Avis mitigé sur le baclofène - L'Infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 350 du 01/09/2018

 

ALCOOLO-DÉPENDANCE

Actualité

Marie Fuks  

Une nouvelle page s’ajoute au dossier du baclofène avec l’avis de la commission chargée d’évaluer son utilisation : un avis favorable à son usage chez les patients alcoolo-dépendants, mais défavorable à la demande d’AMM telle que présentée par le laboratoire.

LE 3 JUILLET, LA COMMISSION DE L’AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ (ANSM), chargée d’évaluer l’intérêt de l’utilisation du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance, auditionnait le Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) de cette même ANSM, ainsi que les représentants des professionnels de santé et des associations, dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) déposée par le laboratoire Éthypharm. Les conclusions du CSST sur la balance bénéficie-risque du baclofène dans cette indication (1) laissaient augurer d’un épilogue loin d’être à l’avantage du médicament. Pour autant, la commission semble avoir été sensible aux arguments scientifiquement documentés et défendus par les représentants des associations, sur la base de l’expérience des 250 000 patients qui ont essayé ce traitement depuis dix ans.

Au terme des auditions, la commission a ainsi rendu un avis favorable à l’utilisation du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants et un avis défavorable à la demande d’AMM telle que présentée par le laboratoire. Elle propose, entre autres, que l’utilisation de ce médicament puisse se poursuivre après échec des thérapeutiques disponibles, en fixant un objectif de réduction de la consommation d’alcool inférieur ou égal à 40 g par jour pour les hommes et 20 g pour les femmes, en confiant la prise en charge à des spécialistes quand la posologie dépasse 80 mg, et en associant, à la prescription, une prise en charge psychothérapeutique et/ou psychocorporelle et/ou sociale, ainsi qu’un livret de suivi et de promotion du bon usage du baclofène. Des éléments sur lesquels s’appuiera l’ANSM à la rentrée pour prendre sa décision quant à la demande d’AMM.

Entre satisfaction…

Comme le souligne Samuel Blaise, président de l’association Olivier Ameisen (2) et trésorier de l’association Baclofène (3), « il est probable que le laboratoire sera amené à revoir sa copie suite à cet avis ». Mais plusieurs éléments vont dans le bon sens. « Il est très satisfaisant que la commission reconnaisse le bénéfice du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance, note-t-il. Les propositions montrent que la commission est favorable au fait de supprimer la limitation de prescription à 80 mg/jour imposée par la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) en juillet 2017. C’est fondamental pour les patients et c’est ce que revendiquent les associations. »

Elles ont aussi été entendues sur la mise en place du livret de suivi pour favoriser le bon usage du traitement. « Cela va aider le patient à s’approprier son traitement, à noter sa titration, ce qu’il ressent, à suivre ses consommations et prendre conscience qu’il doit être acteur de son traitement, poursuit Samuel Blaise. De même, le fait que la prescription doive être systématiquement associée à un accompagnement psycho-social, voire psychiatrique, est très positif. » Enfin, les associations saluent la visibilité donnée aux échanges enregistrés lors de ces auditions, en libre accès sur Internet (4).

… et réserve

Cela dit, il reste des points sur lesquels les associations n’ont pas été entendues, voire comprises. En particulier sur le fait de réserver aux seuls spécialistes la prescription au-delà de 80 mg/jour. « Cela ne nous convient pas car un addictologue qui n’a pas été formé à la prescription du baclofène est moins bien disposé à le prescrire qu’un généraliste formé, insiste Samuel Blaise. Quelle que soit la spécialité, cette prescription requiert une formation spécifique, et les membres de la commission n’ont, semble-til, pas compris son importance et sa nécessité. Le baclofène n’a rien à voir avec les autres médicaments utilisés dans le traitement de l’alcoolo-dépendance, que ce soit dans ses modalités de prescription, son mode d’administration et ses bénéfices thérapeutiques. Il nécessite une formation théorique et pratique par un médecin prescripteur expérimenté qui, à partir de cas cliniques et avec le soutien de patients experts, puisse transmettre ses connaissances de manière pédagogique et rigoureuse. »

Ces formations en un jour sont dispensées par le Réseau addictions baclofène (Resab). Mais si, comme l’espèrent les associations, de plus en plus de médecins veulent se former à la prescription du seul médicament capable de supprimer le craving(5), il faudra qu’à terme d’autres acteurs de la formation médicale s’emparent de cette formation. Dans l’attente de la décision de l’ANSM d’ici la fin de l’année, la RTU en cours est maintenue.

(1) Conclusions sur le site de l’ANSM (lien raccourci : bit.ly/2mdf3If).

(2) www.o-ameisen.org

(3) www.baclofene.org et le forum www.baclofene.com

(4) Sur le site de Dailymotion, via bit.ly/2wlWxD6

(5) L’action neurobiologique du baclofène est unique en son genre et seule à générer une indifférence à l’alcool.