales

Mais les transformations apportées par le projet Équilibres ne sont pas du goût de tout le monde. « Cela fait des années que nous nous battons pour remettre en question la notion de temps, pour se focaliser sur celle d’expertise, s’indigne Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). Quant à l’argument qui consiste à dire que cette tarification permet de passer davantage de temps auprès des patients lorsque c’est nécessaire, c’est faire bien peu de cas de la responsabilité des infirmiers. »

Des critiques qui laissent stoïques les promoteurs de l’expérience. « Il s’agit d’une expérimentation qui concernera au mieux 120 personnes sur les 125 000 infirmiers de France, tempère Mathieu Nochelski. Par ailleurs, rien ne dit qu’elle sera déclinée au niveau national au bout de trois ans : elle fera au préalable l’objet d’une évaluation indépendante. » Rendez-vous est donc pris en 2022.