Une grande bouffée d’air frais - L'Infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

ACTIVITÉS

SUR LE TERRAIN

REPORTAGE

Laure Martin  

Cindy Clavel, 28 ans, n’est pas qu’infirmière libérale à Saint-Jean-de-Sixt en Haute-Savoie. Ses journées sont ponctuées par bien d’autres activités :pratique du parapente, sapeur-pompier, réflexologie…

Sur le site de décollage de Planfait, situé à 960 mètres d’altitude sur la rive est du lac d’Annecy, Cindy Clavel est concentrée. Son casque sur la tête, elle déploie sa voile, inspecte les suspentes pour s’assurer qu’aucune n’est abîmée et que toutes sont reliées à la voile. Après l’avoir attachée à sa sellette et vérifié son parachute de secours, elle se met dos à la piste pour faire entrer le vent dans la voile. Ce pré-gonflage l’assure de son bon positionnement.

Un dernier regard à gauche puis à droite, pour contrôler le vent, et, lorsque sa voile se gonfle au-dessus de sa tête, Cindy se retourne. Et commence à trottiner. En l’espace de quelques secondes, elle s’envole, aux commandes de son parapente. Progressivement, elle prend la direction des Dents de Lanfon, une chaîne montagneuse culminant à 1 824 mètres, située au-dessus de la commune de Talloires.

Attention aux vents

Dans les airs, la sensation de flottement est indescriptible. Avec la vue sur les montages, les chalets et le lac d’Annecy, l’apaisement est total. « Cela fait maintenant trois ans que je pratique cette activité, explique-t-elle. Avec mon copain Jérémy, nous faisons beaucoup de randonnées en montagne. C’est lui qui s’est mis le premier au parapente. Au départ, je n’avais pas du tout envie de suivre, cela me faisait peur. Puis j’ai fait un vol en biplace, qui m’a vraiment plu. J’ai alors voulu essayer de voler seule. C’est magique de redécouvrir la région par les airs, de voir des chamois, des bouquetins, de voler avec des vautours. »

Elle suit un stage d’initiation pour être autonome au décollage et à l’atterrissage, puis un autre pour apprendre les courants aériens afin de savoir prendre de l’altitude. « Il ne faut pas jouer avec la météo, car on ne sort jamais gagnant », met-elle en garde en rappelant qu’il est impératif de toujours vérifier les conditions météorologiques avant un départ. Et de poursuivre : « Généralement, on vole en groupe, ce qui nous permet de nous transmettre des informations par l’intermédiaire d’une radio. »

Engagée auprès des pompiers

Cindy participe régulièrement au challenge national annuel de parapente avec les pompiers, dont elle fait partie depuis dix ans. « Cela permet d’aller voler dans d’autres régions de France. Cette année, c’est dans le Puy-de-Dôme, et l’année dernière, c’était dans les Pyrénées-Orientales. » Sapeur-pompier volontaire depuis ses 18 ans, Cindy a été guidée dans ce choix par son père, également engagé. « Depuis toute petite, je l’ai toujours vu partir en intervention, se rappelle-t-elle. Lorsque j’étais enfant, nous allions à la caserne pour l’arbre de Noël et fêtions le 31 décembre avec les pompiers. » C’est naturellement qu’elle décide de rejoindre l’aventure à sa majorité. Pour intégrer l’équipe de Thônes, elle suit deux fois dix jours de formation sur les incendies et deux semaines sur le secourisme. « Actuellement, le recrutement se déroule devant le comité du centre des pompiers, indique-t-elle. Les candidats doivent passer un test sportif, un test de culture générale sur les pompiers et un entretien devant le comité du centre, dont je fais désormais partie. » Une fois recruté, le pompier s’engage à donner ses disponibilités. « Pour les week-ends de garde, les dates sont décidées par la caserne en début d’année ; j’organise alors mon planning infirmier en fonction de celui des pompiers, rapporte Cindy. Pour mes autres disponibilités, en revanche, j’attends que le planning infirmier soit fait. »

Aujourd’hui, Cindy détient le grade de sergent. Elle est sous-officier et chef d’agrès pour les véhicules de secours et assistance aux victimes (VSAV). « Le chef d’agrès décide de la manœuvre à mettre en place en intervention et transmet le bilan au médecin régulateur. D’ailleurs, j’ai effectué ma première intervention à ce poste auprès d’un parapentiste qui avait chuté à la suite d’un mauvais décollage. » Cindy n’a pas souhaité devenir infirmier sapeur-pompier car, dans ce cas-là, « on n’intervient plus en première intention lors des incendies ou lors des accidents de la route, mais uniquement en seconde intention, lorsque les victimes ont besoin d’être médicalisées, pour un protocole douleur par exemple. Garder cette activité de sapeur-pompier me tient à cœur, pour effectuer tout type d’intervention et maintenir de bons réflexes en gestes de secours. Je ne cherche pas à pratiquer des soins infirmiers en urgence ».

