Le cancer du foie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 361 du 01/09/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 361 du 01/09/2019

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR

Le cancer primitif du foie le plus fréquent est le carcinome hépatocellulaire (CHC) se développant généralement sur une cirrhose. En 2017, 8 273 nouveaux cas ont été recensés. Le CHC est repéré en général tardivement en raison de l’absence de symptômes jusqu’aux stades avancés. Détecté à un stade précoce, le CHC peut être traité par chirurgie ou détruit par thermo-ablation. À visée palliative, des thérapies ciblées sont proposées. Le traitement idéal est la transplantation du foie, mais elle ne peut être proposée qu’à moins de 10 % des malades.

LE FOIE : ANATOMIE, FONCTIONS

Anatomie

→ Le foie est un des organes les plus volumineux du corps humain : il s’étend sur une vingtaine de centimètres et pèse environ 1,5 kg.

→ Il est composé de deux lobes principaux : le lobe droit volumineux (2/3 du volume) et le lobe gauche (1/3 du volume).

→ Les lobules sont formés d’hépatocytes, regroupés autour d’une veine centrale.

→ Le foie est un des organes les plus vascularisés. Il contient plus de 10 % du volume sanguin total du corps. Entre 1 et 2 litres de sang approvisionnent chaque minute le foie chez l’adulte, à partir de deux sources : l’artère hépatique et la veine porte. Elles se divisent dans le foie, formant un réseau très dense de vaisseaux extrêmement fins.

→ L’artère hépatique apporte du sang oxygéné permettant au foie de fonctionner correctement (voir le schéma ci-contre). Selon les individus, le foie peut comporter une à trois artères hépatiques (moyenne, droite ou gauche, issues respectivement du tronc cœliaque, de l’artère mésentérique supérieure et de l’artère gastrique gauche). Dans la majorité des cas, le foie est irrigué par une seule artère : l’artère hépatique moyenne.

→ La veine porte apporte du sang riche en nutriments venant de l’intestin, de l’estomac et d’autres organes du système digestif.

→ Après avoir irrigué l’ensemble des cellules du foie, le sang est évacué par la veine hépatique qui se jette dans la veine cave retournant au cœur.

→ La vésicule biliaire est attachée au foie à la limite du lobe carré et du lobe hépatique droit. Le lobe caudé et le lobe carré sont séparés par un sillon, appelé le hile du foie, où l’artère hépatique et la veine porte pénètrent dans le foie.

→ Le foie est également parcouru par de nombreuses voies biliaires qui collectent la bile qui gagne le duodénum par le canal cholédoque quittant le foie au niveau du hile du foie. La bile, utilisée pour la digestion des graisses, est stockée en partie dans la vésicule biliaire.

Fonctions du foie

Synthèse de la bile

Les cellules du foie produisent la bile, liquide jaunâtre contenant des acides biliaires, du cholestérol, de la lécithine et de nombreux autres composants comme la bilirubine (produit de dégradation des globules rouges) qui lui donne sa couleur. La bile est transportée via un réseau de voies biliaires vers la vésicule biliaire. Cette dernière stocke la bile et la libère dans les intestins lors des repas par le canal cholédoque. Les acides biliaires et d’autres composants de la bile permettent la digestion des graisses, qui se déroule dans l’intestin grêle. La bile a également pour rôle de transporter jusqu’à l’intestin les produits liposolubles à éliminer après leur passage dans le foie.

Stockage et production de substances complexes

Le sang provenant directement du système digestif transporte des nutriments qui sont stockés par le foie et transformés en molécules plus complexes. Ainsi, le foie participe au métabolisme des glucides et des lipides.

→ Les glucides (glucose, fructose, galactose), acheminés par la veine porte hépatique, sont transformés par le foie en glycogène, molécule stockée au sein des hépatocytes. Le foie retransforme ensuite ces glycogènes en glucose qu’il libère dans le sang en fonction des besoins de l’organisme. Si les réserves en glycogène sont épuisées, les cellules hépatiques peuvent également synthétiser du glucose à partir d’acides aminés (néoglucogenèse).

→ Les lipides issus de la digestion sont transformés en triglycérides et stockés dans les cellules hépatiques. Ces triglycérides peuvent être transformés en acides gras en cas de besoin de l’organisme.

→ Le foie emmagasine aussi des vitamines, du fer et des minéraux.

