Avant l’intervention - L'Infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

Face à la chirurgie prothétique de la hanche et du genou, l’Idel a un rôle primordial dans le repérage, l’orientation et la réassurance des patients. Elle veille à la prévention et au traitement des complications, telles que l’infection, la luxation, le descellement, ou les complications vasculaires ; neurologiques ou fracturaires.

PRISE EN CHARGE DU PATIENT ARTHROSIQUE

L’histoire des patients atteints d’arthrose est souvent toujours un peu la même. Au fur et à mesure que le cartilage dégénère, que l’inflammation s’installe et que l’os sous-chondral se modifie, les articulations touchées deviennent de plus en plus raides et douloureuses. Au fil des années, le patient se met à éviter certaines activités, certaines sorties ; il devient de plus en plus sédentaire. Le risque cardiovasculaire augmente en même temps que la qualité de vie diminue. Le déconditionnement est à la fois physique et psychologique. Ainsi, l’arthrose ne doit plus être considérée comme un signe relativement bénin de l’âge et du vieillissement mais bien comme une maladie chronique aux conséquences multiples. La prise en charge de l’arthrose est symptomatique, elle comprend deux volets tout à fait complémentaires :

→ d’une part, les traitements non pharmacologiques : information du patient, éducation thérapeutique, perte de poids en cas de surpoids et d’obésité, activité physique adaptée, rééducation, cures thermales, aides techniques (attelles, semelles, cannes…), voire thérapies cognitivo-comportementales et recours à des thérapies alternatives comme l’acupuncture ;

→ d’autre part, les traitements pharmacologiques : antalgiques par voie orale (paracétamol, antiinflammatoires non stéroïdiens, tramadol, codéine ; à noter qu’a priori les opioïdes forts comme la morphine n’ont pas leur place dans la stratégie thérapeutique de l’arthrose), pommades anti-inflammatoires, traitements de fond aussi appelés antiarthrosiques symptomatiques d’action lente (médicaments non remboursés, à base de glucosamine, de chondroïtine sulfate…), compléments alimentaires (non remboursés, par exemple à base de curcuma, aux vertus anti-oxydantes et anti-inflammatoires), injections intra-articulaires de corticoïdes (aussi couramment appelées infiltrations), d’acide hyalu ronique (aussi appelées viscosupplémentations) ou de plasma riche en plaquettes (plasma du patient centrifugé avant d’être réinjecté dans l’articulation).

« En tant qu’Idels, nous sommes quotidiennement confrontées à l’arthrose de nos patients et aux différents traitements antalgiques, expliquent Sylvie Remy, Caroline Hernandez, Isabelle Quarello- Reille et Olivia Grosso, Idels à Alleins (13). Nous intervenons pour la préparation, la distribution, l’observance et la surveillance des effets secondaires. Il faut insister sur l’importance de ces traitements mais parfois on peut s’interroger sur leur efficacité sur du très long terme. Certains patients prennent 3 g de paracétamol par jour depuis dix ans, cela ne les soulage pas totalement et pourtant ils sont réticents à changer leurs habitudes. »

REPÉRER, ORIENTER, RASSURER

Bien souvent, l’Idel est en première ligne face à la lente dégradation du patient. Aborder le sujet permet de mettre des mots sur la douleur ressentie et chercher ensemble des solutions.

Il faut encourager le patient à en parler à son médecin traitant, l’orienter vers un rhumatologue, puis vers un chirurgien orthopédiste si besoin. Et au moment de se faire opérer, l’aider à trouver un kiné proche de chez lui. L’Idel travaille souvent en étroite collaboration avec tous ces professionnels de santé et a une bonne connaissance du tissu médical et paramédical local, ce qui rassure les patients.

Envisager l’opération non pas sous un angle purement médical, même si le patient doit avoir conscience que c’est une opération relativement lourde, mais insister sur tous les aspects positifs comme la suppression de la douleur, la reprise des activités, l’amélioration du quotidien.

Nos Idels rappellent cependant : « On peut encourager le patient à se faire opérer pour aller mieux, mais nos patients sont parfois trop âgés ou trop malades pour une intervention et se font “recaler” par l’anesthésiste… ».

EN PRATIQUE, COMMENT ÇA SE PASSE ?

Avant

Un certain nombre d’examens préopératoires sont nécessaires. Il faut notamment vérifier l’absence d’infection : une infection même latente (en phase d’incubation et donc sans signe clinique) et/ou éloignée de la hanche (par exemple, au niveau dentaire) doit faire reporter l’opération car il y a un risque que l’infection migre ensuite vers la prothèse par voie sanguine. En parallèle, une consultation est prévue avec un cardiologue, d’une part, un anesthésiste, d’autre part. Un bilan sanguin ainsi qu’une radiographie complètent le bilan préopératoire. La radiographie aide à préparer l’acte chirurgical et à déterminer les dimensions de la prothèse. « Dans certains cas bien particuliers comme une dysplasie, des séquelles de fracture, un trouble de torsion fémorale, on a recours à des prothèses sur-mesure, conçues par impression 3D, explique le Dr Meucci. Le coût est pour le moment non soutenable par la Sécurité sociale en dehors de ces quelques exemples. »

Ne pas oublier la douche pré-opératoire, la veille et le matin de l’intervention.

