Après l’intervention - L'Infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 364 du 01/12/2019

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

LES ANTALGIQUES

Ils sont centraux dans la prise en charge postopératoire, non seulement pour soulager voire éviter les douleurs parfois très vives ressenties par le patient, mais également pour faciliter la récupération et la rééducation. En effet, un patient qui ne souffre pas n’hésite pas à marcher et à faire les différents exercices, alors qu’un patient qui souffre développe plutôt des stratégies d’évitement et cela nuit à sa récupération fonctionnelle.

La prise en charge antalgique est multimodale et débute dès l’opération par le recours à de puissants anesthésiques locaux. Dès son réveil, le patient évalue sa douleur sur une échelle de 0 à 10 et peut bénéficier d’antalgiques de différents paliers selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé :

→ palier 1, en cas de douleur faible à modérée : paracétamol, AINS ;

→ palier 2, en cas de douleur modérée à sévère : codéine, poudre d’opium, tramadol, néfopam (Acupan) ;

→ palier 3, en cas de douleur intense ou rebelle : morphine et autres opioïdes forts.

À domicile, il est important de préciser le rôle de chaque molécule et d’éviter de mélanger les médicaments prescrits avec les médicaments de l’armoire à pharmacie familiale. En effet, de nombreuses spécialités disponibles sans ordonnance contiennent du paracétamol, des AINS ou de l’aspirine.

Au-delà de la prise en charge médi camenteuse, d’autres méthodes antalgiques sont disponibles : massages, électrostimulation, glaçage de l’articulation, cataplasmes, petit matériel (béquilles, déambulateur, attelles)…

LES ANTICOAGULANTS

La chirurgie prothétique de la hanche ou du genou est une chirurgie lourde, associée à un risque thromboembolique élevé quel que soit le patient, son âge et/ou ses facteurs de risque (obésité, cancer, antécédents d’événements thromboemboliques…). Là encore, la prise en charge est multimodale : en effet, la prophylaxie antithrombotique comprend d’une part la mobilisation précoce du patient, d’autre part le port d’une compression veineuse, et enfin le recours à un anticoagulant. Plusieurs anticoagulants sont disponibles dans l’indication « prophylaxie antithrombotique post-PTH ou PTG » :

→ des anticoagulants injectables : les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) comme l’énoxaparine sodique (Lovenox) constituent le traitement de référence mais nécessitent une surveillance biologique (surveillance des plaquettes en raison d’un risque de thrombopénie qui, paradoxalement, peut conduire à des événements thrombotiques plutôt qu’hémorragiques). Le fondaparinux (Arixtra) est plus sélectif que les HBPM et ne nécessite pas de surveillance biologique. Mais cette molécule n’est pas idéale non plus et n’est pas adaptée aux patients âgés, à ceux ayant un petit poids ou encore aux insuffisants rénaux. Les héparines non fractionnées (HNF) comme l’héparine calcique (Calciparine) ne sont pas recommandées en première intention (car moins effi caces que les HBPM) mais constituent une alternative aux HBPM et au fondaparinux en cas d’insuffisance rénale sévère ;

→ des anticoagulants oraux : la classe des anticoagulants oraux directs (AOD) comprend le dabigatran (Pradaxa), l’apixaban (Eliquis) et le rivaroxaban (Xarelto). Les AOD sont intéressants car ils inhibent de façon directe, compétitive, sélective et rapide un facteur de la coagulation, et ne nécessitent pas de surveillance biologique particulière. En revanche, attention en cas d’insuffisance rénale. Attention également aux gélules de dabigatran : elles ne doivent jamais être ouvertes, au risque d’augmenter la biodisponibilité et le risque hémorragique. Les anticoagulants oraux de type antivitamine K (AVK) comme la fluindione (Préviscan) ne sont pas recommandés en première intention car ils sont moins efficaces que les HBPM dans cette indication et nécessitent un délai d’action de quelques jours avant d’être pleinement actifs.

La durée de traitement dépend de la molécule utilisée et du type d’opération, mais la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) recommande une administration jusqu’au 35e jour postopératoire.

Pendant le traitement, éviter de prendre des AINS ou de l’aspirine car cela peut augmenter le risque hémorragique. Prévenir tout professionnel de santé qu’un traitement anticoagulant est en cours.

QUELLES COMPLICATIONS POSSIBLES ?

Elles sont très variées mais restent rares comparativement aux bénéfices attendus. Ces complications doivent faire l’objet d’une information claire à destination des patients et des aidants en amont de l’opération.

Parmi les complications les plus graves et les plus redoutées, citons :

→ l’infection : elle peut avoir plusieurs origines (portage sain du staphylocoque, infection latente, infection nosocomiale…) et de redoutables conséquences, à la fois sur la prothèse elle-même, la fonction articulaire du patient et son état général. L’infection est dite précoce lorsqu’elle survient dans le premier mois qui suit l’intervention. C’est une urgence conduisant à une reprise chirurgicale et à la prescription d’une antibiothérapie au long cours.