→ Il fabrique en outre de nombreuses substances indispensables au maintien de l’équilibre dans l’organisme, notamment des protéines et des hormones.

Production de protéines sanguines

La majorité des protéines sanguines sont ainsi fabriquées par le foie : l’albumine, toutes les globines (hémoglobine, globuline…) et les facteurs de coagulation. En cas de dysfonctionnement hépatique, on observe un déficit de ces protéines de sang. Les troubles de la coagulation peuvent entraîner des hémorragies.

Détoxification

→ Le foie épure le sang des substances toxiques, comme les résidus de médicaments, l’alcool, les déchets de l’organisme… Les produits de dégradation liposolubles sont transportés dans la bile, puis dans l’intestin, et évacués dans les selles. Les produits hydrosolubles véhiculés dans le sang sont acheminés jusqu’aux reins, où ils sont éliminés par les urines. Ainsi, le foie dégrade l’ammoniac, substance naturellement produite par le côlon lors de la décomposition du contenu digestif, qui possède une forte toxicité neurologique. Mené au foie par la veine porte, l’ammoniac est dégradé par les cellules hépatiques en urée, puis éliminé dans les urines.

→ Le foie transforme également l’éthanol en acétaldéhyde, puis en acétate. Ces substances sont reversées dans le sang et éliminées par voie rénale. Elles ont un effet toxique sur les cellules hépatiques, possédant des propriétés chimiques qui perturbent gravement leur fonctionnement et entraînant la stéatose hépatique.

→ Le foie intervient aussi dans la décomposition de l’hémoglobine. Les globules rouges, dont la durée de vie est d’environ 120 jours, sont détruits dans la rate. Leur dégradation produit de la bilirubine libre qui peut être nocive. Elle arrive au foie par voie sanguine et y est transformée en bilirubine conjuguée, non toxique, qui est ensuite transportée dans la bile.

→ Les médicaments pris par voie orale parviennent de la même façon au foie qui les absorbe et élimine une partie des substances actives du médicament. Cette fonction du foie, dite « effet de premier passage », est prise en compte dans le dosage des médicaments.

DIFFÉRENTS TYPES DE CANCER DU FOIE

Les cancers primaires ou primitifs du foie

Ils se développent à partir des cellules spécialisées du foie : les hépatocytes (1), initialement normaux qui se transforment génétiquement et se multiplient de manière anarchique, formant un carcinome hépatocellulaire (CHC) appelé aussi hépatocarcinome. Plus rarement, d’autres formes de cancers primaires du foie se développent à partir des cellules des canaux biliaires (cholangiocarcinome) ou plus rarement encore, à partir des vaisseaux sanguins (hémangioendothéliome épithélioïde). Le CHC est généralement localisé au foie, mais peut métastaser dans d’autres organes (ganglions, poumons, os essentiellement).

Les cancers secondaires du foie

Le foie est un organe de prédilection des métastases des autres cancers primitifs, surtout de l’appareil digestif (côlon, pancréas, estomac, œsophage). À savoir : la quasi-totalité des autres cancers (poumon, ovaires, sein, rein…) peuvent métastaser dans le foie. Les cancers secondaires du foie sont 20 à 50 fois plus fréquents que les cancers primaires (2).

HISTOIRE DE LA MALADIE

Un CHC survient exceptionnellement sur un foie « sain ». Dans 75 à 80 % des cas, il est une complication d’une cirrhose (3) ou d’une maladie chronique du foie. La cirrhose apparaît après de nombreuses années suite à une inflammation chronique du foie liée à un agent agressant (alcool, virus de l’hépatite B, virus de l’hépatite C, surcharge en graisse ou en fer…). Pendant les premiers temps de l’inflammation, les cellules du foie se régénèrent en formant un tissu cicatriciel fibreux (fibrose) qui peut évoluer en cirrhose. La cirrhose est caractérisée par :

→ des modifications des fonctions hépatiques :

- baisse de la production de protéines sériques, ce qui accroît le risque d’œdème et d’ascite,

- décomposition de la bilirubine insuffisante, ce qui peut entraîner un ictère avec coloration jaunâtre de la peau et du blanc de l’œil,

- tendance aux saignements liée à la baisse de production de protéines importantes pour la coagulation sanguine,

- équilibre hormonal perturbé ;

