La broncho-pneumopathie chronique obstructive - L'Infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 352 du 01/11/2018

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR

La broncho-pneumopathie chronique obstructive associe une inflammation et une obstruction des bronches à l’origine d’une diminution lente et progressive des débits respiratoires pouvant évoluer vers une insuffisance respiratoire. Si la maladie ne peut être guérie, sa prise en charge ralentit son évolution et peut même inverser certains symptômes, notamment la dyspnée.

RAPPEL

Le terme de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) se rapporte à un ensemble de maladies des voies aériennes et des poumons (voir le schéma ci-dessous), caractérisées par une toux, des expectorations, une dyspnée et par une diminution des débits respiratoires, non totalement réversible. La réduction des débits, généralement lente et progressive, est la conséquence d’une réponse inflammatoire liée à des particules ou gaz toxiques inhalés. Elle s’accompagne le plus souvent d’un retentissement systémique. L’évolution naturelle se fait vers l’insuffisance respiratoire obstructive.

Définitions - nosologie

La BPCO inclut la bronchite chronique obstructive et l’emphysème (voir les schémas ci-dessous et ci-contre). Sont exclues d’autres affections dont la présentation clinique est pourtant souvent très proche : asthme chronique avec trouble respiratoire obstructif permanent, séquelles de la mucoviscidose et bronchiolites chroniques.

→ La bronchite chronique obstructive est définie comme une hypersécrétion muqueuse bronchique chronique permanente ou récidivante, caractérisée par l’association d’une toux et des expectorations, survenant dès trois mois par an depuis au moins deux années consécutives, alors que la radiographie thoracique reste normale.

→ L’emphysème est défini par un élargissement anormal et permanent des espaces aériens au-delà des bronchioles terminales avec destruction des parois alvéolaires. Il en existe deux types :

- l’emphysème centro-lobulaire, le plus fréquent, est secondaire à une bronchite chronique liée au tabagisme : il est caractérisé par une augmentation anormale du volume des espaces aériens distaux situés au-delà des bronchioles terminales, accompagné d’une destruction des alvéoles, de leur paroi et des tissus voisins ;

- l’emphysème pan-lobulaire ou primitif, plus rare, touche tout le lobule avec destruction des espaces aériens et de la vascularisation, mais sans atteinte bronchique proximale associée ; les lésions sont diffuses, homogènes, et prédominent au niveau des bases. C’est la forme d’emphysème classiquement associée à un déficit en alpha-1 trypsine.

Physiopathologie

Pathogenèse

→ La BPCO est d’abord une maladie des petites voies aériennes (dont le diamètre est inférieur à 2 mm), ce qui la distingue de la bronchite chronique, maladie des grosses voies aériennes. Elle est caractérisée par une accumulation de macrophages, de polynucléaires neutrophiles, lymphocytes T (CD8+ de façon prédominante). Ces cellules activées libèrent une variété de médiateurs comme le leukotriène B4, interleukine 8, le Tumor Necrosis Factor alpha (TNF alpha) et d’autres capables de léser les structures pulmonaires et/ou de maintenir une inflammation neutrophilique.

→ En plus de cette inflammation pulmonaire, deux autres processus interviennent : un déséquilibre entre protéases et antiprotéases en faveur des antiprotéa ses (élastases) qui vont détruire le parenchyme pulmonaire et un stress oxydant, toxique pour les cellules épithéliales et endothéliales (oxydation des protéines, des lipides et de l’ADN).

→ Cette même altération existe au niveau de plusieurs autres organes, faisant de la BPCO une maladie systémique (complications cardiovasculaires, atteinte des muscles squelettiques…). L’inflammation, le stress oxydant et le déséquilibre de la balance antiprotéases-protéases sont secondaires à l’inhalation de fumée de cigarette et autres particules et gaz toxiques chez des patients susceptibles.

Anatomopathologie

Sécrétions de mucus

De la trachée aux bronchioles de plus de 2 mm de diamètre, des cellules inflammatoires infiltrent l’épithélium. Il y a diminution des cellules ciliées, prolifération des cellules à mucus, hypertrophie des glandes séro-muqueuses, ce qui entraîne une bronchite chronique. Un tiers des patients atteints de bronchites chroniques présenteront une BPCO en vieillissant(1).

