Les CPTS tissent leur toile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019

 

COMMUNAUTÉS PROFESSIONNELLES TERRITORIALES DE SANTÉ

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

La première journée nationale des CPTS organisée par leur fédération a eu lieu le 23 octobre dernier au ministère de la Santé à Paris. L’occasion de prendre la mesure du déploiement de cette nouvelle forme d’organisation des soins primaires sur le territoire.

Dans le projet du gouvernement « Ma santé 2022 », l’idée est de mailler l’ensemble du territoire d’un millier de communautés professionnelles de territoire (CPTS). Le problème est que ce nouvel échelon de l’organisation des soins à l’échelle des bassins de vie est encore mal connu des professionnels de terrain, même si plusieurs centaines de projets sont actuellement en chantier, un peu partout en France. « La particularité de ce nouvel outil est qu’il est en train de se mettre en place, à l’inverse de ce qu’on faisait d’habitude, a souligné en ouverture de la première journée nationale des CPTS le président de la fédération (FCPTS), le Dr Claude Leicher. Ce n’est pas un plan national qui doit être mis en œuvre territorialement mais ce sont aux professionnels de s’organiser eux-mêmes. C’est une décision politique qui a été courageuse, ambitieuse et à risque mais on assiste aujourd’hui à une dynamique très puissante sur le terrain. » Échelon au-dessus des maisons et des pôles de santé, qui ont vocation à organiser les soins au niveau d’une patientèle, les CPTS vont devoir se construire aussi avec les hôpitaux et les établissements médico-sociaux. « Vous êtes le renouveau des soins primaires et une partie de la solution au problème des urgences, a lancé le député LREM Thomas Mesnier, qui est aussi délégué à l’accès aux soins pour le gouvernement. Pour couvrir l’ensemble du territoire de CPTS, il va falloir un soutien très fort des pouvoirs publics. » L’un des principaux écueils identifiés aujourd’hui par les pionniers du mouvement est celui du syndrome de la « coquille vide ». « On connaît tous des maisons de santé qui sont restées vides faute de professionnels impliqués au départ, il ne doit pas y avoir de CPTS artificielles », a mis en garde Jean-Philippe Brégère, pharmacien et vice-président de la FCPTS.

D’où l’importance de bien penser en amont les missions de la CPTS. Dans 96 % des projets actuels figure la sortie hospitalière. Les missions qu’on retrouve le plus souvent sont l’accès au médecin traitant, les soins non programmés, l’organisation des parcours, la prévention, la qualité des pratiques et l’attractivité des territoires. « Dans dix ou vingt ans, nous serons tous toujours conventionnés au titre de nos professions, comme aujourd’hui, mais nous le serons également au titre des territoires, prédit le Dr Leicher. On assiste à un mouvement naturel vers l’exercice coordonné qui est aussi une des conditions qui nous permettront d’éviter la coercition à l’installation. » Même si le mouvement est censé venir des acteurs de terrain, il est bien sûr observé avec attention par les pouvoirs publics. « Nous avons fait preuve de sobriété en termes d’encadrement juridique, la balle est dans le camp des professionnels », a souligné Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins (DGOS) au ministère de la Santé. « Alors que nous sommes sur des formes émergentes et des constructions très progressives dans la durée, nous avons néanmoins fait le choix d’un cadre conventionnel afin de sécuriser les projets et de donner aux professionnels les meilleures conditions pour pouvoir se projeter, a rappelé Nicolas Revel, directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie, faisant allusion à l’accord-cadre interprofessionnel (ACI) sur ce sujet. Nous voulons que les CPTS puissent embarquer le maximum de praticiens et nous pensons qu’elles ne se déploieront que si elles amènent du service pour les patients et pour les soignants. » Pierre Ouanhnon, directeur de l’offre de soins de l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, a également indiqué que l’agence « était prête à financer des projets en plus de ceux qui bénéficient de l’ACI si ceux-ci intéressent le projet régional de santé ». « Sur certains territoires où il existe plusieurs projets en chantier, le directeur de l’agence sera obligé de trancher, a-t-il ajouté. En revanche, là où il n’y a aucun projet, nous ne forcerons pas les professionnels à créer une CPTS mais nous les inviterons au moins à se rapprocher des CPTS avoisinantes. » Avec toutes ces bonnes fées sur leurs berceaux, les CPTS réussiront-elles leur pari ? Réponse prévue en 2022.

CE QUE PENSENT LES SYNDICATS D’IDELS DES CPTS

→ Catherine Kirnidis, présidente du Sniil

« Les CPTS vont chambouler l’exercice des Idels, dans le bon sens du terme. Nous espérons qu’elles vont permettre de mettre en évidence tout ce qui relève des compétences des Idels pour pouvoir améliorer l’accès aux soins et libérer du temps médical. Il n’y a pas que les infirmières de pratique avancée qui y auront leur place. Au sein des CPTS, les professionnels pourront aussi apprendre à connaître et identifier les champs des compétences de chacun, ce qui évitera de marcher sur les plates-bandes des uns et des autres. »

→ Daniel Guillerm, président de la FNI

« Nous sommes face à une hybridation de tous les métiers qui nous impose de reformater notre disque dur. Pour que les CPTS puissent atteindre une masse critique, il va falloir mettre l’accent sur la formation et sur le financement mais aussi sur la lisibilité. Je formule le vœu qu’on s’attache à définir très clairement les concepts et qu’on use de pédagogie. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on construit un peu des cathédrales sur des bancs de sable. »

CARTE D’IDENTITÉ DES CPTS

En avril dernier, le ministère de la Santé comptait 250 CPTS et 400 supplémentaires sont actuellement en projet pour 16 millions d’habitants. La plus grande CPTS couvre 354 193 habitants et la plus petite 8 500. Avant la signature de l’avenant à l’accord-cadre interprofessionnel (ACI), les premières CPTS ont pu déjà bénéficier de financements par les fonds d’intervention régionaux (FIR) pour un montant moyen de 151 958 €. L’ACI permettra un financement de 185 000 € par an pour un projet couvrant moins de 40 000 habitants à 380 000 € pour un projet couvrant plus de 175 000 habitants.