→ une hypertension portale : la cirrhose entraîne une augmentation de la résistance des vaisseaux sanguins dans le foie, ce qui provoque une augmentation de la pression dans la veine porte qui va alors se dilater. Le foie est insuffisamment irrigué. Le flux sanguin peut par ailleurs être altéré par la formation de thromboses dans la veine porte. Les conséquences possibles sont :

- le développement d’une circulation collatérale, c’est-à-dire d’un système de vaisseaux qui ne transportent plus le sang dans le foie mais le contourne, ce qui entraîne un gonflement d’autres vaisseaux, capable de provoquer la formation de varices œsophagiennes qui peuvent être à l’origine d’une hémorragie grave avec des vomissements de sang,

- le sang contournant le foie n’est plus drainé et transformé, les substances toxiques restent dans l’organisme et sont susceptibles de parvenir jusqu’au cerveau, entraînant une encéphalopathie hépatique pouvant provoquer un état confusionnel, voire un coma.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Incidence et mortalité

Le nombre de nouveaux cas de cancer du foie primitif en France métropolitaine et la mortalité en 2017 ont été estimés à partir des données du réseau français des registres des cancers (Francim) et des données fournies par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (CépiDc/Inserm) sur la période 1975-2013 (4).

→ L’incidence a été estimée à 8 273 nouveaux cas chez l’homme et 2432 nouveaux cas chez la femme (4).

→ La mortalité a été estimée à 6 129 cas pour les hommes et 2 522 cas pour les femmes.

→ Les décès par cancer du foie occupent le 4e rang (4).

Évolution de l’incidence

Selon l’Institut de veille sanitaire (Invs) et l’Institut national du cancer (Inca), le nombre de nouveaux cas de cancer primitif du foie en France est passé de 1 800 en 1980 à 7 100 en 2008 et 8 723 en 2012 (5). L’augmentation du nombre de cas depuis 20 ans, observée également dans les autres pays occidentaux, dépend probablement de plusieurs facteurs (voir Les facteurs de risques ci-après) : l’augmentation des cas liés au virus de l’hépatite C, un meilleur diagnostic ainsi qu’une meilleure prise en charge des autres complications de la cirrhose. La fréquence plus élevée de diabète et d’obésité joue également un rôle (6).

Survie des personnes ayant un cancer du foie

La survie nette (survie que l’on observerait si la seule cause des décès des patients était le cancer) est un indicateur de santé qui permet de mettre en évidence des variations considérables en termes de survie selon les cancers. La survie nette pour le cancer du foie était de 15 % chez les hommes et de 14 % chez les femmes à 5 ans entre 2005 et 2010. Le pronostic du cancer du foie reste l’un des plus mauvais de tous les cancers (7).

LES FACTEURS DE RISQUES

Abus d’alcool

Il entraîne une accumulation de graisse dans le foie, puis la formation de lésions inflammatoires susceptibles d’évoluer en cirrhose. Le risque de cancer augmente de manière linéaire dès que la consommation atteint ou dépasse un verre par jour en moyenne (20 cl pour les hommes et 15 cl pour les femmes). Ce risque augmente avec la durée de la consommation. En France, l’abus d’alcool est responsable de 75 % des cas de cirrhose (8). Les boissons alcoolisées seraient à l’origine de 31,8 % des cas masculins de cancers hépatiques et 8,4 % des cas féminins (9).

Infection par les virus de l’hépatite C et B (VHC et VHB)

Les VHC et VHB sont la première cause de CHC dans le monde. 85 % des CHC se situent dans les pays en voie de développement, en particulier dans les zones d’endémie des hépatites B et C (10).

Infection par le VHB

Transmise par des fluides corporels (sang, sperme, sécrétions vaginales), l’infection a lieu lors de rapports sexuels non protégés ou en cas d’utilisation d’aiguilles contaminées (drogues, tatouages, ustensiles de manucure). 5 à 10 % des infections à VHB ne guérissent pas et deviennent chroniques (11).

Infection par le VHC

Transmis essentiellement par le sang, le VHC peut provoquer une inflammation du foie qui est généralement asymptomatique pendant plusieurs années. La transmission se produit souvent à l’occasion de l’échange de seringues usagées chez les toxicomanes ou par des aiguilles contaminées lors de tatouage ou de piercing ou d’autres instruments non stériles. La transmission lors de rapports sexuels ou pendant la grossesse est rare, mais possible. Contrairement aux hépatites A et E, qui guérissent toujours et ne deviennent pas chroniques, et donc n’entraînent pas de cirrhose, le VHC passe à la chronicité dans 70 % des cas (12).