Rétrécissement des bronches

Dans les petites voies aériennes de moins de 2 mm de diamètre, on observe un remodelage bronchique, caractérisé par un épaississement de la paroi, une hypertrophie des muscles lisses, entraînant une obstruction bronchique.

→ L’obstruction bronchique provoque une bronchite chronique obstructive qui se traduit par une augmentation des résistances des voies aériennes par difficulté de l’évacuation de l’air inspiré. L’augmentation de la pression alvéolaire entraîne une distension puis une destruction des alvéoles, c’est-à-dire un emphysème centro-lobulaire.

→ Le parenchyme pulmonaire est également atteint par ces lésions d’emphysème qui détruisent les alvéoles.

→ Les vaisseaux artériels pulmonaires voient leur paroi s’épaissir par l’accumulation de cellules musculaires lisses et de cellules inflammatoires.

Conséquences fonctionnelles

→ L’hypersécrétion de mucus et la dysfonction ciliaire sont responsables de la toux et de l’expectoration chronique.

→ La limitation des débits expiratoires est responsable de la dyspnée.

→ Dans la BPCO sévère, les anomalies des petites voies aériennes, la destruction parenchymateuse et les lésions vasculaires sont responsables d’une hypercapnie et de l’hypertension pulmonaire.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Épidémiologie descriptive

Prévalence

Elle est estimée entre 2 et 3 millions de Français : soit 6 à 8 % dans une population adulte(2). En 2013, environ 145 000 malades présentant des formes sévères recevaient une oxygénothérapie de longue durée et/ou une ventilation à domicile(3).

Incidence

→ Le nombre de nouveaux cas annuels à tous les stades de gravité de la maladie n’est pas connu. La seule donnée disponible est le nombre de nouveaux cas admis en affection de longue durée (ALD), c’est-à-dire au stade sévère. Le nombre de nouveaux cas admis en ALD pour bronchite chronique était de 40 763 en 2009(4). Sachant que ces nouveaux cas correspondent à des stades sévères (soit 8,5 % des cas de BPCO), le nombre de nouveaux cas par an de BPCO était de 479 500 environ(4) en 2009.

→ L’incidence augmente - et continuera d’augmenter - dans les années à venir en raison de la hausse du tabagisme, notamment chez la femme(2).

→ Entre 2007 et 2012, le nombre d’hospitalisations pour exacerbations de BPCO a progressé de 15,5 %. Chez les femmes de moins de 65 ans, le taux d’hospitalisation pour BPCO a augmenté de 136 % entre 2002 et 2014(2).

Mortalité

→ En France, les taux bruts de mortalité étaient de 41 pour 100 000 chez les hommes et de 17 pour 100 000 chez les femmes âgés de 45 ans et plus(5). Depuis vingt ans, la mortalité augmente régulièrement, avec 18 000 décès en 2014(2). Si le nombre de décès se stabilise chez l’homme, chez la femme, la mortalité a augmenté de près de 2 % en vingt ans (entre 1979 et 2000).

→ Dans le monde, la BPCO a causé 3,2 millions de décès (5e cause de mortalité par maladie en 2015). La BPCO pourrait être la 3e cause de mortalité en 2030(2).

Poids économique et social

Répercussions sociales

Près de 15 % des malades ayant une BPCO présentent une altération de leur fonction respiratoire dès la quarantaine, alors qu’ils sont encore en activité(2). 80 % d’entre eux souffrent d’un épuisement physique dans le cadre de leur activité professionnelle avec, pour 40 %, une mise en invalidité ou un congé longue maladie jusqu’à la retraite(2). Les autres ont multiplié les arrêts de travail sur de courtes durées le plus souvent au motif de bronchite, source de stigmatisation dans l’entreprise.

