Accompagner le traitement pharmacologique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 368 du 01/04/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 368 du 01/04/2020

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

Par ses conseils et sa surveillance, l’infirmière améliore l’efficacité et la sécurité des traitements médicamenteux du diabète. Elle peut aussi initier et favoriser la mise en œuvre des règles hygiéno-diététiques qui contribuent à l’obtention d’un équilibre glycémique, au même titre que les médicaments.

LES ANTIDIABÉTIQUES ORAUX

Les biguanides

Les biguanides (metformine) améliorent la sensibilité des tissus à l’insuline (muscles, foie), donc l’utilisation du glucose. C’est le médicament de première intention en monothérapie en l’absence de contre-indication, particulièrement en cas de surcharge pondérale. « Ce traitement de la résistance à l’insuline est le plus performant pour équilibrer le diabète le plus longtemps possible, sans insuline. De plus, sa sécurité d’emploi est totale et elle permet de perdre un peu de poids », précise la Pr Agnès Hartemann.

En cas d’oubli :

- prendre le comprimé entre les repas une à deux heures après l’horaire prévu ;

- après deux heures, attendre la prise suivante ;

- ne pas doubler la dose en cas d’oubli (nausées et diarrhées).

→ Risque d’hypoglycémie exceptionnel (action extrapancréatique de la metformine).

Les sulfamides hypoglycémiants

Aussi appelés sulfonylurées, les sulfamides hypoglycémiants stimulent la sécrétion d’insuline par les cellules bêta des îlots de Langerhans. Ils ne sont hypoglycémiants qu’en présence d’un pancréas fonctionnel. Ils favorisent la sécrétion d’insuline lors d’une hyperglycémie postprandiale. En cas d’oubli, attendre le lendemain sans augmenter la dose.

→ Risque d’hypoglycémie : c’est l’effet indésirable le plus fréquent et le plus grave. Elle est favorisée par une insuffisance rénale et/ou hépatique (par accumulation de sulfamides), une activité physique inhabituelle, une alimentation insuffisante ou déséquilibrée, par la prise d’alcool, de certains médicaments (bêtabloquants, Imao, etc.) ou par un surdosage.

Les glinides

Ils ont une action similaire à celle des sulfamides hypoglycémiants en stimulant la sécrétion d’insuline par le pancréas, avec une durée d’action plus courte. En cas d’oubli, attendre la prise suivante.

→ Risque d’hypoglycémie : il est lié aux habitudes alimentaires, à la posologie, à la pratique d’un exercice physique ou d’un stress. L’hypoglycémie est fréquente lors de la prise du médicament en dehors des repas. En l’absence de repas, pas de prise.

Les inhibiteurs des alpha-glucosidases

Ils retardent l’absorption des glucides alimentaires et réduisent l’hyperglycémie postprandiale.

→ Risque d’hypoglycémie : Glucor retarde la digestion et l’absorption des sucres, ce qui peut conduire à une hypoglycémie.

Les inhibiteurs de la DPP-4

Sitagliptine et vildagliptine prolongent l’action des hormones physiologiques sécrétées au cours d’un repas en inhibant leur enzyme de dégradation. Ils agissent principalement sur la glycémie postprandiale. « En attendant les futures recommandations de la Haute autorité de santé, les inhibiteurs de la DPP-4 ont une AMM en seconde intention après la metformine dans les recommandations internationales », souligne la Pr Agnès Hartemann. En cas d’oubli, il convient d’attendre le lendemain.

→ Risque d’hypoglycémie : en particulier lors de repas pris à intervalles irréguliers et en cas de saut d’un repas.

Les analogues du GLP-1

Exénatide, dulaglutide, liraglutide, sémaglutide sont des analogues du glucagon like peptide-1, ou GLP-1 (voir tableau p. 42). Ils “miment” l’action du GLP-1, une hormone qui favorise la libération d’insuline. Ces analogues augmentent la sécrétion de l’insuline et diminuent celle du glucagon. Ils ralentissent la vidange gastrique et diminuent l’absorption du glucose. Ils sont présentés sous la forme d’un stylo pour des injections sous-cutanées au niveau de l’abdomen, de la cuisse ou des bras. Leur principal avantage est une diminution du poids corporel, variable selon les personnes. Ils sont réservés aux patients qui ont un problème important de prise de poids. En cas d’oubli, sauter la prise.

→ Risque d’hypoglycémie : les cas d’hypoglycémie majeure sont principalement observés lors de l’association à un sulfamide hypoglycémiant.

