Soignant, un patient pas comme les autres - L'Infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018

 

AUTOMÉDICATION

ACTUALITÉ

Géraldine Langlois  

Les professionnels de santé soignent plus facilement leurs patients qu’eux-mêmes, révèle une enquête menée en avril dernier par la MACSF. Trois répondants sur quatre disent également pratiquer l’autodiagnostic et l’auto-prise en charge.

L’enquête(1) de la Mutuelle d’assurance des professionnels de la santé (macsf) confirme un constat déjà connu : les professionnels de santé ne prennent pas soin de leur santé. Pire, en raison de leurs connaissances et expériences en matière de santé, leur posture les amène parfois à sous-estimer leurs propres problèmes, à hésiter à consulter ou à reporter des soins pour eux-mêmes.

De fortes disparités subsistent entre les catégories de professionnels. Ainsi, les médecins sont ceux qui ont le moins déclaré de médecin traitant (65 %), un chiffre à mettre en relation avec le fait que 9 % des répondants indiquent se soigner eux-mêmes. En revanche, 95 % des infirmières interrogées ont déclaré un médecin traitant. Toutes professions confondues, les femmes sont plus nombreuses que les hommes (90 % contre 79 %) à avoir un médecin traitant.

Charité bien ordonnée…

Trois professionnels sur quatre indiquent pratiquer l’auto-diagnostic ou l’auto-prise en charge. Et 70 % d’entre eux rédigent leurs propres ordonnances (médecins donc). 37 % des répondants expriment, pour leur part, une réticence à consulter un confrère. Une infirmière interrogée souligne ainsi sa crainte de croiser, dans le cadre de son exercice, un professionnel qu’elle aurait consulté… Plus globalement, un peu plus d’un répondant sur deux estime se soigner peu.

Si la fréquence du report de soins diminue avec l’âge, elle reste malgré tout importante. Tous âges confondus, 65 % des répondants déclarent avoir reporté des soins au moins une fois durant les douze derniers mois (et près de 80 % des étudiants), et 43 % l’ont fait à plusieurs reprises. Le report de soins concernerait davantage les professionnels en établissement que ceux en cabinet.

… commence par soi-même

Ce report de soins est-il le signe d’une forme de négligence ? Parmi les arguments avancés, le manque de temps arrive en tête (48 %), devant la charge de travail (25 %). Plus d’un tiers des professionnels estiment ainsi qu’ils auraient pu consulter plus tôt pour une pathologie grave. Et, bien qu’informés des recommandations de l’Assurance maladie sur le dépistage des maladies chroniques et des cancers, un quart d’entre eux ne les suivent pas.

Pourtant, la très grande majorité des répondants (92 %) estiment exercer un métier à risque, tant physique (cité par neuf IDE sur dix) que psychologique (71 %, toutes professions confondues). Comment donc expliquer leur attitude ? La réponse réside probablement dans le résultat de l’enquête : 80 % des professionnels interrogés estiment qu’on leur apprend à soigner mais pas à prendre soin d’eux-mêmes. Ni à se trouver dans la position du soigné.

1. Enquête réalisée en avril 2018 auprès de 20 000 de ses sociétaires, dont 60 % d’infirmiers.