Stéatohépatite non alcoolique (NASH)

La NASH est une maladie touchant essentiellement les per sonnes en surpoids ou obèses, souffrant de diabète et/ou présentant un taux de triglycérides élevé. Elle correspond à une accumulation de graisse dans le foie, qui va provoquer une inflammation locale chronique susceptible d’évoluer en cirrhose.

Le syndrome métabolique associant diabète, surpoids et hypertension artérielle est un facteur de risque de cancer du foie (13). Il est en passe de devenir la première cause de CHC en Amérique du Nord.

Troubles métaboliques héréditaires

L’hémochromatose

Maladie héréditaire relativement fréquente, elle se traduit par un stockage excessif du fer alimentaire. Elle est caractérisée par des lésions hépatiques qui peuvent évoluer vers la cirrhose et donc un CHC.

Le dépistage est indiqué pour les personnes dont au moins l’un des parents de premier degré est atteint. Il peut être proposé aux personnes sans antécédents familiaux qui présentent à la fois une anémie et une anomalie du métabolisme du fer.

Maladie de Wilson

Maladie héréditaire liée à une accumulation de cuivre dans l’organisme.

Déficit en alpha-1 antitrypsine (DAAT)

Maladie génétique, le DAAT est caractérisé par des taux sériques diminués d’alpha-1 antitrypsine, l’inhibiteur des protéases le plus abondant dans le sérum humain. Il en résulte une inflammation du foie, une cirrhose, et dans certains cas, un cancer du foie. Cette maladie se manifeste par un emphysème pulmonaire.

Certaines substances toxiques

→ Aflatoxines : le risque de CHC est augmenté par l’ingestion d’aflatoxine B1 fabriquée par un champignon de type Aspergillus présent dans le maïs, les cacahuètes moisies ou encore les graines de coton, cultivées dans les pays chauds et humides d’Asie et d’Afrique subsaharienne.

→ Tabagisme (14).

→ Anabolisants stéroïdes en cas de consommation régulière par certains sportifs pour augmenter leur masse musculaire.

SYMPTÔMES

Habituellement, le cancer primitif du foie est asymptomatique, du moins dans les stades précoces. Les premiers symptômes possibles peuvent être une perte d’appétit, des nausées et une fatigue importante, une perte de poids inexpliquée, une fièvre persistante. Les symptômes tardifs possibles, principaux symptômes qui conduisent à consulter, sont des douleurs dans la région du foie, un ictère (jaunisse), un gonflement de l’abdomen lié à l’accumulation de liquide (ascite) ou des vomissements de sang liés à une hémorragie digestive.

DIAGNOSTIC

Évaluation du foie non tumoral

Le diagnostic de la cirrhose peut être fortement évoqué sur des critères cliniques, biologiques (plaquettes, albuminémie, marqueurs de fibrose), endoscopiques (varices œsophagiennes) et morphologiques (dysmorphie hépatique et signes d’hypertension portale). Si une maladie chronique du foie (cirrhose, hépatite chronique B ou C) a été diagnostiquée, un bilan échographique tous les 6 mois doit être réalisé afin de surveiller une éventuelle évolution cancéreuse.

Diagnostic du CHC

En cas de symptômes évocateurs et de facteurs de risque (alcool, drogue, etc.), le bilan comprend des examens biologiques, d’imagerie, et éventuellement une biopsie.

Examens biologiques

→ Transaminases, bilirubine, Gamma-GT, taux de prothrombine, albumine : le dosage de ces différents composés permet d’évaluer l’état de fonctionnement du foie.

→ L’AFP (alpha-fœtoprotéine) est le principal marqueur du CHC. Mais la présence ou l’absence de ce marqueur tumoral ne permet pas de confirmer ou d’exclure définitivement la présence d’une tumeur du foie car d’autres maladies ou la grossesse peuvent augmenter de manière modérée la concentration de ce marqueur. Tous les cancers du foie n’entraînent pas une augmentation du taux d’AFP sanguin. L’AFP peut être utilisée comme un outil pour suivre l’efficacité du traitement ou surveiller les progrès de la thérapie (mesure au départ et puis après la thérapie).