Stigmatisation sociale

La BPCO est perçue par la population, y compris par les professionnels de santé, comme une conséquence du tabagisme plutôt qu’une maladie à part entière, ce qui favorise un discours culpabilisant vis-à-vis des malades. Cette perception de la maladie conjuguée aux comorbidités associées (anxiété, dépression) se répercute dans les rapports des patients avec leur entourage.

Poids médico-économique

Le coût annuel pour le système de soins des nouveaux cas de BPCO est de 186 millions d’euros(4). Le coût direct est estimé à 3,5 milliards d’euros par an, dont 60 % sont liés aux exacerbations et 40 % au suivi au long cours de la maladie(5). Le coût moyen de la prise en charge d’une BPCO est de 4 000 euros par malade et par an(5). Pour les malades admis en ALD, les dépenses annuelles sont supérieures à 6 000 euros (dont 50 %, les dépenses d’hospitalisation)(6). En 2012, la BPCO a été à l’origine de 130 000 hospitalisations, dont le coût a été de 678 millions d’euros(2).

PRINCIPAUX FACTEURS DE RISQUE

Tabac

→ Plus de 80 % des cas sont attribuables à la cigarette(3). Le risque augmente avec l’ancienneté et l’intensité du tabagisme. Le tabagisme passif contribue également à la maladie.

→ Le cannabis a été récemment reconnu comme responsable de lésions bronchiques pouvant générer une BPCO.

Expositions professionnelles ou domestiques

Les polluants professionnels (minéraux, chimiques et organiques) sont responsables de 20 % des BPCO(5). Les principales substances associées à un risque accru de BPCO sont les poussières de silice, de charbon, végétales et de moisissures (voir le tableau ci-dessous).

Pollution de l’air intérieur ou extérieur

Elle serait responsable de 10 à 15 % des BPCO(4). Les pollutions domestiques (fumée liée à la cuisson des aliments et au chauffage, par exemple) et urbaines sont aussi responsables de complications aiguës.

Génétique

Des facteurs génétiques interviennent pour deux raisons :

→ un tiers des fumeurs présentent à tabagisme égal une BPCO ;

→ un déficit en alpha-1 antitrypsine entraîne un emphysème pan-lobaire (2 % des BPCO).

Des prédispositions familiales ont également été décrites.

Risques liés à l’enfance

La prématurité, les infections des voies respiratoires inférieures fréquentes pendant l’enfance peuvent créer un terrain à risque(3). Le tabagisme pendant la grossesse influe sur le développement pulmonaire du fœtus, facteur de risque à son tour de BPCO.

SYMPTÔMES, ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

→ Longtemps asymptomatique, la maladie débute par une toux intermittente ou quotidienne, rarement nocturne uniquement. Ce symptôme peut manquer. Elle s’accompagne aussi d’expectorations matinales, signes souvent banalisés car attribués à la « bronchite chronique » du fumeur par les patients eux-mêmes.

→ Aux premiers stades de la maladie, une dyspnée, aggravée par les efforts et lors des infections bronchiques, est présente et va devenir de plus en plus intense. Une dyspnée au repos s’installe progressivement, gênant les gestes de la vie quotidienne.

→ La dyspnée est le symptôme clé qui conduit à consulter et qui est responsable d’incapacité et d’anxiété pour le patient. Des sifflements expiratoires et douleurs thoraciques sont possibles.

→ Cette dégradation progressive est ponctuée par des exacerbations, qui sont définies comme des événements aigus caractérisés par une aggravation des symptômes respiratoires. Souvent déclenchées par des épisodes infectieux, des exacerbations sévères peuvent entraîner une insuffisance respiratoire aiguë, nécessitant une réanimation et une ventilation artificielle. On parle alors de décompensation.

→ À un stade avancé, la maladie entraîne une insuffisance respiratoire limitant le moindre effort de la vie quotidienne. À ce stade, plus de 60 % des malades sont dépendants de l’oxygène.

EXAMEN CLINIQUE

Distension thoracique, allongement du temps expiratoire avec pincement des lèvres… Les signes cliniques d’obstruction bronchique sont tardifs, peu sensibles et peu spécifiques.

