Goutte et alimentation - L'Infirmière Libérale Magazine n° 366 du 01/02/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 366 du 01/02/2020

 

Hygiène alimentaire

CAHIER DE FORMATION

POINT SUR

Maïtena Teknetzian*   Dr Jérôme Gillard**  


*docteur en pharmacie
**enseignante en IFSI
***praticien hospitalier, rhumatologue (centre Hospitalier Jura Sud, site de Lons Le Saunier).

Surnommée « la maladie des rois », la goutte a longtemps été perçue comme la conséquence d’une alimentation trop riche et alcoolisée. Depuis quelques années, une meilleure connaissance de sa physiopathologie permet de déculpabiliser les patients et de dédramatiser le régime.

Rappels sur la goutte

Définition

→ Touchant 1 à 1,5 % de la population des pays développés, la goutte est une arthropathie microcristalline évoluant par poussées douloureuses.

→ La goutte est une des conséquences d’une hyperuricémie chronique (mais toutes les hyperuricémies ne se manifestent pas par la goutte). Lorsque le taux d’acide urique dans le sang est supérieur à 60 mg/L, celui-ci n’est plus soluble et se dépose sous forme de cristaux d’urate en particulier au niveau des articulations distales.

→ Certains facteurs comme un traumatisme physique, une intervention chirurgicale, une pathologie intercurrente, l’introduction d’un nouveau traitement, une modification alimentaire, une consommation d’alcool, peuvent déclencher une crise et révéler une hyperuricémie.

→ De nombreuses études concluent que l’hyperuricémie est en outre associée à de nombreuses comorbidités cardiovasculaires (diabète, hypertension artérielle, dyslipidémies, surpoids).

→ Maintenu à vie, son traitement associe une thérapeutique de fond médicamenteuse hypo-uricémiante, une médication symptomatique des crises et des modifications du mode de vie.

Causes de l’hyperuricémie

→ L’hyperuricémie résulte soit d’un défaut d’élimination rénale de l’acide urique, soit d’un excès de synthèse d’acide urique.

→ Principaux facteurs de mauvaise élimination de l’acide urique :

- l’insuffisance rénale chronique ;

- le facteur génétique : certaines mutations génétiques expliquent des défauts d’excrétion urinaire d’acide urique et 40 % des patients ont un parent goutteux ;

- les facteurs iatrogènes : diurétiques thiazidiques et diurétiques de l’anse, pyrazinamide, immunosuppresseurs, entre autres médicaments, entravent l’excrétion urinaire d’acide urique ;

- la ménopause (rôle uricosurique des œstrogènes).

→ Principaux facteurs d’excès de synthèse d’acide urique : l’acide urique étant le produit de dégradation des purines d’origine endogène ou exogène, les facteurs augmentant sa synthèse peuvent être :

- alimentaires par excès d’apport en purines contenues dans la viande, les abats, la bière, les sardines, les harengs, les crustacés notamment, mais aussi les sodas riches en fructose car ce dernier est métabolisé en acide urique ;

- iatrogènes : les cytotoxiques anticancéreux sont pourvoyeurs d’un syndrome de lyse tumorale et d’un relargage massif d’acides nucléiques à l’origine d’une hyperuricémie.

Conseils diététiques

L’adaptation alimentaire vise à réduire l’apport exogène de purines, mais aussi à prévenir (ou limiter) les comorbidités associées à l’hyperuricémie. Elle est complémentaire du traitement médicamenteux.

Que faut-il proscrire ?

Les alcools forts sont interdits parce qu’ils augmentent le taux sanguin d’acide lactique, ce qui entrave l’élimination urinaire d’acide urique. Sont également interdits la bière - y compris sans alcool - car elle est riche en purines et les sodas du fait de leur teneur en fructose métabolisé en acide urique. Le vin peut être consommé avec modération.

Quels aliments privilégier ?

→ Privilégier les viandes blanches, en ôtant la peau des volailles riche en purines, à raison de 120 g de portion cuite, le jambon maigre (80 g de portion en ôtant le gras) et les œufs, mais limiter la consommation de viandes rouges ; éviter les abats, le gibier et la charcuterie.

→ Consommer du poisson deux fois par semaine, idéalement en alternant un poisson maigre et un poisson gras qui bien que plus riche en purine reste intéressant pour son apport en oméga 3, mais limiter les fruits de mer et crustacés.

→ Tous les légumes peuvent être consommés car les purines d’origine végétale ne se transforment pas en acide urique. Ainsi, les produits végétariens de type « steack végétalien » peuvent constituer une alternative à la viande.

→ Les fruits peuvent être consommés 2 à 3 fois/jour, mais éviter certains fruits exotiques (ananas, mangue, papaye) ou secs (dattes, figues, raisins) riches en fructose.

→ Certains aliments ou nutriments sont aussi à privilégier : comme le café, la vitamine C, les cerises, ou les laitages maigres et le jus de citron frais pour leur vertu uricosurique favorisant l’élimination de l’acide urique.

Quels autres conseils hygiéno-diététiques ?

→ Boire 1 à 2 litres d’eau/jour pour favoriser l’élimination de l’acide urique. Le café et le thé sont autorisés.

→ Éviter les plats industriels déjà cuisinés (riches en sel et graisse).

→ En cuisine, privilégier les matières grasses d’origine végétale.

→ Surveiller son poids et le réduire en cas de surcharge pondérale, en veillant toutefois à éviter les pertes de poids trop rapides et les régimes trop sévères et/ou hyperprotéinés qui sont susceptibles de provoquer des crises de goutte.

→ Pratiquer régulièrement une activité physique douce de type marche rapide, vélo ou natation, sauf en période de crise de goutte.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.