L’automesure tensionnelle - L'Infirmière Libérale Magazine n° 361 du 01/09/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 361 du 01/09/2019

 

Hypertension artérielle

CAHIER DE FORMATION

POINT SUR

Nathalie Belin*   Pr Jean-Marc Boivin**  


*consultation d’hypertension, pôle d’excellence européen, CHRU de Nancy

Une des pistes proposées pour améliorer la prise en charge des patients hypertendus passe par une plus large utilisation de l’automesure tensionnelle. Retour sur les principaux points à retenir.

Une personne hypertendue sur deux ignorerait qu’elle a une tension artérielle élevée et, parmi les personnes hypertendues et traitées, seule une sur deux aurait une tension bien contrôlée (1). Face à ce constat, la Société française d’hypertension artérielle a publié des recommandations en décembre 2018, proposant notamment le recours systématique à l’automesure tensionnelle pour le diagnostic et le suivi des patients (2).

Indications de l’automesure tensionnelle

Les recommandations insistent sur l’importance de recourir à l’automesure tensionnelle pour :

→ confirmer le diagnostic d’hypertension artérielle (HTA) et avant toute mise en route d’un traitement. « Une tension élevée au cabinet médical doit impérativement être confirmée par des mesures à domicile pour ne pas traiter à tort une personne ayant un effet « blouse blanche ». D’autant qu’il y a rarement urgence à instaurer un traitement, sauf chiffres tensionnels très élevés », souligne le Pr Boivin, spécialiste en hypertension au CHRU de Nancy. Inversement, il s’agit de ne pas passer à côté d’une HTA « masquée » (normale au cabinet mais élevée dans la vie quotidienne). Pour cela, un autotensiomètre peut être prêté au patient par le médecin ;

→ vérifier l’efficacité du traitement avant une consultation médicale dans le cadre du suivi de l’HTA et avant toute modification du traitement antihypertenseur (augmentation de posologie…). L’objectif étant d’améliorer la prise en charge en ayant des mesures fiables, reflétant le plus fidèlement possible le niveau de pression artérielle du patient. Ce qui ne peut être obtenu que par la répétition des mesures plusieurs jours de suite à domicile (la tension artérielle variant au cours de la journée et d’un jour à l’autre).

À noter : la MAPA (mesure ambulatoire de la pression artérielle sur vingt-quatre heures ou Holter tensionnel) reste recommandée en cas d’impossibilité de réaliser l’automesure ou en cas d’HTA non contrôlée par une trithérapie ou encore de suspicion d’hypotension artérielle.

Critères de choix de l’autotensiomètre

→ Les tensiomètres huméraux sont à préférer, car ils exposent à moins d’erreurs de mesure que les tensiomètres au poignet (voir encadré).

→ Les recommandations précisent qu’il faut choisir un appareil ayant un marquage CE (certifiant sa conformité aux normes européennes de sécurité notamment) et dont la fiabilité a été validée selon un protocole reconnu par des sociétés savantes (3).

→ Un impératif, « le brassard doit toujours être adapté à la circonférence du bras (trop petit ou trop grand, il est source d’erreurs de mesure) et être de la même marque que l’appareil », insiste le Pr Boivin qui constate que certains patients ayant eu plusieurs autensiomètres utilisent parfois un brassard et un appareil de marques différentes.

→ Exemples d’appareils validés selon l’un des protocoles recommandés (validation généralement indiquée sur le packaging) : modèles Omron, Microlife (BP A1 Easy, BP A200 AFIB…), certains modèles Beurer, Cooper (TORM BP-3NZ1-3P), Biosynex (Exacto Brassard MAM), Hartmann (gamme Veroval)…

Utilité de certaines options

Elles peuvent compliquer l’utilisation de l’appareil et en augmentent le prix. « Un appareil simple dont on a bien expliqué le fonctionnement suffit », indique le Pr Boivin.

