Le BSI de la discorde - L'Infirmière Libérale Magazine n° 355 du 01/02/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 355 du 01/02/2019

 

NÉGOCIATIONS

ACTUALITÉ

Adrien Renaud  

Les négociations conventionnelles, qui ont repris en décembre entre l’Assurance maladie et les syndicats d’Idels, ont atteint fin janvier un point crucial. Tout se cristallise désormais autour du bilan de soins infirmiers (BSI) qui doit remplacer la démarche de soins infirmiers (DSI).

APRÈS UN ACCORD AU RABAIS IL Y A UN AN ET UNE INTERRUPTION BRUTALE IL Y A SIX MOIS, il semblerait que l’heure H soit enfin arrivée : les négociations entamées en juillet 2017 entre l’Assurance maladie et les syndicats représentatifs des Idels pour parvenir à un avenant à la convention qui les lie abordent leur phase finale. Et c’est peu de dire que la température est en train de monter. Parmi les nombreux sujets qui se trouvent sur la table (indemnités kilométriques, iatrogénie, etc.), il en est un qui semble avoir concentré sur lui toute l’attention : le bilan de soins infirmiers (BSI), grâce auquel l’Idel pourra évaluer les besoins en soins des patients dépendants.

Il faut dire que la rémunération du BSI suscite bien des espoirs chez les Idels. « Il est amené à complètement révolutionner l’exercice infirmier », estime par exemple Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). Du côté de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), en revanche, on a peur du poids financier que ce nouvel acte représenterait. La question est si importante qu’elle a fait l’objet d’un groupe technique à part, une réunion de travail préparatoire sans la présence du directeur de la Cnam, quelques jours avant la négociation proprement dite.

Des compensations

« Il s’est avéré lors de ces réunions que le modèle statistique élaboré par l’Assurance maladie pour prévoir l’impact financier du BSI est sensible et instable, explique Daniel Guillerm, le nouveau président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Or les enjeux financiers sont tels qu’il est pour eux hors de question de prendre le moindre risque sur la question. » C’est pourquoi, poursuit ce syndicaliste, l’Assurance maladie a proposé de tester le financement du BSI d’abord sur une dizaine de départements ou encore sur certaines pathologies seulement.

Revalorisations des actes

« Cette proposition n’est pas satisfaisante du tout, s’insurge Catherine Kirnidis. Tous les syndicats étaient d’accord pour dire que si par malheur on devait retarder encore le déploiement du BSI, cela ne pouvait pas se faire sans d’importantes compensations. » Parmi les compensations envisageables, les représentants de la profession citent notamment l’externalisation des actes techniques actuellement inclus dans les séances de soins infirmiers (AIS) ou encore une revalorisation de la lettre clé.

Les syndicats se satisfont pour l’instant de voir que l’Assurance maladie a pris bonne note de cette suggestion, sans se prononcer sur le fond. « Nous attendons la prochaine réunion [prévue le 5 février, ndlr] pour voir ce qu’ils vont proposer », déclare Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière (CI), qui n’hésite pas à mettre la pression. « Il faut qu’on avance sur le sujet, la dépendance est un sujet majeur, poursuit-elle. On veut maintenir les gens à domicile, mais on ne s’en donne pas les moyens. »

Dernière ligne droite

Tous les sujets semblent donc désormais dépendre du grand marchandage qui se profile autour du BSI. Contre un étalement de sa mise en œuvre, les syndicats exigent des avancées sur les fameux AIS ou sur la lettre clé, mais assurent que d’autres thématiques peuvent entrer en ligne de compte au gré des discussions : indemnités kilométriques, chimiothérapies orales, et même télémédecine. Et dans cette dernière ligne droite, certains osent même se prêter au jeu des prévisions financières.

« On devrait avoir une vision sur l’enveloppe globale à la prochaine séance et on espère un accord autour de 400 à 450 millions d’euros de revalorisation par an », indique Daniel Guillerm. Catherine Kirnidis se montre plus prudente : « Je ne vais pas donner de chiffre, car en général il suffit qu’on avance un chiffre pour que l’Assurance maladie le fasse baisser, sourit-elle. Mais nous avons la volonté de faire aboutir les choses et si, comme elle a l’air de le dire, l’Assurance maladie partage cette volonté, nous pouvons aboutir à quelque chose de cohérent. »

Reste que le temps est compté. D’après le calendrier des négociations établi en décembre dernier, il ne reste plus que quelques séances pour résoudre l’ensemble des questions, et la signature de l’avenant est toujours prévue fin février.

Pas sûr que cela soit suffisant pour mettre les deux camps d’accord.

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