Le libéral pour avoir du temps libre

Depuis trois ans, Cindy exerce en tant qu’infirmière libérale sur le secteur de Saint-Jean-de-Sixt, à quelques kilomètres de Thônes. À l’origine, elle envisageait de suivre des études de sport, mais, au lycée, elle s’oriente en sciences sanitaires et sociales, ce qui lui permet d’effectuer un stage dans une maison de retraite. « J’ai alors pensé être aide-soignante car, en maison de retraite, ce sont elles qui sont le plus au contact des patients. Mais comme j’avais un niveau bac, j’ai décidé d’entrer en école d’infirmières. » Après un an de prépa à Annecy, elle passe le concours et suit ses études à l’Ifsi, de 2009 à 2012. « J’ai attendu qu’un poste qui me plaise se libère à l’hôpital d’Annecy et j’ai débuté en orthopédie-traumatologie. »

Il y a trois ans, sa sœur, également infirmière, voit une annonce pour une reprise de patientèle dans un cabinet où exerce une ancienne élève de la promotion de Cindy. « Au départ, cela ne m’intéressait pas vraiment, puis j’ai réfléchi à l’idée de ne plus exercer de nuit, à avoir des horaires plus souples, contrairement à l’hôpital où on était organisé en sept heures, et au temps libre que cela allait me dégager. » Elle rachète la patientèle de l’infirmier et, aujourd’hui, Cindy exerce toujours avec son amie de l’Ifsi, ainsi qu’avec sa sœur qui assure les remplacements. « Parfois, l’ambiance de l’équipe de l’hôpital me manque. Mais le mode d’exercice libéral me convient parfaitement : je peux prendre le temps avec mes patients, j’ai de bonnes relations avec les pharmaciennes, les biologistes ou encore les médecins. Je n’ai donc pas l’impression d’être seule. Aujourd’hui, je ne pourrais plus retourner dans un service, d’autant plus qu’à l’hôpital, la charge de travail, de plus en plus importante, ne nous permet plus de prodiguer des soins dans de bonnes conditions, ce que je trouvais déjà frustrant. »

La réflexologie comme seconde activité

Dans son cabinet infirmier, tout est fait pour que le patient se sente ailleurs que dans un lieu de soins. La décoration est zen : fontaine, tableaux aux murs, couleurs douces et apaisantes. Chaque espace est bien délimité. « Ma tante, qui fait de la géobiologie*, a participé à l’organisation du cabinet, pour que toutes les énergies circulent correctement et faire en sorte que nous nous y sentions bien, tout comme les patients. Dans ma famille, nous sommes très ouverts à ces thématiques autour de l’énergétique. »

D’ailleurs, Cindy développe actuellement une seconde activité, la réflexologie plantaire, une pratique de la médecine traditionnelle chinoise qui permet de redynamiser le corps par le biais de massages des pieds. « Nous pouvons travailler aussi bien sur l’équilibrage émotionnel que sur le plan physique, indique-t-elle. La réflexologie permet, entre autres, de relancer le système circulatoire et lymphatique, de réguler le système endocrinien et de procurer une profonde détente. Contrairement à la médecine conventionnelle qui soigne les patients lorsque la maladie est installée, la médecine chinoise permet un traitement préventif et curatif, afin de se maintenir en bonne santé. » Cindy s’est formée à la réflexologie ces deux dernières années et est diplômée depuis le mois de juin. « J’ai connu ma formatrice par l’intermédiaire de connaissances communes. Elle proposait une formation en réflexologie familiale un week-end par mois pendant six mois. Comme, pendant nos tournées, nous appliquons régulièrement de la crème aux personnes âgées, nous avons pensé que cela pourrait être intéressant de bien connaître les zones à masser sous les pieds. » Cette première approche lui plaît, elle décide alors de suivre la formation complète de thérapeute. « C’est un plus par rapport aux soins conventionnels et, surtout, cette technique correspond à mes valeurs et à ma manière de voir les soins. » Avant chaque séance, Cindy se recentre et, plus généralement, puise son énergie en se promenant dans la nature ou en pratiquant du parapente, ce qui lui permet un lâcher-prise, lui procure un sentiment de liberté et la “rebooste”. « Je ne me mets aucune pression car cela fait seulement trois ans que je suis infirmière libérale. Mais si je peux poursuivre ma carrière en ne faisant que des soins en réflexologie, cela me conviendrait très bien », conclut-elle.

* La géobiologie est une discipline traitant des relations de l’environnement, des constructions et du mode de vie avec le vivant.