Le retentissement cardiaque (signes d’insuffisance cardiaque droite) doit être recherché, de même qu’une perte de poids et une myopathie des membres.

Diagnostic(6)

Il doit être évoqué chez tout patient qui présente :

→ un seul de ces signes : toux et expectorations chroniques (plus de deux, trois mois), dyspnée ;

→ un facteur de risque (tabagisme, exposition professionnelle ou domestique à un toxique ou des irritants, cannabis).

Spirométrie et radiographie du thorax

→ La spirométrie est l’examen minimal recommandé permettant le diagnostic et le suivi de la BPCO (lire la partie Savoir faire p.44) qui permet de mesurer les volumes pulmonaires « mobilisables » et les débits bronchiques du patient. Le VEMS (c’est-à-dire le volume expiré maximum en une seconde) est abaissé plus que le volume pulmonaire (capacité vitale = CV). La maladie est confirmée si le rapport de Tiffeneau (VEMS/CV) est inférieur à 70 % après administration d’un bronchodilatateur de courte durée.

→ Une radiographie du thorax doit être systématique pour éliminer le diagnostic de cancer, anomalie cardiaque, pulmonaire ou pleurale.

Évaluer la sévérité de la maladie

→ La sévérité est cotée selon le VEMS (voir le tableau en haut de la page ci-contre).

→ L’incapacité (dyspnée ou intolérance à l’exercice) est évaluée selon l’échelle mMRC (modified Medical Research Council) (voir le tableau en bas de la page ci-contre).

→ En cas de forme sévère, le score Bode (Body mass index, airflow Obstruction, Dyspnea, and Exercise capacity) permet d’estimer la gravité de la maladie. Il prend en compte l’obstruction et la dyspnée, mais aussi des paramètres nutritionnels et la tolérance à l’exercice(3).

Examens complémentaires

La pléthysmographie : indiquée selon la clinique et le stade évolutif de la maladie, elle permet de mesurer des volumes non mobilisables, volume d’air restant dans les poumons après expiration passive (capacité résiduelle fonctionnelle) et après une expiration maximale (volume résiduel). La mesure des volumes non mobilisables permet de calculer la capacité pulmonaire et donc de dépister une distension dynamique (augmentation de la capacité résiduelle fonctionnelle entraînant une expiration à l’exercice non complète) associée au trouble obstructif ventilatoire. Cette distension est souvent présente en cas de lésions emphysémateuses associées et se corrèle souvent mieux à la dyspnée d’effort du patient que le VEMS.

→ Enregistrement polygraphique ou polysomnographique, si suspicion d’apnée du sommeil associée.

→ Dosage de l’alpha-1 antitrypsine en cas d’histoire familiale marquée.

→ Gazométrie artérielle. L’insuffisance respiratoire doit être évoquée chez tout patient présentant une dyspnée d’effort a fortiori une dyspnée de repos, des signes d’hypertension artérielle pulmonaire ou si le VEMS est inférieur à 50 % de la valeur théorique. L’insuffisance respiratoire chronique se traduit par une chute du taux d’oxygène dans le sang, associée parfois à une hypercapnie (augmentation du taux de gaz carbonique). L’insuffisance respiratoire est reconnue sur une PaO2 (pression artérielle exercée par l’O2 dans le sang artériel) inférieure à 8 kPa (60 mmHg) associée ou non à une PaCO2 (pression artérielle exercée par le CO2 dans le sang artériel) supérieure à 6 kPa (45 mmHg).

PRISE EN CHARGE HORS EXACERBATIONS/DÉCOMPENSATION(6)

La BPCO ne peut être guérie, mais sa prise en charge ralentit son évolution et peut même inverser certains symptômes.

Arrêt du tabac

→ C’est la seule mesure susceptible d’interrompre la progression de l’obstruction bronchique et de retarder l’apparition de l’insuffisance respiratoire. C’est un objectif prioritaire, quel que soit le stade de la maladie.

→ Si le patient est dépendant (voir le test de Fagerström dans la partie Savoir faire, p.47), un traitement nicotinique de substitution doit lui être proposé en première intention.

