Se séparer sans grand fracas - L'Infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 353 du 01/12/2018

 

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FICHE PRATIQUE

Laure Martin*   Jérôme Maréchal**  


*juriste en droit de la santé et droit des affaires, responsable du service juridique de la FNI, médiateur.

Certains aléas de la vie professionnelle ou privée, voire des rancœurs ou des non-dits, peuvent amener des associés à se séparer. Mais quelles que soient les tensions, ils se doivent de respecter l’article R.4312-25 du CSP, qui prévoit :

→ la nécessité d’entretenir les rapports de bonne confraternité,

→ l’interdiction de calomnier un autre professionnel de santé, de médire de lui ou de se faire écho de propos susceptibles de lui nuire dans l’exercice de sa profession,

→ l’obligation de rechercher la conciliation avant tout litige.

Limiter les contentieux futurs

La recherche d’un règlement à l’amiable (médiation, conciliation) pour une séparation confraternelle est la solution à privilégier pour éviter un procès. Si les Idels ont signé un contrat, il suffit d’appliquer les conditions de séparation qui y sont normalement prévues. Mais la signature d’un contrat est loin de faire l’unanimité, de même que le contenu des contrats est souvent difficilement applicable en raison d’un manque de précision faute d’avoir sollicité un juriste spécialisé. De fait, pour limiter les contentieux futurs et le recours aux tribunaux, les Idels peuvent prévoir, dans leur contrat, une clause de règlement des litiges envisageant le recours à la médiation ou à la conciliation. Il doit aussi prévoir une clause pénale incitant les parties à respecter ce mode de règlement. Cette clause pénale peut envisager une compensation financière si la clause de médiation ou conciliation n’a pas été respectée.

Sans contrat, il est évidemment aussi possible d’avoir recours au médiateur. Mais dans certains cas, l’une des parties devra peut-être convaincre l’autre.

Tout accord trouvé à l’issue de la conciliation ou médiation, doit être concrétisé par un écrit - un protocole d’accord transactionnel. Chaque décision doit y être notée afin qu’aucune des parties ne puisse revenir dessus.

Choisir la date de la séparation

L’absence de contrat écrit ne désengage pas les associés de leurs obligations. Comme le prévoit le Code civil, tout contrat tacite ou « moral » fait naître des obligations et engage les parties. De fait, l’absence de contrat écrit ne permet pas aux Idels de quitter le cabinet du jour au lendemain. La jurisprudence prévoit qu’on peut rompre un contrat, tacite ou écrit, moyennant le respect d’un « délai raisonnable » généralement considéré comme étant au minimum de deux mois.

Le partage des biens

Le protocole d’accord transactionnel doit prévoir ce qu’il adviendra de chaque élément du cabinet, que ce soit le fonds libéral (la patientèle), le local, le matériel, le mobilier, les archives, les factures à régler et la ligne téléphonique.

Lorsque les futures ex-associées souhaitent poursuivre leur exercice dans le même secteur, la question du partage de la clientèle devient cruciale. Et le principe du libre choix du patient, prévu par l’article R.4312-74 du CSP, doit être respecté. Deux méthodes sont préconisées :

→ Les parties peuvent s’engager à ce que s’opère le choix des patients a priori. Dans ce cas, elles envoient aux patients du cabinet un courrier qu’elles ont validé ensemble, indiquant les coordonnées des infirmières en leur précisant qu’ils ont le choix de celle qui assurera leurs soins. Il leur est demandé de renvoyer le papillon d’information en indiquant le nom de l’Idel choisie.

→ Le choix peut aussi s’effectuer a posteriori. Les patients sont alors classés en fonction de leur « valeur » en cotation, les parties devant dresser d’un commun accord des listes se répartissant équitablement les patients. Il est demandé à ceux présents sur ces listes s’ils acceptent leur nouveau soignant. En cas de déséquilibre à l’issue de la séparation, il peut être prévu, dans le protocole, d’attribuer à celui subissant un déséquilibre, une compensation financière.

Il est recommandé de fermer la ligne téléphonique afin que chaque professionnelle en ouvre une qui lui est propre.

Et il faut se répartir les biens matériels ou se verser une compensation financière si l’une d’elles souhaite tel ou tel objet. Si l’une des parties est propriétaire du local, elle seule en a le bénéfice. Si les parties sont toutes locataires, en général le médiateur essaye de faire en sorte de les amener à trouver un consensus.

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