Imagerie

L’échographie est le premier examen réalisé pour poser le diagnostic. Le signe le plus évocateur de CHC est l’existence d’un ou de plusieurs nodules hypervascularisés. En cas de suspicion, le scanner hélicoïdal et l’IRM réalisés avec injection d’un produit de contraste dans les deux cas sont les deux examens de référence. Ils permettent d’apprécier la taille des nodules, la quantité d’artères présentes dans le(s) nodule(s), de déceler d’éventuelles métastases et une hypertension portale.

Biopsie

Elle n’est plus réalisée en première intention mais demeure un outil de diagnostic important. La biopsie permet également de caractériser les tumeurs et définir leurs sous-types selon des critères histologiques génétiques et cliniques. Récemment, l’équipe du Pr Jessica Zucman-Rossi a proposé une classification en six sous types. La détermination des soustypes est importante pour proposer à chaque patient un traitement adapté. La biopsie est également utile pour l’évaluation pronostique sachant que le grade de différenciation tumorale est un facteur pronostique.

En cas de biopsie négative, le malade doit être suivi par échographie et/ou scanner ou IRM tous les 3 à 6 mois jusqu’à ce que le nodule suspect disparaisse. S’il augmente de taille et reste atypique, une nouvelle biopsie doit être pratiquée.

Autres examens possibles

→ L’endoscopie digestive haute permettant de détecter la présence de varices dans l’estomac ou l’œsophage.

→ La scintigraphie osseuse lorsque des symptômes suggèrent une atteinte osseuse par imagerie médicale nucléaire.

LES DIFFÉRENTS STADES DE LA MALADIE

À la différence de nombreux cancers, le CHC n’est pas classé selon la classification TNM, mais selon un algorithme qui prend en compte l’état général du patient d’après la classification de l’Organisation mondiale de la santé, l’état de la cirrhose d’après le score de Child Pugh (voir le tableau ci-dessous), le nombre et la taille des tumeurs. Les différents stades (voir le tableau p. 38) permettent de choisir l’option thérapeutique la plus adaptée au type de cancer et à l’état du patient.

TRAITEMENTS

Généralités

→ Le traitement d’un cancer du foie repose sur des traitements à visée curative par transplantation hépatique, résection, destruction percutanée par alcoolisation, radiofréquence, et sur des traitements à visée palliative par chimio-embolisation, traitement médicamenteux.

→ La stratégie thérapeutique (voir le tableau p. 38) est établie à l’issue de la réunion de concertation pluridisciplinaire.

Transplantation hépatique (TH)

Indication

La tumeur n’a pas envahi les vaisseaux sanguins, les ganglions lymphatiques ne doivent pas être atteints et il n’y a pas de métastases à distance.

L’indication consensuelle au niveau international est le CHC strictement localisé, soit unique et mesurant entre 2 et 5 cm, soit sous forme de deux à trois nodules ne dépassant pas 3 cm de diamètre en l’absence de thrombose portale ou hépatique (critères de Milan). Dans ces conditions, elle guérit deux tiers des malades (15).

La TH nécessite un traitement immunosuppresseur à vie. Le CHC représente 30 % des 1 000 transplantations réalisées chaque année en France. La TH est réalisée chez 3 à 4 % des patients atteints de CHC en raison de la pénurie de greffon.

Origine du greffon

La greffe peut être réalisée à partir d’une personne décédée d’une hémorragie cérébrale grave ou d’un accident, par exemple, chez qui la mort cérébrale a été constatée, ou d’un donneur vivant et compatible (le pourcentage par rapport au total des TH issues de donneurs décédés ne dépasse pas 5 % en France en 2003 (15)). La plupart des centres de TH décident d’effectuer soit un traitement d’attente par chimio-embolisation, soit un premier traitement curatif par résection ou destruction percutanée.

En pratique

→ Intervention lourde (entre 5 et 7 heures).

→ Quinze jours d’hospitalisation.

→ Dans le cas de donneur vivant, ce dernier doit aussi passer quelques jours à l’hôpital.

Risques et conséquences possibles

→ Hémorragies, vulnérabilité aux infections, fuite biliaire, récidive (si infection par le virus de l’hépatite C par exemple).

→ Pour prévenir un rejet de la greffe, une prise à vie de médicaments immunodépresseurs est nécessaire. Ces médicaments entraînent une vulnérabilité aux infections. Elle augmente également le risque de diabète, d’insuffisance rénale et de tumeurs de type lymphomes ou cancers de la peau. Certains signes cliniques (fièvre, fatigue, ascite) et/ou données biologiques peuvent laisser suspecter un rejet.

