Soins d’hygiène : patience et bon sens - L'Infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 348 du 01/06/2018

 

Cahier de formation

Savoir faire

En France, 75 % des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer vivent à domicile. Généralement sollicitées pour l’administration de médicaments et les soins d’hygiène, les Idels ont une vision globale de la situation familiale et peuvent repérer les souffrances des aidants. Elles jouent un rôle pivot dans la transmission d’informations au médecin, mais aussi aux auxiliaires de vie et aux aidants.

APPROCHER LA PERSONNE MALADE

Établir une relation avec les personnes atteintes de la MA n’a rien d’évident. « Elles présentent des troubles du langage, des troubles de la reconnaissance des personnes et des situations, d’où parfois des attitudes d’opposition, analyse le Dr Évelyne Laval, responsable de la permanence France Alzheimer à Toulouse. Les Idels sont souvent repérées en tant que telles, ce qui facilite la gestion des situations d’opposition aux soins. » Reste que certains jours, la relation peut être plus difficile. La MA est une maladie très anxiogène. Même chez les personnes les plus calmes, il y a toujours une anxiété latente, une faille qui peut devenir angoisse, agitation, agressivité, si la personne est confrontée à une situation qu’elle ne comprend pas. L’agression que ressent la personne malade peut venir de la manière dont on rentre dans la pièce, le ton de notre voix. Il y a des postures à adopter et notamment durant les soins d’hygiène. « D’abord, il faut toujours entrer très doucement, parler sur un ton uniforme et se nommer tous les jours car la personne peut oublier d’un jour à l’autre, se présenter toujours de face, au même niveau en raison des possibles problèmes d’agnosie visuelle du malade. Il faut faire des phrases simples : sujet, verbe, complément. Donner une seule information à la fois. » Il faut savoir également que les personnes malades sont très sensibles à ce qui les environne. Elles sont particulièrement sensibles à l’impatience, l’énervement et la fébrilité. « Si vous êtes pressée, elles le ressentent immédiatement, ce qui les angoisse aussitôt », prévient le Dr Laval.

PRÉSERVER L’AUTONOMIE

Généralement, lorsque les Idels sont sollicitées pour les soins d’hygiène, c’est que les malades commencent à perdre leur autonomie et présentent des apraxies et agnosies. La personne agnosique ne connaissant plus le maniement des objets qu’elle doit utiliser pour réaliser une action, « il convient d’abord de l’observer pour faire une analyse de la situation », explique Évelyne Laval. A l’exemple d’une personne qui entre dans sa salle de bains, ne sait pas ouvrir le robinet et ne se lave pas. Par contre, l’Idel constate que la personne malade peut voir une brosse et la reconnaître en tant que telle mais ne plus savoir à quoi elle sert.

« L’important n’est pas qu’une personne sache tout faire, mais de repérer ce qu’elle peut faire seule avec une stimulation appropriée, précise la spécialiste. L’idée est d’être juste là pour compenser le maillon faible. Surtout ne pas faire à la place de la personne. » Par exemple, on a repéré qu’elle souhaite se peigner. Premier stade, l’Idel peut stimuler verbalement : « Madame, peut-être pourriez-vous vous peigner ? » Si elle ne sait pas faire, deuxième stade, l’Idel peut lui proposer le peigne. Si, le peigne en main, elle ne sait comme l’utiliser, troisième stade : l’Idel peut lui montrer concrètement le geste à faire pour inciter la personne malade à l’imiter. Et c’est seulement si la personne n’y arrive pas que l’on passe au quatrième stade : l’Idel peut faire à la place de.

