Réponse franco-espagnole - L'Infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018

 

GÉRIATRIE

Actualité

Sophie Magadoux  

Inaugurée le 9 juin, une équipe mobile transfrontalière de gériatrie et de soins palliatifs intervient en Cerdagne, région des Pyrénées à cheval sur la France et l’Espagne. Une solution de territoire au maintien à domicile.

LE VILLAGE D’OSSÉJA, PERCHÉ À 1 240 MÈTRES D’ALTITUDE DANS LES PYRÉNÉES-ORIENTALES, à deux pas de la frontière espagnole, a hébergé, le 9 juin dernier, une centaine de participants à la première Journée transfrontalière de gériatrie et gérontologie. « Cet événement est l’occasion d’échanger pour les différents acteurs du domaine de l’intervention sociale et socio-sanitaire, du territoire de la Cerdagne et, au-delà, pour une meilleure coopération », explique Ousmane Ndiayé, docteur en sociologie et coordinateur du projet européen ProspecTsaso* sur les “Effets-frontières et parcours de soins et de santé des personnes âgées en Cerdagne”, qui porte cette journée avec la collaboration de l’Agence régionale de santé Occitanie et de son homologue catalan.

L’EMGSP pour les âgés

Ce jour-là, la coopération s’est aussi manifestée avec l’inauguration de l’Équipe mobile transfrontalière de gériatrie et de soins palliatifs (EMGSP) pour les personnes âgées de plus de 75 ans, née en novembre dernier à quelques kilomètres de là, dans les murs du GCS (groupement de coopération sanitaire) Pôle sanitaire cerdan, regroupant les structures d’accueil et d’accompagnement de la filière gériatrique. L’EMGSP fonctionne en lien étroit avec l’Hôpital transfrontalier de Cerdagne à Puigcerdà en Espagne, ouvert il y a quatre ans, et vient s’inscrire dans la logique de restructuration de l’offre de soins du territoire franco-espagnol, marqué par la désertification médicale. « Nous intervenons à la demande du médecin traitant ou d’un paramédical qui l’aurait sollicité, à l’Ehpad “Rose de Montella” à Err, à la Clinique du Souffle “La Solane” ou à la maison d’accueil spécialisée “Les Myrtilles” situées à Osséja, à l’hôpital de Puigcerdà, etc., et potentiellement à domicile, explique le Dr Johary Razanatsimba, gériatre de l’EMGSP. Le Dr Daniel Doutres (pour les soins palliatifs) et moi pouvons nous joindre à une équipe en réunion de coordination et apporter notre expertise, proposer de la formation ou, dans un cas difficile, seconder un libéral. Le tout de façon pluridisciplinaire et, selon la situation, avec le concours d’une infirmière, un kinésithérapeute, une psychologue, une assistante sociale ou un ergothérapeute. Le domicile nécessite en général une évaluation sociale complexe. »

Sur les 30 000 personnes résidant en Cerdagne, 4 000 sont âgées de plus de 75 ans. « 32 % de celles-ci sont susceptibles d’être concernées par l’EMGSP », selon Carole Thibaut-Jobe, directrice du GCS de Cerdagne. Jusque-là, elles devaient se rendre à Perpignan ou à Montpellier. « Le dispositif permet de formaliser les relations avec le terrain qui étaient déjà fortes, probablement en raison de notre isolement géographique et du climat montagnard. Nous ne prodiguons pas de soins, mais le fait de pouvoir dispenser aux équipes et aux aidants une formation sur l’accompagnement adapté, aux infirmières sur un soin technique, ou que l’assistante sociale et l’ergothérapeute interviennent, permet souvent un retour à domicile après un passage aux urgences. Lors d’une aggravation, cela peut aussi éviter les refus de soins de patients ne voulant pas être hospitalisés », détaille Sylvie Puig, infirmière coordinatrice de l’équipe. À l’heure actuelle, une douzaine de patients ont bénéficié de la gériatrie. « Il faudra probablement deux ans avant que les professionnels de santé ne s’approprient le dispositif et, pour le domicile, le manque de temps est aussi un frein », reconnaît le Dr Johary Razanatsimba.

Un double contexte

L’équipe mobile s’insère dans un contexte particulier. Car, « même si la prise en charge médicale est d’un niveau équivalent, les familles catalanes doivent elles-mêmes assumer le maintien à domicile par manque de dispositif institutionnel. C’est une perte économique mais une richesse sociale », commente Ousmane Ndiayé. Ces différences culturelles et de systèmes de santé de part et d’autre de la frontière, le groupe de travail transfrontalier et pluridisciplinaire, créé en octobre dernier et composé de chercheurs, professionnels de santé, responsables d’établissements (sanitaires, sociaux et médico-sociaux) et de représentants des usagers, s’en est emparé dans le but de fluidifier les parcours de soin et de santé des personnes âgées.

* ProspecTsaso pour Prospective transfrontalière sanitaire et sociale (www.prospectsaso.com) : le projet européen d’étude est piloté par huit entités, dont l’Association Joseph Sauvy, l’Université de Perpignan, l’Institut régional du travail social du Languedoc-Roussillon et, côté espagnol, l’université de Gérone et de Barcelone.