Hépatectomie partielle

Pour le CHC sur cirrhose, elle est discutée chez les patients ayant une fonction hépatique préservée (Child Pugh A) et sans signe d’hypertension portale majeure. Dans la plupart des cas, une résection partielle du foie nécessite une laparotomie (incision de quelques centimètres en dessous des côtes). L’ouverture de l’abdomen peut être remplacée par une cœlioscopie ou laparoscopie.

Au travers de petites incisions, le chirurgien fait passer ses instruments chirurgicaux miniaturisés et un système optique relié à un écran vidéo.

Dans certains cas, un traitement anticancéreux local peut être proposé pour contrôler la tumeur avant l’intervention. Après l’opération, le foie se régénère en quelques semaines (sans toutefois retrouver exactement sa forme initiale). En général, le patient reste hospitalisé une quinzaine de jours.

Dans d’autres cas, la résection hépatique exige une préparation du foie, environ 6 semaines avant l’opération. Elle consiste à obstruer la veine porte qui amène le sang à la partie du foie qui sera enlevée afin de favoriser la distribution de sang dans la partie saine du foie pour garantir une régénération optimale après résection.

Destruction percutanée

Pour les malades ne relevant pas d’une chirurgie, les traitements anticancéreux locaux sont suivis par un scanner ou une échographie et délivrés par l’intermédiaire d’une aiguille fine à travers la paroi abdominale ou par cathéter via un vaisseau sanguin.

La radiofréquence ou micro-onde

La tumeur est « brûlée » par la chaleur (hyperthermie) produite par des ondes radioélectriques et appliquée au moyen d’une sonde. Elle permet de traiter des tumeurs de petite taille (< 3 cm).

Chimio-embolisation

Lorsque la tumeur ne peut être traitée par résection ou destruction percutanée, la chimio-embolisation transartérielle consiste à injecter dans une artère du foie un produit pour bloquer la circulation sanguine alimentant la tumeur en oxygène et en nutriments, et y injecter ensuite un produit pour détruire les cellules tumorales.

Sous anesthésie locale, un cathéter dans l’artère fémorale est introduit et poussé jusque dans l’artère hépatique. Pour positionner correctement le cathéter, l’injection d’un produit de contraste est nécessaire. Le produit d’embolisation est délivré avec un médicament cytotoxique.

Cette intervention ne peut être effectuée que si l’artère hépatique et la veine porte sont intactes. Pour obtenir un résultat optimal, plusieurs cures de chimio-embolisation sont généralement programmées.

Thérapie ciblée

Dans le cancer du foie, la chimiothérapie classique par voie intraveineuse consistant à tuer toute cellule se multipliant rapidement n’est pas efficace. Des inhibiteurs de kinases sont utilisés, ciblant les cellules tumorales. Ces médicaments bloquent un ou plusieurs signaux de croissance qui commandent la division cellulaire de la tumeur, et empêchent l’approvisionnement en sang et en substances nutritives de la tumeur en bloquant la formation de vaisseaux sanguins (angiogenèse).

Traitements de première ligne

→ Le sorafénib est proposé en cas de CHC non éligible aux traitements spécifiques (transplantation hépatique, résection, destruction percutanée, chimioembolisation). Le sorafénib bloque l’action du VEGF (facteur de croissance endothélial vasculaire) qui favorise la création de vaisseaux sanguins.

→ Le lenvatinib a montré une efficacité comparable à celle du sorafénib dans une étude récente auprès de patients atteint d’un CHC avancé (de stade B ou C de la classification BCLC). L’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne a été obtenue en 2018, et le remboursement est en attente en France dans l’indication du CHC.

Traitements de seconde ligne

Trois molécules ont montré leur intérêt après échec ou intolérance au sorafénib. Il s’agit du régorafénib, traitement standard de seconde ligne pour les patients ayant une fonction hépatique préservée (Child Pugh A), du cabozantinib dont les modalités de remboursement sont en attente en France, et du ramucirumab (anticorps humanisé inhibant l’activation des ligands du VEGF-2) qui n’a pas encore reçu d’extension d’AMM en Europe.

(1) Haute Autorité de santé, « Cancer primitif du foie », guide ALD n° 30, 2010 (consulter le lien bit.ly/ALD30).