« Mais, pour pratiquer ces différents stades de stimulation verbale et gestuelle, il faut prévoir du temps et faire preuve de patience », rapporte le Dr Laval. Difficile pour les Idels qui doivent enchaîner les visites. « Pour autant, ce temps est très important, voire thérapeutique », car il préserve l’autonomie de la personne et lui donne un sentiment d’estime de soi. « En lui laissant un temps où elle va être capable de faire vraiment seule, la personne va retrouver confiance en elle », souligne le Dr Laval. Et pour cause, « pendant très longtemps, les malades savent qu’ils ne savent plus. Bien sûr, les personnes ne diront pas qu’elles ont perdu la mémoire mais elles diront que leur tête est embrouillée. Le terme est banalisé et permet dans la société de ne pas prononcer le nom de cette pathologie taboue. Mais ils ont conscience que “quelque chose” ne va pas ».

AMÉNAGER LA SALLE DE BAIN

Attention au miroir, qui peut être contre-indiqué

L’image perçue dans la glace peut ne pas correspondre à celle que la personne a d’elle-même en mémoire. « Elle peut se reconnaître sur une photo plus jeune, mais ne pas se reconnaître dans un miroir, signale Sophie Auria, psychologue, animatrice de groupe de parole France Alzheimer. Pour d’autres patients, l’image peut perdre son statut d’image et la personne malade peut être effrayée de se retrouver face à une personne qui la regarde fixement. »

Supprimer les objets non utiles

Si la personne prend encore des initiatives sur certaines séquences de la toilette, pour lui faciliter la tâche, on peut lui mettre à disposition seulement les objets dont elle a besoin (la brosse à cheveux et la crème de jour par exemple) et enlever les autres crèmes et autres brosses.

Retirer les obstacles

Retirer les tapis et autres objets qui peuvent augmenter le risque de chute. Avoir une maladie d’Alzheimer ou une autre démence multiplie par trois le risque de chute indépendamment des médicaments prescrits.

Cas pratique

Mme P., 82 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer. Elle vit dans un studio en foyer-logements. Sa fille vous a sollicitée pour la prise quotidienne des médicaments et la “toilette”. Mme P. s’habille seule mais a besoin d’aide pour se laver. Sous traitement antidépresseur depuis que la maladie a été diagnostiquée, elle présente des troubles du langage, des apraxies et agnosies. Elle est parfois très agressive au moment des soins d’hygiène.

Veillez à venir tôt le matin avant que Mme P. n’ait pris l’initiative de s’habiller. Au moment de la douche, il est important de détourner son attention en cherchant à lui rappeler des souvenirs qui lui sont agréables.

Simplifiez-lui la tâche en lui ouvrant et en réglant l’eau de la pomme de douche, en lui proposant un gant, du savon, une serviette. Puis vous la laissez se laver seule.

Conseil

Valoriser le soin

Le but est de quitter le patient sur un sentiment positif qui peut être retenu par la mémoire émotionnelle, mémoire des émotions et de l’ambiance affective, qui persiste tant que dure la vie. Ce qui permet un abord du soin suivant plus simple car mieux accepté par le patient. Le soignant peut valoriser le patient, la rencontre et le soin par des propos positifs : « vous avez été très agréable », « la douche vous a fait du bien », etc. La prise de rendez-vous pour le prochain soin fonctionne bien même si cela semble un peu “mystérieux” au vu des troubles mnésiques du patient.

Point de vue

« Faire preuve d’imagination »

Marie-Thérèse Gaillard, cadre de santé, directrice d’Ehpadà la retraite

« Plutôt que de dire “on va faire la toilette”, il vaut mieux utiliser une formulation plus rassurante, comme “je vais vous aider à vous laver”. Si la personne malade commence à paniquer, surtout penser à faire diversion. En chantant par exemple, ce que je faisais assez souvent, ou en lui parlant de son passé, de son enfance, de ses enfants… En l’appelant par son “petit nom”… Il faut faire preuve d’imagination, de créativité. Inventer. Enfin, même si l’on apprend qu’il faut toujours nettoyer du plus propre au plus sale, ne pas commencer la toilette par le visage. C’est trop brutal. Débuter par les pieds et les mains. Et si la personne ne veut absolument pas faire la toilette, ne jamais l’obliger. Reporter à un autre moment de la journée ou au lendemain. »