Pendant

L’opération se fait sous anesthésie générale, locale ou locorégionale, selon le cas. Les conditions d’asepsie sont rigoureuses et une antibioprophylaxie est mise en place. Au cours de l’opération (qui dure en général entre une et deux heures), il faut successivement retirer les parties abîmées de l’articulation, retravailler les parties restantes pour qu’elles puissent accueillir le nouveau matériel et enfin poser la prothèse.

Un drain peut être mis en place pour aider à l’évacuation du sang et des sécrétions de la plaie, ce qui contribue à limiter le risque infectieux et à favoriser la cicatrisation.

Après

Dès le lendemain de l’opération, le kiné du service vient voir le patient dans sa chambre pour l’aider à se lever et à faire quelques pas. L’hospitalisation dure quelques jours seulement. La rééducation se poursuit à domicile ou en centre spécialisé en fonction des besoins du patient (voir p. 31). Nos Idels remarquent : « La récupération est souvent très bonne et très rapide, d’autant plus si le sujet est jeune et en bonne condition physique. »

Le Dr Meucci ajoute : « Dans 80 % des cas et à un an de l’opération, les patients oublient qu’ils ont une PTH. Pour le genou, c’est un peu différent ; on perd toujours un peu de flexion. Les douleurs de l’arthrose cèdent rapidement mais le résultat final est atteint au bout d’un an. »

La RRAC

La RRAC (pour « récupération rapide après chirurgie »), aussi appelée réhabilitation précoce ou RAAC (pour « récupération améliorée après chirurgie »), a été développée dans les années 1990 au Danemark par l’équipe du Pr Kehlet. Cette méthode concernait initialement la chirurgie digestive mais s’applique aujourd’hui à de nombreuses spécialités chirurgicales dont l’orthopédie. D’après la Haute Autorité de santé, la RRAC est « une approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement précoce de ses capacités après la chirurgie ». Le programme RRAC se déploie avant, pendant et après l’opération, il intègre jusqu’à une vingtaine de paramètres différents que l’on peut regrouper en cinq volets majeurs : information et éducation du patient, anticipation de l’organisation des soins et de la sortie du patient, réduction des conséquences du stress chirurgical, contrôle de la douleur dans toutes les situations, autonomisation du patient. Le but est d’améliorer la satisfaction des patients, de réduire la durée d’hospitalisation tout en limitant les complications postopératoires. La RRAC concerne des patients en chirurgie ambulatoire comme en chirurgie conventionnelle.

Cas pratique

Monsieur L. a 74 ans. Vous le connaissez bien car vous vous occupez de son épouse, polypathologique et polymédiquée. Monsieur L. a des problèmes d’arthrose, surtout au niveau de la hanche gauche. Ses douleurs sont de moins en moins bien soulagées par les différents traitements et elles commencent à le limiter dans ses activités quotidiennes.

Vous passez quotidiennement chez ce couple depuis plusieurs années. Vous voyez bien que monsieur L. souffre et qu’il a peur de perdre son autonomie. Le médecin traitant et le rhumatologue lui ont déjà parlé de chirurgie mais il semble redouter l’opération. Vous décidez d’aborder le sujet en mettant en avant les bénéfices attendus de l’opération et en expliquant clairement toutes les étapes.

Absence de cotation

Qu’il s’agisse d’un patient de la tournée ou d’un de ses proches comme c’est le cas ici, il n’y a pas de cotation spécifique pour le rôle de conseil et de soutien de l’Idel. En revanche, il apparaît clairement que la proximité et la disponibilité de l’Idel permettent souvent de dénouer certaines situations.

Point de vue du spécialiste

Choisir la voie d'abord pour poser la prothèse

Dr Jean-François Meucci, chirurgien orthopédiste spécialisé dans la hanche et le genou, clinique Juge à Marseille (13)

« La pose d’une prothèse de hanche a la particularité de pouvoir se faire selon plusieurs voies d’abord. Deux voies sont reines :

→ la plus classique est la voie postéro-externe, dite de Moore. Le patient est allongé sur le côté. C’est une voie d’abord simple et rapide, et la plus maîtrisée. Parmi les inconvénients, on relève la présence d’une assez grande cicatrice sur le côté de la fesse et surtout l’ouverture des muscles pelvi-trochantériens : ceci entraîne un risque d’instabilité plus important. Le choix des implants, et notamment de la double mobilité, permet néanmoins de négliger ce risque. Dans les premières semaines postopératoires, certains mouvements sont à éviter pour limiter le risque de luxation ;

→ la voie antérieure, dite de Hueter, que je réalise. Le patient est allongé sur le dos. Cette fois-ci, on ne touche pas aux muscles, on évite ainsi de déstabiliser la hanche et on diminue le risque de luxation. La cicatrice antérieure (sur le haut de la cuisse) est très peu visible. Cette voie d’abord a une courbe d’apprentissage plus difficile que les autres voies et n’est pas utilisable pour tous les patients ; elle n’est par exemple pas proposée aux patients en surpoids ou obèses, ni à ceux présentant une particularité anatomique fémorale. La voie antérieure nécessite le recours à une table orthopédique (même si en réalité on peut aisément s’en passer), une aide supplémentaire, et présente un risque vasculaire plus important. »