(2) Institut Curie, « Le cancer du foie », 2017 (consulter le lien bit.ly/Curie_Cancer_foie).

(3) Thésaurus national de la cancérologie digestive (TNCD), « Carcinome hépatocellulaire (cancer primitif du foie) », 2019 (consulter le lien bit.ly/TNCD_Cancer_foie).

(4) Jéhannin-Ligier K, Dantony E, Bossard N, Molinié F, Defossez G, Daubisse-Marliac L, Delafosse P, Remontet L, Uhry Z, « Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine en 2017 », rapport technique, Santé publique France, 2017 (consulter le lien bit.ly/Cancer_France2017).

(5) Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff AS, Bossard N, « Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012 », partie 1 - Tumeurs solides, Institut de veille sanitaire, 2013 (consulter le lien bit.ly/INVS_1980_2012).

(6) Hillon P, « Obésité, diabète et risque de cancer », Association française de formation continue en hépatogastro-entérologie, Post’U, 2013 (consulter le lien bit.ly/fmcgastro).

(7) Cowppli-Bony A, Uhry Z, Remontet L, Guizard A-V, Voirin N, Monnereau A, Bouvier A-M, Colonna M, Bossard N, Woronoff A-S, Grosclaude P, « Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine, 1989-2013 », partie 1 - Tumeurs solides, Institut de veille sanitaire, 2016 (consulter le lien bit.ly/INVS_1989_2013).

(8) Sobesky R, Mony C, Alcool et foie, centre hépato-biliaire Paul Brousse, 2014 (consulter le lien bit.ly/Alccol_Foie).

(9) Unité Cancer et Environnement, « Cancer du foie », 2018 (consulter le lien bit.ly/Cancer_Environnement).

(10) Fondation Arcad, « Le cancer du foie en questions », 2017 (consulter le lien bit.ly/Arcad_Cancer_Foie).

(11) Inpes, « L’hépatite B », 2018 (consulter le lien bit.ly/Inpes_VHB).

(12) Inpes, « L’hépatite C », 2015 (consulter le lien bit.ly/Inpes_VHC).

(13) Campbell PT et al, “Body mass index, waist circumference, diabetes, and risk of liver cancer for U.S. adults”, Cancer Research 76 (20), 2016 (consulter le lien bit.ly/ Cancer_Research76).

(14) Fondation Arc, « Les cancers du foie », Elsevier-Masson, 2015 (consulter le lien bit.ly/Arc_Cancer_Foie).

(15) Arcat santé, « Le foie en partage », Journal du sida (consulter le lien bit.ly/Arcat_Partage).

Prévention des infections par le VHB et VHC

La vaccination contre le VHB est la méthode la plus efficace pour la prévention de l’hépatite virale B. Pour le VHC, il n’existe pas de vaccin. La stratégie de prévention repose sur le contrôle des dons de sang et les techniques aseptiques pour les injections.

Vrai / Faux

Une personne atteinte d’une cirrhose développera forcément un cancer du foie.

FAUX. Un cancer peut se développer dès le premier stade d’altération de la fibrose. À l’inverse, une personne atteinte de cirrhose ne développera pas forcément un cancer du foie. L’origine de la cirrhose et les paramètres personnels (âge, sexe, hygiène de vie…) influent sur le risque individuel de développer un cancer.

Il est possible de dépister le CHC chez une personne atteinte de cirrhose.

VRAI. Dans plus de 70 % des cas, il est possible de dépister le CHC à un stade curable chez des malades atteints de cirrhose par échographie semestrielle sans dosage de l’alpha-fœtoprotéine (3).

Le numérique au secours des patients sous anticancéreux oraux

Le nombre de patients recevant un traitement par anticancéreux oraux (AO) augmente constamment. Selon Unicancer, 50 % des anticancéreux seront des AO en 2020*. Dans le cancer du foie, les AO ne sont pas une alternative à une forme injectable. Mais d’ores et déjà, les médicaments actuels n’existent que sous cette forme galénique.

Avec l’essor des AO, la question de l’observance et de la gestion des effets indésirables est devenue cruciale pour garantir la sécurité et l’efficacité des prises en charge à domicile. Pour répondre à ces besoins, plusieurs établissements, notamment les centres de lutte contre le cancer, ont développé leurs propres outils numériques d’éducation, de prévention et/ou de surveillance, pour le maintien à domicile des patients sous AO.