Associations d’ADO

L’association d’antidiabétiques en bithérapie ou trithérapie est possible en cas d’échec des monothérapies après trois à six mois. Dans ce cas, une diminution des doses de sulfamides hypoglycémiants et de répaglinide (Novonorm) est préconisée pour limiter le risque d’hypoglycémie. Certaines spécialités proposent une association de deux principes actifs (voir tableau).

→ Risque d’hypoglycémie : possible en cas de coadministration avec un sulfamide hypoglycémiant ou avec l’insuline.

PASSAGE À L’INSULINE

Indication

L’insuline est l’hypoglycémiant le plus puissant avec les GLP-1. C’est un traitement de recours fréquent lors de DT2 lorsque les autres médicaments antihyperglycémiants ne permettent pas d’atteindre les objectifs thérapeutiques. La prescription d’une insulinothérapie dépend de nombreux facteurs tels que l’âge, l’état général, la sévérité du déséquilibre glycémique, le risque hypoglycémique, ou encore la faisabilité du traitement (motivation, autonomie et entourage du patient, recours à une Idel).

Objectifs

- Éviter la soif, les urines abondantes et la fatigue, et réduire le risque de déshydratation et de coma.

- Protéger des complications du diabète le patient encore jeune dès que l’HbA1c dépasse 7 %.

- Prévenir le risque important de déshydratation et de chute chez le patient très âgé avec une HbA1c élevée, qui urine souvent la nuit.

Modalités de l’insulinothérapie(1)

→ Administration discontinue par voie sous-cutanée ou, pour les analogues rapides, en continu par une pompe à insuline. Les insulines inhalées ne sont pas disponibles en France.

→ Association aux antidiabétiques oraux : le plus souvent, le traitement par les ADO est maintenu, associé à une injection quotidienne d’insuline pour prévenir le risque d’hypoglycémie et la surcharge pondérale dus à l’insuline.

→ Recours à des insulines rapides parfois utile avant le repas du soir (pour une glycémie inférieure à 1,60 g/l au coucher) ou le matin pour contrôler une éventuelle hyperglycémie après le petit-déjeuner.

Tester les effets indésirables

Le traitement par insuline peut être arrêté pour deux raisons :

- trop de malaises par hypoglycémie, considérés cependant comme “normaux” s’ils ne dépassent pas la fréquence d’une fois par mois ou par trimestre ;

- prise de poids (le plus souvent inférieure à 5 kg), surtout avec une glycémie élevée. Sachant que, selon certaines études, « avec la mise en place d’une activité physique et de mesures diététiques, l’insuline est efficace sans entraîner de prise de poids », fait remarquer le Pr Hartemann.

Les adaptations alimentaires restent les mêmes qu’avant l’introduction de l’insuline dans le traitement.

(1) Retrouver les bonnes pratiques d’une insulinothérapie basale, dans le « Guide parcours de soins. Diabète de type 2 de l’adulte », HAS, mars 2014.

Cas clinique 1

Mme D se plaint depuis quelques jours d’une sensation de fatigue en fin de journée. Elle a pourtant une glycémie satisfaisante au réveil et prend correctement le Diamicron le matin, tel qu’il est prescrit.

Vous expliquez à Mme D que le Diamicron, comme les autres sulfamides hypoglycémiants, occasionne souvent des hypoglycémies en fin de journée. Surtout si le repas de midi est sauté ou s’il n’apporte pas suffisamment de glucides, ou encore si les activités physiques sont plus importantes que d’habitude. Si Mme D peut prévoir ces changements d’habitude, la posologie du Diamicron peut être diminuée à ces occasions. Dans tous les cas, vous lui rappelez de contrôler sa glycémie au moment du “malaise” et de se resucrer pour une glycémie inférieure à 0,80 g/l.

Question de patient

Je dois passer à l’insuline et le médecin a augmenté la fréquence des contrôles glycémiques. Est-ce que je garderai ce rythme par la suite ?

Le contrôle glycémique est intensifié pour repérer vos besoins en insuline. Faut-il prévoir une injection avant le petitdéjeuner, plutôt au coucher, deux ou trois injections dans la journée ?

Le rythme des contrôles sera diminué selon votre équilibre glycémique.

Point de vue

« Adapter les modalités du traitement aux patients »

Catherine Gilet présidente de l’Association nationale de coordination des réseaux diabète (Ancred)

Il est possible de proposer une alternative thérapeutique mieux adaptée à ses habitudes, en accord avec le médecin prescripteur. Par exemple pour un patient qui n’a pas l’habitude de prendre un petit-déjeuner et qui fait des hypoglycémies à cause de son insuline rapide du matin. Si le patient manifeste de l’agacement quand l’infirmière essaie de le convaincre de l’intérêt de prendre une collation dès le matin, celle-ci peut proposer de ne plus faire l’insuline du matin, à condition d’avoir l’accord du médecin.