Les dérivés nitrés - L'Infirmière Libérale Magazine n° 357 du 01/04/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 357 du 01/04/2019

 

Pharmacologie

CAHIER DE FORMATION

Point sur

Maïtena Teknetzian  

docteur en pharmacieenseignante en Ifsi

Les dérivés nitrés sont des vasodilatateurs veineux utilisés dans l’insuffisance coronarienne. Exposant au phénomène de tolérance, leur administration requiert l’aménagement de fenêtres thérapeutiques quotidiennes.

Comment agissent les dérivés nitrés ?

→ Les dérivés nitrés sont des molécules liposolubles qui pénètrent les cellules musculaires lisses où elles subissent des transformations enzymatiques conduisant à la libération de monoxyde d’azote, puis à une diminution des concentrations intracellulaires de calcium. Il en résulte une relaxation musculaire lisse avec un effet vasodilatateur s’exerçant aux niveaux veineux, artériel et coronarien. L’effet veinodilatateur est prédominant par rapport à la vasodilatation artérielle.

→ Les vasodilatations veineuse et artérielle abaissent respectivement la précharge et la postcharge cardiaques, réduisant la consommation en oxygène du cœur, tandis que la vasodilatation coronarienne permet d’augmenter les apports en oxygène au cœur.

→ Les dérivés nitrés n’ont pas d’effet relaxant sur les muscles squelettiques ni cardiaque, mais ils relâchent les cellules musculaires lisses digestives (diminuant la motilité œsophagienne).

Quelles sont leurs particularités pharmacocinétiques ?

→ Les dérivés nitrés subissent un important effet de premier passage hépatique, expliquant la très faible biodisponibilité orale (10 à 20 %) de la trinitrine et du dinitrate d’isosorbide. Les voies sublinguale, transdermique et injectable (intraveineuse ou intracoronarienne, réservées à l’usage hospitalier) permettent de s’affranchir de l’effet de premier passage hépatique.

→ La demi-vie de la trinitrine et du dinitrate d’isosorbide est très courte (quelques minutes à quelques dizaines de minutes). Une heure environ après retrait des patchs, les taux plasmatiques de trinitrine sont négligeables.

→ Des formes à libération prolongée sont utilisées pour allonger la demi-vie.

Quelles sont leurs indications ?

→ Diminuant les besoins en oxygène (O2) du cœur et augmentant le débit coronarien, les dérivés nitrés sont utilisés dans la maladie coronarienne.

→ Les formes orales et transdermiques sont utilisées pour une action prolongée dans le traitement de fond de l’angor. Le dinitrate d’isosorbide oral (Risordan) a également une indication dans le traitement de l’insuffisance cardiaque gauche ou globale.

→ Les voies sublinguale et injectable sont utilisées pour une action immédiate. Les formes sublinguales sont indiquées dans le traitement curatif ou préventif à très court terme (avant un exercice physique par exemple) de la crise d’angor ; la trinitrine en spray sublingual (Natispray 30) a une indication dans l’œdème aigu du poumon. À l’hôpital, le dinitrate d’isosorbide est indiqué par voie IV dans l’angor instable, l’infarctus du myocarde à la phase aiguë, l’œdème aigu du poumon cardiogénique et, par voie intracoronarienne, pour lever un spasme coronarien ou induire une vasodilatation lors d’une coronarographie.

Quels sont leurs effets indésirables ?

→ Les dérivés nitrés sont principalement responsables de manifestations de vasodilatation à type de céphalées, de bouffées de chaleur et flush facial (liés à la vasodilatation cutanée) et d’hypotension orthostatique associée à une tachycardie réflexe. Les céphalées et les bouffées vasomotrices surviennent surtout en début de traitement et disparaissent le plus souvent progressivement. Si les céphalées persistent ou sont très intenses, il faut contacter un médecin. Pour prévenir un malaise par hypotension orthostatique, vous pouvez conseiller au patient d’éviter les changements brusques de position et l’éduquer au lever en deux temps.

→ Ils peuvent aussi induire des troubles digestifs à type de nausées et vomissements.

Quelles sont leurs principales contre-indications ?

→ Les dérivés nitrés sont contre-indiqués en cas d’hypersensibilité à ces molécules, d’hypotension sévère et dans les états de choc.

→ Leur association aux inhibiteurs de phosphodiestérase de type 5 – sildénafil (Revatio, Viagra), tadalafil (Adcirca, Cialis), vardénafil (Lévitra) –, médicaments correcteurs des troubles érectiles, est contre-indiquée. Elle expose à un risque d’hypotension artérielle importante qui aggrave les troubles ischémiques cardiaques et peut provoquer un accident coronarien aigu.

Quelles sont les modalités d’administration ?

Formes sublinguales

→ Conseiller au patient de conserver les sprays à action immédiate à portée de main.

→ Il est recommandé que le patient soit en position assise ou semi-allongée lors de l’administration des formes à action immédiate pour éviter un malaise par hypotension orthostatique.

→ Administrer le spray en prenant soin de diriger l’embout sous la langue.

→ En cas de traitement préventif, utiliser le spray dans les deux à trois minutes précédant la circonstance susceptible de déclencher une crise d’angor (effort physique, exposition au froid, rapport sexuel…).

→ En cas de traitement curatif de la crise d’angor, administrer une pulvérisation sublinguale dès que la douleur se fait sentir. Si besoin, réitérer l’administration cinq minutes après. Si la douleur persiste, appeler le 15 car une douleur trinitrorésistante signe un infarctus du myocarde.

Formes orales et transdermiques

→ L’administration au long cours de dérivés nitrés est associée à une diminution de l’intensité de leur effet. Ce phénomène de tolérance (encore appelé échappement thérapeutique ou tachyphylaxie) impose d’aménager quotidiennement des fenêtres thérapeutiques de huit à douze heures avec les formes orales et transdermiques. En pratique, les patchs sont retirés la nuit.

→ Appliquer les patchs sur une peau propre, sèche et glabre. Varier les sites d’application lors des changements de patch.

Effet cardiovasculaire des dérivés nitrés

Les dérivés nitrés sont des vasodilatateurs principalement veineux, mais aussi artériels et coronariens.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.