→ Après échec des substituts nicotiniques, la varénicline peut être conseillée en deuxième intention. Les patients et l’entourage seront informés des risques (agressivité, troubles dépressifs suicidaires). En raison de la fréquence des nausées, surtout en début de traitement (28,6 %), il convient de surveiller la tolérance digestive, en particulier chez les patients en déficit pondéral(6).

→ Le bupropion (inhibiteur sélectif de la recapture neuronale des catécholamines) dans le sevrage tabagique peut également être prescrit.

→ Les thérapies cognitivo-comportementales peuvent diminuer le risque de rechutes.

Vaccination

La vaccination antigrippale est recommandée tous les ans. Les patients ayant reçu des broncholodilatateurs par voie inhalée reçoivent une invitation pour se faire vacciner gratuitement.

La vaccination antipneumococcique tous les cinq ans est recommandée en cas d’insuffisance respiratoire.

Prise en charge thérapeutique(6)

Les médicaments ont pour but de prévenir et contrôler les symptômes, de réduire la fréquence et la sévérité des exacerbations, d’améliorer la qualité de vie et la tolérance à l’effort. Les principaux traitements symptomatiques sont les bronchodilatateurs : bêta-2 agonistes et anticholinergiques existant sous deux formes de courte (CA) ou de longue durée d’action (LA).

→ Les bêta-2 agonistes CA et anticholinergiques CA sont pris à la demande en première intention en cas de dyspnée et de limitation d’exercice. Le choix de la classe dépend de la réponse individuelle. Les formes orales doivent être réservées aux patients incapables d’utiliser les formes inhalées.

→ En cas de symptômes persistants, malgré l’utilisation pluriquotidienne des bronchodilatateurs CA, un traitement symptomatique continu par les bronchodilatateurs LA est nécessaire : il est indiqué chez les patients de stade II (50 % ≤ VEMS < 80 %).

→ L’association des deux classes de bronchodilatateurs peut améliorer le VEMS.

→ L’association de bronchodilatateurs LA et de corticoïde inhalé est recommandé en deuxième intention uniquement chez les patients de stade III qui ont un VEMS inférieur à 50 % en cas d’antécédents d’exacerbations fréquentes et de symptômes significatifs malgré un bronchodilatateur continu.

→ L’addition de corticoïdes inhalés n’a pas démontré d’effet sur la mortalité. Ils augmentent les risques d’infections respiratoires basses, notamment les pneumonies.

→ L’addition d’une association corticoïde + bêta-2 agoniste LA à un anticholinergique LA est proposée si la dyspnée ou les exacerbations persistent malgré le traitement.

→ La théophylline forme orale à libération prolongée ne sera utilisée qu’en deuxième intention ou pour ceux qui ne peuvent prendre de médicament inhalé : la toxicité est dose dépendante et l’index thérapeutique est étroit. Elle nécessite un suivi de son taux plasmatique et de ses interactions médicamenteuses. Elle sera utilisée avec vigilance chez le sujet âgé.

Réhabilitation respiratoire

Cet élément majeur de la prise en charge des malades atteints de BPCO, dyspnéiques et intolérants à l’effort améliore la qualité de vie.

Indications

→ Tout patient à partir du stade II (modéré, VEMS < 80 %) présentant une incapacité (dyspnée ou/ et intolérance à l’effort) et/ou un handicap qui en résulte (réduction des activités sociales, professionnelles ou personnelles).

→ En l’absence d’une contre-indication cardiovasculaire au ré-entraînement à l’exercice (angor instable ou infarctus du myocarde récent), d’une instabilité sévère de l’état respiratoire (acidose respiratoire non compensée) ou d’une autre affection rendant impossible le réentraînement à l’exercice.

→ Les patients en état stable ou au décours d’une hospitalisation pour exacerbation.

→ Possible chez les personnes ayant une BPCO très sévère sous oxygénothérapie de longue durée (OLD) ou ventilation non invasive et chez les patients âgés.

Mise en œuvre

Lire l’entretien du Dr Daniel Bajon et de Yann Darolles, p.49.

