Conseiller des mesures de prévention en fonction du risque podologique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 366 du 01/02/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 366 du 01/02/2020

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

La prise en charge du pied diabétique commence avec l’évaluation des pieds à risque podologique et la prévention de la survenue d’une plaie. En présence d’une plaie, les soins locaux sont semblables à ceux des autres plaies chroniques, mais n’aboutiront à la guérison qu’avec une mise en décharge rigoureusement observée de la plaie.

EVALUER LE RISQUE PODOLOGIQUE

Connaître le risque podologique du patient revient à évaluer le risque d’ulcération chronique ou d’amputation. La gradation du risque podologique permet d’adapter la prise en charge et de cibler les conseils au patient. Quatre niveaux de risque ou quatre grades, associés à quatre niveaux de prise en charge existent (voir tableau ci-contre). Les médecins et les pédicures-podologues peuvent faire cette évaluation. Pour cela, tout diabétique doit bénéficier d’au moins un examen annuel des pieds à la recherche :

- d’antécédent d’ulcération chronique du pied ou d’amputation ;

- de neuropathie périphérique au moyen du test au monofilament de 10 g ;

- d’artériopathie par la palpation des pouls périphériques et la mesure de l’IPS ;

- de déformations des pieds.

Remarque : ce risque est à majorer pour un patient isolé, handicapé, sans ressources, en situation de précarité…

CONDUITE A TENIR SELON LE GRADE DU RISQUE

L’infirmière peut donner ou rappeler les conseils de prévention en fonction de la gradation du risque de survenue d’une lésion.

Grade 0

Pas de conseil spécifique mais simplement des conseils pour une hygiène de base, comme pour une personne non diabétique.

Soins quotidiens hors blessure

- Laver les pieds en bien séchant entre les orteils en évitant les bains de pieds prolongés ;

- changer de chaussettes ;

- choisir des chaussures confortables en cuir souple ;

- faire des mouvements d’assouplissement des pieds de type flexion/extension au niveau de l’avant-pied, de la cheville et des orteils ;

- hydrater les pieds secs avec une crème hydratante car la corne favorise les fissures (ex. : Dexeryl crème dont les formes génériques restent remboursées). Bien sécher les espaces entre les orteils avec du papier absorbant ;

- proscrire l’utilisation d’instrument en fer pour les soins des pieds (lame, ciseaux pointus, râpe métallique…), ainsi que tout coricide sous forme de pansement (ex. : Urgo Coricide, Scholl Cors…) ou de solution (ex. : Coricide Le Diable, des Laboratoires Stradis).

En cas de blessures superficielles

- Laver la plaie avec de l’eau et du savon de Marseille ;

- utiliser un pansement gras (tulle gras, Adaptic, Jelonet…) et une compresse fixée par une bande ;

- consulter en cas de plaie inflammatoire ou de cause inconnue ;

- vérifier la vaccination antitétanique.

À partir du grade 1

Soins quotidiens hors blessure

- Examiner ou faire examiner ses pieds en recherchant la présence de cor, durillon fissuré ou gonflé sur les orteils ou sous le pied, de rougeur autour des ongles, de fissures, de macération entre les orteils ou de plaie ;

- ne jamais marcher pieds nus, ni sans chaussette dans les chaussures ;

- passer la main dans les chaussures avant de les mettre à la recherche d’un corps étranger ou d’une aspérité.

Prévenir les facteurs déclenchant

Il s’agit ici de combattre les ennemis des pieds à risque selon la maxime « pied insensible = pied en danger ». Sachant que les complications graves ne sont pas systématiques et que la lésion de départ est presque toujours une blessure évitable.

→ Éviter les hyperpressions répétitives

- Être prudent avec les chaussures neuves, trop serrées ou ouvertes, voire usées ;

- éviter les coutures saillantes ou les plis de chaussette qui peuvent blesser un pied fragilisé ;

- choisir des chaussures adaptées en cas de déformations du pied (hallux valgus, orteils en griffe…) ;

- acheter toujours les chaussures fermées en fin de journée pour ne pas choisir des modèles trop étroits car les pieds ont tendance à gonfler au fil des heures ;

- porter des chaussettes même en été ;

- préférer le cuir souple sur le dessus et rigide à la semelle ;

- privilégier les chaussures à lacets.

→ Soigner l’hyperkératose

- Retirer la corne qui se forme au niveau des points d’appui ou de frottement avec un instrument non agressif (ex. : pierre-ponce) car l’hyperkératose fait le lit du mal perforant. Au niveau des talons particulièrement, la corne entraîne fissures et crevasses à risque d’infection ;

- hydrater la peau pour éviter son retour ;

- s’adresser à un pédicure-podologue en cas de difficulté avec ces soins.