Plusieurs signes doivent alerter le patient, les aidants et l’Idel, au niveau de la cicatrice elle-même (inflammation, retard de cicatrisation, écoulement plus ou moins purulent, abcès…) mais aussi en cas de réapparition ou d’aggravation de la douleur locale postopératoire, de dégradation de la récupération fonctionnelle ou encore en présence de signes généraux tels que fièvre ou frissons.

→ la luxation : c’est lorsque la prothèse sort de son emplacement et se « déboîte ». Cette complication concerne plus volontiers la hanche que le genou. La tête fémorale sort alors du cotyle, ce qui entraîne des douleurs intenses et une impossibilité de marcher correctement. Là encore, c’est une urgence qui nécessite une réhospitalisation pour remettre la prothèse en place ;

→ le descellement : c’est lorsque la prothèse bouge dans son emplacement et se « décroche ». Il existe des descellements aseptiques, essentiellement dus au vieillissement du matériel, et des descellements septiques, secondaires à une infection ;

→ les complications vasculaires : saignements et anémie, hématome, thrombose. Cette dernière peut survenir même sous anticoagulation bien menée et doit faire l’objet d’une attention toute particulière de la part de l’Idel. Celle-ci doit notamment être attentive aux principaux signes d’alerte (jambe douloureuse, gonflée, lourde, chaude, rouge…) ;

→ les complications neurologiques : des lésions ou des compressions nerveuses sont à l’origine de troubles sensitifs, de douleurs, voire de paralysie ;

→ les complications fracturaires : fracture de l’os implanté et/ou du matériel prothétique, pendant ou après l’opération.

Cas pratique

Suite à votre intervention, monsieur L. a fini par se faire opérer. Le chirurgien lui a posé une prothèse totale de hanche. Il revient à domicile et vous sollicite pour la cicatrisation des plaies. Il est content de retrouver sa maison et sa femme mais il est un peu perdu face aux différents traitements prescrits, lui qui ne prend quasiment rien d’habitude.

Le retour à domicile sans passer par un centre de rééducation est tout à fait indiqué chez monsieur L. Sa maison est de plain-pied, vous passez tous les jours, le cabinet de kinésithérapie n’est pas loin, les enfants du couple non plus. Vous expliquez à monsieur L. le rôle de chaque médicament et veillez à leur bon usage.

Vous surveillez la survenue d’éventuelles complications.

Cotation NGAP

En post-PTH ou post-PTG, plusieurs soins coexistent : le pansement proprement dit (ami2), l’injection sous-cutanée d’HBPM (ami1), le suivi des plaquettes (ami1,5), le retrait des agrafes ou des points (ami2 voire ami4 s’il y en a plus de 10). Pour rappel, au premier soin s’ajoute le domicile, le second soin est compté pour moitié et les suivants ne sont pas comptés.

Point de vue

Expliciter le traitement

Sylvie Remy, Caroline Hernandez, Isabelle Quarello-Reille, Olivia Grosso, Idels à Alleins (13)

« En post-op, la gestion de la douleur est le premier point de vigilance, suivie de la surveillance des signes infectieux. Le traitement post-op est essentiel et doit être réexpliqué en reprenant point par point l’ordonnance du chirurgien ou de l’anesthésiste. On leur dit par exemple qu’il ne faut pas attendre que la douleur s’installe avant de prendre un antalgique. Concernant les anticoagulants, on leur explique le but du traitement, l’intérêt de la surveillance biologique si elle existe et les effets secondaires éventuels, comme par exemple des hématomes.

On remarque une certaine carence au niveau des explications de la thérapeutique. En fait, les patients ont à la fois trop d’infos et pas assez d’infos concernant les traitements. Or, l’essentiel est qu’ils comprennent leur traitement pour se l’approprier, adhérer aux soins et devenir acteurs. Le patient ne doit pas subir les soins ! Les différents professionnels de santé sont autant de maillons d’une même chaîne et participent chacun à leur manière à cette importante éducation thérapeutique du patient. »

Le dispositif Prado

Prado est le service de retour à domicile des patients hospitalisés, mis en place par l’Assurance maladie en 2010. Dès 2012, la chirurgie orthopédique a rejoint la liste des spécialités concernées par Prado. Concrètement, il s’agit d’anticiper les besoins du patient liés à son retour à domicile et de fluidifier le parcours hôpital-ville. Lorsque l’équipe hospitalière identifie un patient éligible au dispositif, un conseiller de l’Assurance maladie vient à la rencontre de ce patient et doit recueillir son accord. Les professionnels de santé habituels du patient (médecin traitant, Idel, kiné…) sont contactés, les premiers rendez-vous sont pris. En parallèle, des solutions sont trouvées en cas de besoins d’aide à la vie (portage de repas, aide-ménagère…). En 2018, 69 000 patients ont bénéficié de Prado chirurgie (toutes chirurgies confondues).

Source : Ameli (https://www.ameli.fr/)