Assurer le suivi d’un traitement par pression négative - L'Infirmière Libérale Magazine n° 354 du 01/01/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 354 du 01/01/2019

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

PRÉSENTATION DU TPN

Le système de TPN

Appliquée à une plaie, la thérapie (ou traitement) par pression négative (TPN) désigne une technique mécanique, active et non invasive de pansement. En physique, le terme « pression négative » désigne la pression d’une région fermée qui est inférieure à la pression atmosphérique de son environnement. Dans le cadre de la prise en charge d’une plaie, la TPN consiste à placer la surface d’une plaie sous une pression inférieure à la pression atmosphérique ambiante, à l’aide d’un pansement spécifique raccordé par une tubulure à une source de dépression (« pompe d’aspiration ») et à un réservoir pour le recueil des exsudats.

La TPN utilise le système de fermeture assistée par le vide ou VAC (pour Vacuum Assisted Closure, nom déposé par le laboratoire KCI), nécessitant un pansement en mousse (polyuréthane ou polyvinylalcool) qui reste poreux sous aspiration et répartit la pression sur tout le lit de la plaie. À savoir que certains dispositifs utilisent des compresses.

Un système de TPN est généralement composé d’une unité de pression négative contrôlée, d’accessoires, d’un pansement stérile, d’un dispositif de drainage, d’un champ adhésif et d’un réservoir pour le recueil des exsudats.

Deux types de dispositifs

Certains fabricants proposent depuis peu des systèmes de TPN qui, en même temps que le traitement standard par pression négative, permettent des instillations de sérum physiologique ou d’autres solutés. Utilisée à l’origine pour les plaies infectées, cette association de thérapies (aspiration + instillation) permettant d’humidifier et de laver régulièrement la plaie se rapproche plus d’un nettoyage du lit de la plaie et donc d’une détersion. « L’usage de cette “TPN détersion”, récemment mise sur le marché et peu connue des prescripteurs, est encore trop confidentiel », constate le Dr Chloé Geri, coordinatrice du réseau plaies Cicat-Occitanie et du service d’HAD 34 du groupe Adène, et également attachée à l’unité plaies et cicatrisation de l’hôpital Lapeyronie, à Montpellier. « Il est réservé pour le moment à de rares indications, par exemple dans le cas où une détersion chirurgicale n’est pas possible. » Comme pour le système standard, ce mode de TPN reste complémentaire de la détersion mécanique, qui est maintenue pendant le traitement (voir plus loin).

DES INDICATIONS LIMITÉES

En fin de détersion

Même si l’expression « détersion par pression négative » est parfois employée, « les dispositifs de TPN ne sont pas à proprement parler des outils de détersion, précise le Dr Chloé Geri. Initialement indiquée pour la stimulation du bourgeonnement quand il restait moins de 30 % de fibrine dans le lit de la plaie, c’est-à-dire en fin de phase de détersion, la TPN a progressivement été utilisée en complément d’une détersion mécanique efficace ». Il faut noter néanmoins que bien que la TPN puisse aider au processus de détersion, elle ne convient pas aux plaies présentant d’importants volumes de tissus dévitalisés ou de plaques nécrotiques, et que les plaies doivent être détergées de manière appropriée avant d’être traitées par la TPN(1).

Recommandations

Dans le cadre des plaies chroniques, les indications de la TPN retenues par la Haute Autorité de santé (HAS) sont limitées. Le rapport d’évaluation produit en 2016(2) stipule que la TPN n’est indiquée qu’en seconde intention, après échec d’un traitement standard de cicatrisation, dans les cas :

→ d’ulcères de jambe nécessitant une greffe cutanée ;

→ d’escarres de stade 3 ou 4 dans l’objectif d’un geste de couverture chirurgicale ;

→ de plaies du pied diabétique avec perte de substance étendue et/ou profonde.

EFFETS THÉRAPEUTIQUES DE LA TPN

→ Amélioration de la circulation sanguine : l’ischémie est un des principaux facteurs de retard de cicatrisation des plaies, voire d’une absence de cicatrisation. La TPN, quoique contre-indiquée en cas de plaie ischémique (voir plus loin), a un effet direct sur la circulation sanguine microvasculaire au niveau de la plaie par deux mécanismes :

- directement par la pression négative ;

- indirectement par l’élimination du liquide interstitiel (de l’œdème) dans les tissus entourant la plaie, qui stimule aussi la formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux existants (angiogenèse).