→ Couper les ongles incarnés ou blessants

Les ongles épais, incarnés ou susceptible de blesser les orteils voisins sont coupés pas trop courts et plutôt à angle droit avec des ciseaux à bouts ronds. Ils peuvent être raccourcis et désépaissis régulièrement avec une lime en carton. En cas de difficultés, faire couper les ongles par un pédicure-podologue.

→ Prévenir les mycoses interdigitales

Une mycose peut engendrer une fissure qui constitue une porte d’entrée pour les germes.

- éviter les bains de pieds prolongés ;

- faire un séchage soigneux des pieds ;

- changer de chaussettes tous les jours en préférant les chaussettes en coton.

→ Retirer les corps étrangers

Glisser toujours la main dans les chaussettes et les chaussures avant de les enfiler pour en chasser les corps étrangers (gravier, aiguille…) qui peuvent se glisser dans une chaussure même fermée.

→ Ne pas marcher pieds nus

À la plage et pour se baigner, porter des chaussons en caoutchouc.

→ Prévenir les brûlures

Un pied neuropathique insensible peut être brûlé par une bouillote, un radiateur soufflant, un cataplasme… Éviter d’utiliser des objets chauffant sur les pieds. Prudence donc avec les sources de chaleur (cheminée, radiateur…). Avant de mettre ses pieds dans l’eau pour la toilette, vérifier la température avec un thermomètre ou avec la main.

En cas de blessure

À partir d’un grade 1, toute plaie doit conduire, dans les 48 heures, a` adresser le patient :

- soit vers une équipe spécialisée(1) ;

- soit vers une hospitalisation en cas de signes d’infection étendue ou systémique(2).

« L’orientation vers un centre spécialisé permet aussi de faire entrer les patients de grade 2, voire de grade 1, dans un parcours de prévention », précise Ariane Sultan. Ce qui est intéressant « même en présence d’un cor relativement facile a` traiter localement » car sa présence indique que les mesures de prévention ne sont pas acquises par le patient.

Orthèses et chaussures

Les orthèses et les chaussures thérapeutiques visent à diminuer l’hyperpression au niveau des sites de prédilection de l’ulcération, facteur favorisant le développement des plaies.

Les orthèses plantaires

Pour être prise en charge par l’assurance maladie, l’orthèse plantaire sur mesure doit avoir une visée thérapeutique et personnalisée. Elle est fabriquée en réponse aux besoins d’un patient. Sa fabrication nécessite donc la présence physique du patient auprès du professionnel de santé habilité à réalisé des empreintes plantaires. L’orthèse plantaire est amovible. Elle doit pouvoir être placée dans une chaussure de série (voir ci-dessous). La prise en charge inclut l’examen physique, le bilan podologique, la réalisation de l’orthèse plantaire ainsi que le suivi et toute adaptation ou correction, dans la limite des six mois après la délivrance effective. Le délai minimal d’utilisation avant renouvellement est d’un an pour l’adulte de plus de 18 ans.

Les chaussures thérapeutiques de série à usage prolongé

Elles sont destinées à des patients dont les anomalies prolongées constatées au niveau du pied demandent un maintien, un chaussant particulier ou une correction que ne peut assurer une chaussure ordinaire. Sans que cette situation ne justifie l’attribution d’une chaussure de décharge (voir p. 36). La prise en charge est assurée pour des patients adultes (plus de 18 ans) dans les situations de pathologies neuromusculaires évoluées ou de pieds neurologiques.

(1) « Guide Parcours de soins - DiabeÌ te de type 2 de l’adulte », Haute Autorité de santé, mars 2014.

(2) « Dépistage et prise en charge préventive des complications podologiques chez le patient diabétique », Cnamts / DSS, septembre 2014.

Cas pratique

Monsieur R., 52 ans, diabétique de type 2, a lu une brochure sur la prévention des lésions du pied chez le patient diabétique. Il vous demande ce qu’il risque en ce qui le concerne.

Tout dépend de son risque podologique. Si Mr R. ne le connaît pas, il vaut mieux le demander à son médecin ou à son podologue s’il en voit un, car le risque de plaie dépend de ce résultat, ou grade, et de la diminution de la sensibilité liée à une neuropathie diabétique. Le risque en cas de perte de sensibilité, est qu’une lésion, même minime, pourrait se compliquer sans que Mr R. ne s’en rende compte. Pour connaître les mesures de prévention à appliquer, Mr R. doit être informé de son risque podologique.

Question de proche

Pourquoi aurais-je une neuropathie alors que je suis diagnostiqué diabétique depuis peu ?

Il arrive souvent que le diagnostic du diabète soit posé alors que le déséquilibre glycémique existe depuis longtemps. Sachant que la neuropathie est une complication fréquente du diabète, mieux vaut faire tester votre sensibilité cutanée par votre médecin ou votre pédicurepodologue.