Une réforme qui laisse de côté les infirmières - L'Infirmière Libérale Magazine n° 351 du 01/10/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 351 du 01/10/2018

 

PLAN SANTÉ

ACTUALITÉ

Véronique Hunsinger  

Le 18 septembre dernier, dans un grand discours à l’Élysée, le président de la République a annoncé, devant les représentants du monde de la santé, un plan de réforme de 54 mesures… qui laisse néanmoins la profession infirmière sur sa faim.

Si la philosophie de la réforme du système de santé annoncée par Emmanuel Macron en septembre est apparue globalement consensuelle à la majorité des acteurs du système de santé, les représentants des Idels ont exprimé leurs déceptions. Une mesure en particulier fait l’unanimité contre elle : c’est la création d’un nouveau métier “d’assistant médical” dans les cabinets de groupe des médecins généralistes et spécialistes. L’Assurance maladie devrait aider les praticiens à en recruter 4 000 sur tout le territoire pour un coût estimé à 50 000 euros par an, cotisations salariales et patronales comprises. Dans l’esprit de Nicolas Revel, le directeur général de la Cnam, ces assistants pourraient être aussi bien des secrétaires médicales, des aides-soignantes que des infirmières. Il estime néanmoins que des contreparties seraient demandées aux médecins afin de bénéficier d’une aide financière pour en embaucher : prendre de nouveaux patients pour les généralistes ou diminuer les délais d’attente pour les spécialistes. « Il va falloir, dans un dialogue avec les professionnels, définir ce que serait le périmètre des fonctions et des missions qui pourront demain être exercées par ces assistants médicaux, a expliqué Nicolas Revel dans la presse. Ceux-ci pourront avoir un profil soignant mais aussi être capables d’assumer un certain nombre de tâches administratives. »

Une “tutelle” déguisée ?

Les réactions ne se sont pas faites attendre. « Totalement inattendue, la création de ce nouveau métier semble parfaitement contradictoire avec une vision collective, coordonnée et graduée de la prise en charge des patients », a regretté l’Ordre national des infirmiers. La Fédération nationale des infirmiers (FNI) estime que ce projet serait « une mesure supplémentaire pour replacer les infirmiers sous la tutelle des médecins libéraux ». Le Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (Sniil) a rappelé que les syndicats infirmiers « n’ont jamais été consultés sur l’intégralité du projet, y compris sur la création du métier d’assistant médical ». Ce nouveau métier « nécessitera quand même un temps de formation », ajoute-t-il, estimant que « la création d’une consultation infirmière libérale de renfort, telle qu’elle est expérimentée en Normandie depuis 2013, ou l’intégration des infirmières libérales dans la télémédecine auraient été plus judicieux ». Selon le syndicat Convergence infirmière, un assistant médical serait un « métier low cost, un hybride entre l’infirmière et la secrétaire, une profession bâtarde, destinée à servir le médecin ».

Des passerelles entre métiers

Ce point de la réforme peut paraître d’autant plus surprenant qu’en même temps le président de la République s’est largement réjoui dans son discours de la mise en place des pratiques avancées infirmières : « Des décisions seront prises pour valoriser et rémunérer de nouvelles pratiques dites “avancées” pour les infirmières, maillon essentiel de nos équipes soignantes. Cette forme moderne d’exercice permettant à des professionnels paramédicaux de se voir reconnaître des compétences relevant réglementairement des médecins, souhaitée depuis plus de dix ans, est enfin possible. » Par ailleurs, davantage de passerelles entre les différents métiers de la santé pourraient également être rendues possibles dans les prochaines années. Ce sera l’une des conséquences de la suppression du numerus clausus, c’est-à-dire le quota d’étudiants autorisés à passer en deuxième année de médecine. « Tous les étudiants inscrits en licence, quelle que soit leur spécialité, pourront rejoindre en 2e, 3e ou 4e année le cursus de médecine », a déjà avancé Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, qui précisera le cadre de la réforme des études de santé dans les prochains mois afin que celle-ci puisse entrer en vigueur pour la rentrée 2020. En outre, parmi les 54?mesures du plan, certaines étaient déjà connues. C’est, en particulier, le cas de la suppression, à l’occasion de l’intégration dans Parcoursup, du concours d’entrée en Ifsi « afin de renforcer l’accessibilité sociale à ces études et de diversifier les profils des étudiants », précise le ministère de la Santé.

Davantage de CPTS

S’agissant de l’organisation des soins de ville, la réforme vise à donner un coup d’accélérateur aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui avaient été créées par la loi Touraine de janvier 2016. On en compte aujourd’hui 200 sur tout le territoire mais la plupart du temps à l’état encore embryonnaire. Le plan du gouvernement prévoit le déploiement de 1 000 CPTS à l’horizon 2022. Une négociation conventionnelle globale sera engagée sur ce sujet en début d’année prochaine entre l’Assurance maladie et les syndicats des différentes professions de santé. « Il faut que tous les professionnels d’un territoire s’engagent, travaillent ensemble et portent une responsabilité collective vis-à-vis des patients et de la population », a averti Emmanuel Macron. En outre, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, entend profiter de cette réforme pour pousser la qualité et la pertinence des soins. À cette fin, l’ensemble des nomenclatures des actes médicaux et paramédicaux devra être remis à jour d’ici à 2022. « Il s’agit d’améliorer le caractère descriptif des actes quand cela est nécessaire afin de mieux appréhender l’activité des professionnels et d’intégrer plus rapidement l’innovation tout en assurant l’efficience de la tarification », explique le ministère de la Santé.

L’avis des patients

Enfin, la ministre souhaite également rendre plus systématique la mesure de la « satisfaction des usagers » sur leurs prises en charge, en commençant par la chirurgie ambulatoire, les soins de suite et de rééducation, l’hospitalisation à domicile et les Ehpad, puis, à partir de 2020, les soins de premier recours dans les centres et maisons de santé. Dans le cadre de la réforme des étudiants en santé, l’avis des patients sera intégré dans l’évaluation des étudiants et des “patients experts” pourront être amenés à intervenir dans les formations. Enfin, dès le mois de novembre, les usagers devraient également pouvoir ouvrir leur dossier médical partagé (DMP). Celui-ci constituera la première brique d’un “espace numérique de santé individuel” permettant, à l’horizon 2022, de disposer des comptes rendus d’hospitalisation, des résultats d’examen, voire de prendre des rendez-vous médicaux.