→ Stimulation de la formation du tissu de granulation : la TPN augmente l’angiogenèse, qui se manifeste par la formation de tissu de granulation sur des structures peu ou pas vascularisées.

→ Stimulation de la prolifération cellulaire : la pression négative provoquée par la TPN induit un étirement mécanique des cellules qui stimule la prolifération et accélère la cicatrisation. Dans les plaies chroniques, ce mécanisme favorise l’angiogenèse et l’épithélialisation.

→ Contrôle de l’inflammation et de l’infection : l’infection d’une plaie est une contre-indication à l’utilisation de la TPN. Toutefois, en éliminant rapidement l’exsudat du lit de la plaie, la TPN pourrait jouer un rôle dans la réduction de la charge bactérienne et dans la diminution des taux d’exoto-xines et d’endotoxines potentiellement dommageables. En agissant comme un système fermé, la TPN limite la contamination bactérienne locale (voir plus loin). Elle atténue aussi les éventuelles odeurs émanant de la plaie.

→ Rapprochement des berges épithéliales : le vide partiel créé par la TPN entraîne la contraction de toute la mousse du pansement et provoque le rapprochement des berges de la plaie vers le centre, facilitant sa fermeture. La stabilité des berges et la rétractation de la plaie observées avec la TPN présentent un avantage évident dans la prise en charge de plaies cavitaires chroniques telles que les escarres et les ulcères du pied diabétique.

→ Contrôle de la douleur : la TPN intervient dans le contrôle de la douleur provoquée par une plaie en permettant notamment des changements de pansements moins fréquents et une reprise plus rapide des activités quotidiennes.

EFFETS INDÉSIRABLES

Douleurs, macération de la peau périlésionnelle et hémorragie locale sont identifiées comme effets indésirables potentiels de la TPN.

La douleur

« La douleur est la plupart du temps liée aux soins au moment de la réfection du pansement. Dans ce cas, la technique de pansement peut être modifiée », remarque le Dr Geri, précisant que la douleur liée au retrait de la mousse peut être diminuée par :

→ une instillation de sérum physiologique voire de xylocaïne dans la mousse avant son retrait ;

→ une diminution de la force de dépression au niveau de l’unité de TPN et un arrêt de la dépression trente minutes à une heure avant le soin ;

→ l’utilisation de mousses dif-férentes : les mousses blanches étant plus denses que les noires, le bourgeon s’y accroche moins et leur retrait est moins douloureux.

La macération périlésionnelle

Elle est gérée comme dans le cas d’une cicatrisation dirigée standard. Le pansement de la TPN étant adhésif et occlusif, il faut être vigilant au risque de réaction cutanée en lien avec la colle de l’adhésif. La peau périlésionnelle doit souvent être protégée par une vaporisation de Cavilon spray (des laboratoires 3 M) ou par des films protecteurs afin d’éviter qu’elle ne soit agressée par l’adhésif.

Hémorragie locale

Une hémorragie locale peut amener à interrompre la TPN pendant quelques heures. Si l’hémorragie est liée à l’arrachage des bourgeons au retrait de la mousse, comme pour la douleur, il est possible d’adapter la puissance d’aspiration ou de modifier la texture de la mousse.

PLAIES INFECTÉES ET RISQUE D’INFECTION

En prévention

« La TPN montre une réelle efficacité en termes de limitation des complications. Par exemple, l’occlusion obtenue avec le pansement étanche utilisé pour ce traitement réduit le risque de complication infectieuse par une contamination exogène », souligne le Dr Geri. De plus, le système VAC correctement utilisé agirait aussi sur le risque infectieux :

→ en renforçant l’organisme par l’amélioration de la perfusion sanguine ;

→ et en évitant l’augmentation de la charge bactérienne et des liquides riches en protéases potentiellement nocifs dans la profondeur de la plaie, en empêchant l’accumulation d’exsudats dans le lit de la plaie.