→ Un réentraînement physique : réentraînement des muscles inspiratoires, exercices d’endurance avec ou sans oxygénothérapie, entraînement des muscles locomoteurs, réentraînement des muscles inférieurs et supérieurs, désencombrement bronchique.

→ Des séances individuelles ou collectives d’éducation thérapeutique visent à faire acquérir au patient des compétences lui permettant de gérer sa maladie.

→ La réhabilitation respiratoire n’est pas prescrite chez tous les patients pour qui elle serait indiquée. Les ressources ne sont pas homogènes sur les territoires.

Ces actions sont à associer à :

→ une prise en charge du tabagisme et/ou de l’addiction et/ou de l’exposition professionnelle ;

→ une prise en charge psychologique ;

→ une prise en charge et un suivi nutritionnels ;

→ une prise en charge sociale.

La réhabilitation peut être réalisée dans un établissement de santé ou dans une structure de proximité (si possible en réseau).

Autres traitements des malades très sévères (stade IV) et/ou des insuffisants respiratoires chroniques graves

L’insuffisance respiratoire chronique est définie par une hypoxémie chronique diurne au repos avec une pression artérielle en oxygène inférieure à 70 mmHg (9,3 kPa) retrouvée à deux mesures des gaz du sang à trois semaines d’intervalle au moins. Elle est qualifiée de grave ou de sévère quand la PaO2 est inférieure ou égale à 55 mmHg (7,3 kPa) ou inférieure à 60 mmHg (8 kPa) avec des signes d’insuffisance ventriculaire droite ou une polyglobulie.

Oxygénothérapie

À distance d’un épisode aigu et sous réserve d’un traitement optimal (arrêt du tabac, bronchodilatateur, kinésithérapie), une oxygénothérapie de longue durée (OLD) est indiquée si :

→ la PaO2 diurne est inférieure ou égale à 55 mmHg sur deux mesures à trois semaines d’intervalle ;

→ ou si la PaO2 diurne comprise entre 56 et 59 mmHg, si l’un des éléments suivants sont présents :

- signes cliniques de cœur pulmonaire chronique et/ou diagnostic avéré d’hypertension artérielle pulmonaire (pression artérielle pulmonaire moyenne > 25 mmHg mesurée lors d’un cathétérisme droit),

- désaturations artérielles en O2 nocturnes non apnéiques (SaO2 < 90 % plus de 30 % temps d’enregistrement),

- polyglobulie (hématocrite > 55 %).

La prescription précise le type de matériel délivrant l’oxygène, le mode de raccordement de l’O2 au patient, le débit d’O2 pour préserver une SaO2 supérieure ou égale à 92 %, le débit au repos, à l’effort et nocturne, et la durée de prescription.

Oxygénothérapie de déambulation

Elle est indiquée chez des patients sous OLD, leur permettant de préserver leur mobilité et donc une activité physique dans des conditions optimales d’oxygénation. Il n’y a pas d’indication chez des patients qui ne sont pas sous OLD, même s’il y a une désaturation à l’exercice avec une SaO2 inférieure à 90 %.

Oxygénothérapie de déambulation dans le cadre d’une réhabilitation respiratoire

En dehors des indications d’une OLD, elle peut être indiquée chez les patients qui présentent une désaturation en oxygène au niveau d’activité physique pour le réentraînement (PaO2 < 90 %). Elle ne sera pas poursuivie après le programme de réhabilitation respiratoire.

Oxygénothérapie nocturne

Elle est non indiquée en dehors de l’OLD (après avoir recherché un syndrome d’apnée du sommeil).

Ventilation assistée

L’oxygénothérapie peut être complétée par une ventilation, invasive ou non.

Ventilation non invasive au domicile

Elle peut être proposée :

→ en situation d’échec de l’OLD, en présence des éléments suivants : signes cliniques d’hypoventilation alvéolaire nocturne, PaCO2 supérieure à 55 mmHg et notion d’instabilité clinique (fréquence élevée d’hospitalisations pour décompensation) ;

→ au décours d’un épisode d’insuffisance respiratoire aiguë ayant nécessité une ventilation non invasive.

