La PrEP, un outil de réduction du risque contre le VIH - L'Infirmière Libérale Magazine n° 354 du 01/01/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 354 du 01/01/2019

 

Prévention

CAHIER DE FORMATION

Point sur

Thierry Pennable*   Jean-Michel Molina**   Christine Julien***  


*chef du service des maladies
infectieuses et tropicales
de l’hôpital Saint-Louis
(AP-HP), à Paris
**pharmacienne

La prophylaxie pré-exposition, ou PrEP, est une nouvelle stratégie de prévention de l’infection par le VIH. Le professeur Jean-Michel Molina, coordonnateur de plusieurs études sur le sujet, en précise les contours.

Qu’est-ce que la PrEP ?

La prophylaxie pré-exposition (PrEP) consiste à « proposer un traitement déjà utilisé pour le sida dans le cadre de la prévention de l’infection par le VIH », explique le professeur Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), à Paris, et coordonnateur de plusieurs études sur ce sujet. C’est un moyen supplémentaire de prévention à côté du préservatif ou de l’abstinence et qui présente « l’avantage important de permettre de se protéger indépendamment des volontés du partenaire », précise le spécialiste. La PrEP est, en outre, accompagnée d’informations sur la prévention : le préservatif, les dépistages des infections sexuellement transmissibles (IST), le recours aux TasP (Treatment as Prevention, c’est-à-dire le traitement comme prévention) et le PEP (Post-Exposure Prophylaxis, c’est-à-dire le traitement postexposition).

Qui est concerné ?

→ Les sujets à haut risque d’acquisition du VIH (1), comme les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) et les personnes transgenres qui ont des rapports sexuels anaux pas toujours protégés, les personnes aux antécédents d’épisodes d’infections sexuellement transmissibles ou qui ont recouru plusieurs fois à des traitements postexposition…

→ Les personnes en situation de vulnérabilité qui peuvent être identifiées lors d’une consultation hospitalière ou en Cegidd (2) : HSH travailleurs du sexe, usagers de drogues injectables… Ou encore les femmes les plus à risque au vu de leurs pratiques sexuelles, par exemple « celles qui ont des rapports avec des hommes gays ou originaires de régions de forte endémie comme l’Afrique, l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique du Sud ». À noter que la grossesse n’est pas une contre-indication.

Quel est le médicament utilisé ?

Il s’agit du Truvada ® et ses génériques. Le Truvada est utilisé depuis 2005 dans le traitement de l’infection par le VIH et a reçu une AMM dans la PrEP en 2016. Il comprend une association fixe de deux antirétroviraux : un analogue nucléosidique, l’emtricitabine (FTC), dosé à 200 mg, et un analogue nucléotidique, le ténofovir disoproxil fumarate (TDF), dosé à 245 mg. « C’est la combinaison la plus efficace et la mieux tolérée dans le traitement de l’infection à VIH, explique le Pr Jean-Michel Molina. Elle est utilisée depuis près de 15 ans avec une grande puissance antivirale ».

Comment est prescrite la PrEP ?

Une consultation préalable détermine si la personne est à haut risque de contracter le VIH et si elle n’est pas déjà contaminée. Pour cela, un test Elisa de dépistage du VIH de quatrième génération est réalisé avant la prescription. « Même si la sérologie initiale est négative, la personne peut être encore au stade de la primo-infection. Elle est donc revue un mois plus tard pour vérifier l’absence de séroconversion entretemps », par un nouveau test de dépistage, renouvelé ensuite tous les trois mois. En revanche, l’autotest VIH n’est pas indiqué pour le suivi trimestriel « parce qu’il ne détecte pas les primo-infections alors que les sujets concernés sont à haut risque de contamination ». La prescription initiale, valable un an, est établie à l’hôpital par un médecin spécialiste du VIH ou dans un Cegidd (2). Un médecin généraliste peut renouveler le traitement durant cette période.

Comment est pris le traitement ?

Il existe deux schémas de prise.

→ En continu : 1 comprimé par jour, si possible à peu près à la même heure.

→ En discontinu, à la demande : 2 comprimés entre 2 heures au minimum et 24 heures avant le rapport sexuel à risque, puis 1 comprimé après le rapport 24 heures après la première prise, et enfin un dernier comprimé 48 heures après la première prise. Ce mode de prise à la demande n’est pas recommandé en cas d’hépatite B à cause du risque d’exacerbation de l’hépatite à l’arrêt de la PrEP. L’AMM indique seulement la prise en continu, mais « la HAS précise et valide le schéma en discontinu (1), qui est aussi validé par les experts du VIH. Les deux schémas sont efficaces à condition d’être pris correctement. Aujourd’hui, les personnes ont le choix en fonction de leurs pratiques, de leur mode de vie et passent parfois d’un schéma à l’autre. La PrEP n’est pas destinée à un usage à long terme. Elle est surtout utilisée pendant des périodes de vul-nérabilité. Certaines personnes disent ne plus en avoir besoin parce qu’elles se sont mises en couple », note le Pr Molina.

Quelle est l’efficacité de la PrEP ?

Les études cliniques menées dans le monde depuis 2007, et notamment l’étude ANRS IPERGAY en France, de 2012 à 2016, ont démontré la grande efficacité de la PrEP. Une efficacité proche de 97 % et donc voisine de celle du préservatif. « Aucune contamination n’a été observée chez les personnes qui prenaient régulièrement la PrEP », rapporte le Pr Molina, ajoutant que « le niveau de risques n’est jamais égal à zéro car la PrEP peut parfois être mal absorbée ou régurgitée en cas de vomissements ». Les rares cas de contaminations rapportés dans les études pourraient être dus « à la présence d’un virus multirésistant ou au fait que les personnes étaient déjà contaminées avant le début de la PrEP ou encore à une prise inadéquate du traitement ». D’où l’intérêt d’une consultation avant prescription.

Le traitement est réputé efficace au bout de sept jours de prises pour les rapports anaux et après sept à vingt et un jours pour les rapports vaginaux en prise continue. C’est le temps nécessaire à une bonne imprégnation des tissus du corps par le médicament qui pénètre plus difficilement dans la paroi vaginale. En revanche, avec une dose de charge en prise à la demande, la protection est assurée quelques heures plus tard.

Que dire aux opposants à la PrEP ?

« Pourquoi la collectivité rembourserait ce traitement ? Ils n’ont qu’à mettre un préservatif ! », avancent certains opposants à la prise en charge de la PrEP. Mais, selon le Pr Molina, cela revient à se demander pourquoi la pilule est remboursée alors qu’il existe des préservatifs. « Les études coût-efficacité montrent que si on traite 15 à 17 personnes à risque pendant un an avec la PrEP, on évite une infection dont le traitement par trithérapie aurait un coût économique largement supérieur pour le système de santé », souligne-t-il. Par ailleurs, le non-remboursement de la PrEP créerait « une inégalité d’accès entre ceux qui pourraient la payer et les autres ». Enfin, « même si l’épidémie reste concentrée, il y a toujours un risque de contamination, même pour les populations moins à risque. L’objectif de la PrEP est de réduire le nombre de personnes atteintes du sida. C’est un objectif de santé publique alors que la promotion de l’usage du préservatif seul ne suffit pas à éteindre l’épidémie de sida ! » Un constat qui justifie le dévelop-pement de nouveaux moyens de protection, qu’il s’agisse de nouvelles molécules, des anneaux ou des gels vaginaux, des im-plants ou de la PrEP…

(1) « La prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH », Fiche de bon usage des médicaments, Haute Autorité de santé, mars 2017.

(2) Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.