Toutefois, « l’utilisation de la TPN sur une plaie non infectée impose une surveillance quotidienne de la survenue d’une infection, par la recherche de signes loco-régionaux, telles une inflammation ou une augmentation brutale de l’exsudation, lors de la réfection du pansement, mais aussi par la recherche de signes généraux et biologiques », prévient la coordinatrice du réseau plaies de Montpellier.

En présence d’infection

« La TPN est contre-indiquée en présence d’une infection non maîtrisée. Il y a d’une part un risque de mobiliser des germes à l’intérieur d’un os infecté et de faire flamber l’infection. Et d’autre part, à cause de l’efficacité de la TPN sur la stimulation du tissu de granulation, il y a un risque de faire cicatriser la plaie en enfermant l’infection à l’intérieur d’une plaie qui se referme rapidement », explique le Dr Geri. Néanmoins, « la TPN peut être utilisée sur une plaie infectée, à condition qu’une antibiothérapie adaptée soit mise en place et qu’une détersion large et approfondie de la plaie soit pratiquée, incluant l’excision d’un os infecté, le cas échéant ».

CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE D’UNE TPN

→ Formation des soignants : « La TPN peut être appliquée à domicile uniquement dans le cadre d’une HAD. Les Idels peuvent être amenées à intervenir sous la responsabilité de l’HAD qui fournit le dispositif, informe le Dr Geri, également coordinatrice du service d’HAD. Dans ce cas, les infirmières libérales sont formées à l’utilisation de l’appareil de TPN prescrit, aux techniques de réfection spécifique des pansements et à la surveillance de l’évolution des plaies sous TPN. L’HAD assure la sécurité du dispositif avec obligation de continuité des soins par une astreinte H24. »

→ Information du patient sur l’objectif du traitement, ses effets indésirables et ses contraintes.

→ Prescription de la TPN par un spécialiste (chirurgien plasticien, dermatologue, diabétologue…).

→ Initiation du traitement dans un établissement de santé, avec sa poursuite possible à domicile dans le cadre d’une HAD avec évaluation hebdomadaire par le prescripteur.

→ Durée maximale de prescription de trente jours, renouvelable une seule fois.

(1) European Wound Management Association (EWMA), « La pression négative topique dans la prise en charge des plaies », Document de référence, 2007.

(2) Haute Autorité de santé, « Actes de prise en charge de plaies complexes à l’aide d’un appareil de traitement par pression négative », Rapport d’évaluation, février 2016.

Cas pratique

M. E., que vous avez suivi jusqu’alors pour une escarre chronicisée, a été hospitalisé pour l’instauration d’un traitement par pression négative. Vous êtes contactée par le service d’hospitalisation à domicile (HAD) pour le suivi de ce traitement à domicile. C’est la première fois que vous allez intervenir dans le cadre d’une thérapie par pression négative (TPN) sous la responsabilité d’un service d’HAD, qui fonctionne en faisant intervenir les Idels habituelles du patient.

Vous allez être formée par les infirmières de l’HAD à la prise en charge d’une TPN pour les actes de réfection du pansement spécifique à la TPN et de sa surveillance. La détersion mécanique prolongée pendant le traitement relève en effet de votre rôle propre.

Point de vue

Des dispositifs de plus en plus confortables

Dr Chloé Geri, coordinatrice du réseau plaies Cicat-Occitanieet du service d’HAD, également attachée à l’unité plaies et cicatrisation de l’hôpital Lapeyronie à Montpellier

« Les dispositifs commercialisés pour le traitement par pression négative sont de plus en plus légers et confortables. Ils se présentent sous forme de petites sacoches portées en bandoulière que certains emportent à leur travail ou à l’université pour les étudiants. Ils sont généralement très bien acceptés par les patients. Les dispositifs qui permettent aussi l’irrigation et/ou la détersion sont plus imposants et sont accrochés au lit du patient. La déambulation est alors limitée entre le lit et le fauteuil, mais ce nouveau type de traitement n’est maintenu que pour un temps équivalent à trois réfections du pansement, c’est-à-dire pour une semaine et demie, voire deux semaines au maximum. Comme pour d’autres pansements, les plus grosses difficultés sont rencontrées avec les patients atteints de démence, susceptibles d’arracher leur pansement. »