Les malades chroniques sceptiques face aux nouvelles technologies - L'Infirmière Libérale Magazine n° 356 du 01/03/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 356 du 01/03/2019

 

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ACTUALITÉ

Caroline Coq-Chodorge  

Une étude montre que les malades chroniques tirent peu de bénéfices des applications et objets connectés. Ils plébiscitent surtout les dialogues entre pairs sur Internet.

QU’APPORTENT LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES AUX MALADES CHRONIQUES ? Peu de choses, bien loin des promesses faites par les entrepreneurs du numérique, répond de manière assez nette une étude co-réalisée par le collectif (Im)patients chroniques et associés (1) et l’Institut Mines-Télécom business school.

Défiance envers les sites institutionnels

Présentée vendredi 15 février, cette étude s’appuie sur 1 013 réponses à un questionnaire diffusé auprès des membres des associations, entre février et juillet 2018. « C’est la première étude sur le sujet, il n’existait pas de données », souligne Frédéric Lert, le représentant de l’association Aides au sein du collectif (Im)patients chroniques et associés. « Cette étude s’intéresse à la fois aux usages des nouvelles technologies et à leurs effets sur les comportements en santé », précise Christine Balagué, présidente de la chaire Réseaux sociaux et objets connectés à l’Institut Mines-Télécom business school. Dans le détail, il faut distinguer les trois technologies étudiées : Internet, les applications mobiles et les objets connectés. Sans surprise, les malades chroniques qui ont répondu au questionnaire sont familiers avec l’usage d’Internet : seuls 2,4 % n’y ont jamais recours, tandis que 59,4 % surfent au moins une fois par semaine et 26,1 % chaque jour. Parmi les sites Internet en lien avec leur maladie, ce sont les sites d’associations qui sont les plus consultés : 61,2 % s’y connectent souvent et très souvent. Viennent ensuite les réseaux sociaux (50,7 %). Les sites spécialisés en santé et les sites institutionnels sont bien moins fréquentés (36,7 % et 37,1 %). Ce sont donc d’abord les témoignages et expériences d’autres malades chroniques qui sont recherchés (78,1 %), ainsi que les contenus et avis des professionnels de santé (71,9 %) et les contenus élaborés par les associations de patients (66,8 %). « Nous avons un énorme travail d’information à faire sur la qualité des sites de nos associations, souligne Frédéric Lert. Et nous sommes surpris par la défiance envers les sites institutionnels, qui sont pourtant bien conçus. Il y a sans doute une réflexion collaborative à mener avec les pouvoirs publics pour leur donner plus de crédibilité. »

Des technologies mal adaptées aux malades ?

Les autres nouvelles technologies étudiées ne sont toujours pas rentrées dans les mœurs : seuls 39,5 % des malades chroniques interrogés utilisent une application mobile en santé, très souvent de manière « peu régulière » : et seuls 15,7 % ont eu recours aux objets connectés, essentiellement des montres, tensiomètres et balances. « Il n’existe pas d’objets connectés adaptés à nos pathologies », déplore Frédéric Lert. Seuls quelques répondants utilisent une pompe à insuline ou un lecteur de glycémie connectés, alors que ces objets sont répandus chez les diabétiques de type 1.

Augmentation du stress

Au final, l’étude conduit à réévaluer l’impact des nouvelles technologies : les patients les plus connectés n’ont pas une plus grande motivation par rapport à leur santé, ne se sentent pas plus efficaces pour gérer leur maladie. En revanche, leurs échanges avec les médecins paraissent de meilleure qualité. Seul l’usage d’Internet améliore le vécu de leur maladie : plus de la moitié estime que cette technologie les aide dans la compréhension de leur traitement, leur permet de modifier certaines pratiques liées à leur santé, de mieux connaître leur parcours de soin, de mieux vivre leur maladie ou de rompre l’isolement. Mais ils voient aussi les limites du système : la difficulté à faire le tri dans la masse d’informations, le risque d’erreur d’autodiagnostic, l’augmentation du stress et de l’anxiété, ou le rappel trop important de la maladie dans le quotidien.

Pour Christine Balagué, de l’Insitut Mines-Télécom business school, « nous constatons peu d’effets des nouvelles technologies sur le vécu de leur maladie par les patients. Il y a certainement encore du travail à faire pour que ces technologies soient mieux adaptées aux malades. »

(1) Le collectif (Im)patients chroniques et associés regroupe 14 associations de malades chroniques : Aides, Amadys, Amalyste, Aptes, Association française des hémophiles, Association française des sclérosés en plaques, Association François-Aupetit, Dingdingdong, EndoFrance, Endomind, Fibromyalgie France, France Rein, Keratos, Renaloo.