→ Nouvelle organisation

« Nous avons développé deux outils », rapporte Sandra Eclancher, infirmière coordinatrice du dispositif ChimiOrale, proposé par le centre hospitalier privé de l’Europe, à Port-Marly (78), depuis juin 2016. Un « serious game » pour l’éducation thérapeutique du patient à distance, relié en temps réel à une plateforme web (VivaltoLife), pour la mise en relation de tous les acteurs ville/hôpital identifiés par le patient.

Tout commence par une primo-consultation avec l’oncologue qui explique au patient son projet thérapeutique et son parcours de soins avec la possibilité de participer à ce suivi spécifique ChimiOrale. « Je reçois ensuite le patient en consultation d’annonce infirmière pour revoir avec lui ce qu’il a retenu des explications de l’oncologue, ce qui le préoccupe… En fonction de ses aptitudes, je lui proposerai de tester l’outil éducatif. Je l’aide dans un premier temps à découvrir l’application à l’hôpital afin que, rentré chez lui, il puisse répondre seul aux questions du jeu éducatif. » Par exemple : « Que faire en cas d’oubli ? Qui appeler après 18 h si j’ai de la température à plus de 38,5 °C avec sensation de malaise… » Au vu de ses réponses et du bilan clinique, l’oncologue validera ou non le maintien de la thérapie orale. Si l’avis est positif, des séances éducatives sont mises en place afin de renforcer ou d’acquérir les compétences nécessaires pour gérer seul son traitement AO à la maison. « De retour chez lui, le patient se connecte régulièrement sur la plateforme de coordination VivaltoLife pour faire état des symptômes et effets indésirables rencontrés, explique Sandra Eclancher. Nous pouvons ainsi dépister précocement les effets secondaires des AO, anticiper l’évolution des toxicités et prévenir les effets indésirables graves afin de maintenir le traitement aux doses optimales pour une meilleure efficacité. De simples conseils ou modifications de doses des AO sont parfois décidés pour sécuriser la prise en charge. Décision que je prends en lien avec l’oncologue et partage avec les acteurs de ville, l’Idel, le médecin traitant et le pharmacien qui ont également accès à la plateforme. Ce type de dispositif s’adresse essentiellement aux patients ayant Internet à la maison, mais il peut être accompagné par un aidant qui tracera le « reporting » à sa place. La moyenne d’âge de nos patients est de 72 ans. La prestation de suivi pourrait être réalisée par une Idel ou un pharmacien de ville. Une expérimentation, à la demande de l’ARS, est d’ailleurs en cours dans le cadre l’article 51, avec une tarification au parcours. »

→ Télésuivi humanisé

Autre exemple : le protocole de soin Ako@dom, inventé par la start-up Continuum+. À l’instar des autres dispositifs d’e-santé « le malade intègre le parcours sur recommandation de l’oncologue », explique Françoise Ambrosino, Idel coordinatrice chez Continuum+. « Il est ensuite suivi par son Idel habituelle durant les huit à douze premières semaines du traitement. » Rémunérée par Continuum+, l’infirmière passe d’abord une fois par semaine, puis une fois tous les quinze jours, en adaptant la fréquence des visites en fonction des besoins. Spécifiquement formée, elle intervient au domicile pour vérifier l’observance et détecter d’éventuels effets secondaires. « Notre solution s’appuie sur les professionnels de proximité », poursuit la coordinatrice. L’Idel est le chef d’orchestre à domicile : elle soigne les petits maux et en cas d’effets graves, elle alerte le médecin généraliste ou l’oncologue. Pour correspondre, elle est équipée d’une application sur son smartphone. Actuellement pris en charge par les firmes pharmaceutiques pour le bon usage des médicaments, Ako@dom est proposé par des oncologues exerçant dans plusieurs centres hospitaliers à Paris, dans les Hauts-de-France et en région Grand-Est.

* Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), « Dispositifs e-santé pour le télésuivi des patients sous anticancéreux oraux - Bonnes pratiques, préconisations », 2018 (consulter le lien bit.ly/Anap_AO).

Thérapie orale : quels effets surveiller ?

Le sorafénib, molécule antitumorale orale, est administré deux fois par jour. Les effets indésirables sont des diarrhées, des problèmes cutanés (peau sèche), le syndrome main-pied (coloration et modification douloureuse de la paume des mains, de la plante des pieds et des ongles) et une chute partielle des cheveux.