Ventilation invasive par trachéotomie

Elle sera choisie en cas d’échec de la ventilation non invasive ou d’impossibilité de sevrage après l’hospitalisation.

Traitement de l’hypertension pulmonaire et du cœur pulmonaire

→ En présence d’œdèmes périphériques (sans autres causes), une turgescence jugulaire, des modifications des bruits du cœur, le traitement repose sur l’OLD et les diurétiques pour les œdèmes.

→ Ne sont pas recommandés : les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les bloqueurs des canaux calciques, les alpha-bloquants et la digoxine.

Chirurgie

La chirurgie peut concerner la résection d’une bulle d’emphysème, la réduction du volume pulmonaire ou la transplantation pulmonaire.

PRISE EN CHARGE DES EXACERBATIONS/DÉCOMPENSATIONS

→ Les bronchodilatateurs de courte durée d’action, de préférence les bêta-2 mimétiques, sont les traitements de choix. Les doses ou la fréquence d’administration doivent être augmentées. Le traitement doit être poursuivi jusqu’à amélioration des symptômes.

→ Les glucocorticoïdes par voie orale sont indiqués si le VEMS est inférieur à 50 % ou si l’augmentation importante de la dyspnée retentit sur les activités de la vie quotidienne. Ils sont surtout réservés aux services d’urgence. Ils sont utilisés en cure courte à dose faible (prednisolone 30 mg pendant sept à dix jours).

→ Les antibiotiques sont recommandés en cas de franche purulence verdâtre des crachats et/ou d’une dyspnée au repos ou au moindre effort.

(1) Préfaut C., « Physiopathologie de la bronchopulmonaire chronique obstructive - BPCO », Journal franco-vietnamien de pneumologie 2013;04 (13):1-45 (à consulter via le lien raccourci bit.ly/205MYCV).

(2) Livre blanc de la BPCO, « Faire de la BPCO une urgence de santé publique pour le quinquennat », contribution des patients et des professionnels de santé à un plan BPCO 2018-2022 (à consulter via bit.ly/2NpgHS8).

(3) Inserm, « Bronchopneumopathie chronique obstructive », 2015 (via le lien bit.ly/2DYzDb5).

(4) Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, « Estimation des coûts pour le système de soins français des maladies respiratoires », Études & documents n° 122, avril 2015 (via bit.ly/2DVViAy).

(5) Ministèrede la Santé et des Solidarités, Programme d’actions en faveur de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) 2005-2010, « Connaître, prévenir et mieux prendre en charge la BPCO » (via bit.ly/2pBRuKN).

(6) Haute Autorité de santé, Guide du parcours de soins, « Bronchopneumopathie chronique obstructive », juin 2014 (via bit.ly/2pCypbz).

Cinq comorbidités en moyenne par patient

→ La BPCO est une maladie chronique associée à d’autres troubles : maladies cardiovasculaires (30 % des patients ; arythmies, cardiopathie ischémique, insuffisance cardiaque droite - cœur pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire), cancers liés au tabac (poumon, ORL, vessie), fibrose pulmonaire, diabète avec neuropathies, dépression/anxiété, troubles musculo-squelettiques (ostéoporose, faiblesse des muscles périphériques), complications systémiques (dénutrition, cachexie, anémie et polyglobulie). La BPCO aggrave les coronopathies et l’insuffisance cardiaque (dosage du peptide natriurétique - BNP ou pro-BNP - indiqué en cas de signes évocateurs).

Source : Inserm, « Bronchopneumopathie chronique obstructive », 2015 (via le lien bit.ly/2DYzDb5).

Médicaments non recommandés

→ Les corticoïdes inhalés pris isolément : ils ne sont indiqués qu’en association avec les bronchodilatateurs de longue durée d’action chez le patient sévère.

→ Les corticoïdes oraux au long cours.

→ Les agents mucolytiques.

→ Les antileucotriènes.

→ Les statines.

→ Une antibiothérapie prophylactique.

→ Les antitussifs.

Emphysème centrolobulaire et pan-lobulaire