→ Mémoire (voire plusieurs jeux de mémoire pour des utilisateurs différents) : utile si on ne note pas tout de suite les résultats, « mais expose à des erreurs si plusieurs personnes utilisent le même appareil », prévient le Pr Boivin.

→ Code couleur (vert en cas de tension normale, orange si elle est trop élevée par exemple) : attention, ces échelles colorimétriques se basent parfois sur le seuil de 140/90 mmHg, valable au cabinet médical mais pas au domicile (voir encadré Repères). En aucun cas ces indications colorimétriques ne doivent inciter le patient à modifier par lui-même son traitement.

→ Modèles effectuant des moyennes : peu d’intérêt. « Les moyennes ne rendent pas compte des fluctuations de la tension, qui peuvent avoir leur importance dans l’interprétation des résultats », précise le spécialiste.

→ Modèles signalant une arythmie : éventuellement intéressants car, dans cette situation, la mesure n’étant pas fiable, il faut la refaire. Si le signal « arythmie » apparaît régulièrement, le signaler au médecin.

→ Fonction électrocardiogramme : intérêt sur recommandation médicale, en cas de fibrillation auriculaire par exemple.

→ Modèles signalant un mouvement du bras ou un mauvais positionnement du brassard : éventuellement utiles.

→ Appareil connecté : onéreux, convient uniquement aux personnes à l’aise avec ces objets.

Éventuellement intéressant pour un transfert des résultats au médecin au cours de situations comme la grossesse ou l’insuffisance cardiaque, pour adapter rapidement un traitement.

En pratique

→ Sauf indication particulière du médecin, appliquer la « règle de 3 » dont on estime qu’elle est un bon reflet de la tension artérielle d’un individu : trois mesures à une minute d’intervalle le matin, avant la prise des antihypertenseurs, trois mesures le soir après le repas, pendant les trois jours précédant la consultation médicale.

→ À réaliser au calme, après cinq minutes de repos, en position assise, jambes non croisées, sans parler ni manger ni fumer, et toujours sur le même bras, posé sur une table ou un accoudoir de fauteuil pour éviter tout mouvement du bras. Recommander de noter après chaque mesure les résultats sur une fiche de relevés (téléchargeable sur automesure.com), à communiquer au médecin.

(1) Étude Esteban : Perrine AL, Lecoffre C, Blacher J, Olié V, « L’hypertension artérielle en France : prévalence, traitement et contrôle en 2015 et évolutions depuis 2006 », BEH 2018;(10):170-9 (consulter le lien bit.ly/BEH_Esteban).

(2) Société française d’HTA, « Recommandations sur la mesure de la pression artérielle », décembre 2018 (consulter le lien bit.ly/Recommandations _SFHTA).

(3) Il s’agit notamment des protocoles ESH (European Society of Hypertension), AAMI (Association for the Advancement of Medical Instrumentation), Universel ou encore BHS (British Hypertension Society).

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Et les tensiomètres au poignet ?

Ils sont à l’origine d’erreurs d’utilisation dues aux mouvements du poignet, à la position du poignet (qui n’est pas à hauteur du cœur) ou au mauvais positionnement du tensiomètre (mis comme une montre). De nombreux modèles sont toutefois validés par l’un des protocoles recommandés et, bien utilisés, donnent des mesures fiables. Rappeler la bonne position : coude posé sur la table en mettant son bras sur l’épaule opposée.

→ À noter : les applications qui prétendent prendre la tension au bout du doigt à l’aide de la caméra du smartphone, les bracelets ou les montres connectées ne sont pas fiables à ce jour.

Repères

→ Valeur seuil permettant de poser le diagnostic d’HTA au cabinet médical : 140/90 mmHg.

→ Valeur seuil d’HTA en automesure : 135/85 mmHg.

→ Le patient doit savoir qu’indiquer sa tension artérielle avec deux chiffres n’est pas assez précis.