La cystite de la femme - L'Infirmière Libérale Magazine n° 347 du 01/05/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 347 du 01/05/2018

 

Infectiologie

Cahier de formation

Point sur

Nathalie Belin  

Au cours de leur vie, un tiers des femmes souffrent au moins une fois d’une infection urinaire. Se manifestant par une pollakiurie, des mictions impérieuses et/ou des brûlures ou douleurs à la miction, la cystite aiguë, infection bactérienne de la vessie, est particulièrement fréquente.

Pour comprendre

→ L’appareil urinaire est normalement stérile (sauf extrémité distale de l’urètre). Une diurèse suffisante et des vidanges régulières et complètes de la vessie constituent des moyens naturels de défense.

→ Les principales bactéries en cause dans les cystites proviennent de la flore fécale : E. coli (70 à 95 % des cas), Proteus et klebsielles. Staphylococcus saprophyticus est retrouvé chez la femme jeune (entre 15 et 30 ans). Les germes colonisent le vagin puis remontent le long de l’urètre et se multiplient dans la vessie en adhérant à la muqueuse. On parle de pyélonéphrite si l’infection atteint les voies urinaires hautes (uretère) et le parenchyme rénal.

→ La présence de bactéries dans les urines ne signifie pas systématiquement « infection ». Si la patiente est asymptomatique, on parle de colonisation urinaire (ou bactériurie asymptomatique, plus fréquente chez les personnes âgées). En dehors de la grossesse, il n’y a pas lieu de dépister ni de traiter une colonisation urinaire car elle évolue rarement vers une infection urinaire.

Signes cliniques

→ La cystite aiguë se manifeste par au moins un des signes suivants : pollakiurie (mictions fréquentes mais souvent peu abondantes), mictions impérieuses (besoin urgent d’uriner) et/ou brûlures et douleurs à la miction. La présence d’une hématurie (30 % des cas) ne constitue pas un signe de gravité. Il n’y a ni fièvre ni douleurs lombaires, à la différence de la pyélonéphrite.

→ Les cystites aiguës récidivantes sont définies par la survenue d’au moins quatre épisodes de cystite pendant douze mois consécutifs. Elles concernent environ 20 à 30 % des patientes ayant présenté une cystite aiguë. Chez la femme jeune, l’activité sexuelle est le facteur favorisant le plus souvent retrouvé. Sont également incriminés l’utilisation de spermicides, une première infection urinaire avant 15 ? ans, des antécédents maternels de cystites et l’obésité. Chez la femme ménopausée, un prolapsus vésical, une incontinence urinaire et les modifications de la flore vaginale commensale liées à l’hypoestrogénie sont des facteurs favorisants.

→ On distingue les cystites aiguës simples des cystites à risque de complication. Ces dernières surviennent chez des patientes ayant au moins un facteur de risque susceptible de rendre l’infection plus grave et le traitement plus complexe (voir tableau page suivante). Le diabète, même insulinodépendant, n’est pas un facteur de risque de complication bien que les infections urinaires soient plus fréquentes en cas de diabète.

Évolution

→ En l’absence d’antibiothérapie, une cystite aiguë simple évolue vers la guérison dans 25 à 45 % des cas. Une cystite aiguë à risque de complication peut plus fréquemment évoluer vers une pyélonéphrite ou récidiver.

→ La grossesse est une situation à risque d’infections urinaires (facteurs anatomiques et hormonaux) et de complications associées. 20 à 40 % des colonisations urinaires gravidiques se compliquent d’une pyélonéphrite qui peut avoir des conséquences graves (fausse couche, retard de croissance intra-utérin, accouchement prématuré). Un dépistage par bandelette urinaire est donc recommandé chaque mois, dès le 4e mois de grossesse ; en cas de positivité, un ECBU est indiqué.

→ Invalidante, la cystite récidivante est toutefois le plus souvent prise en charge efficacement par un traitement médical et le suivi de règles hygiéno–diététiques.

Diagnostic

→ En cas de cystite simple, le diagnostic est établi devant des signes cliniques évocateurs et une bandelette urinaire (voir Glossaire) positive. Sans pathologie gynécologique associée (prurit, pertes vaginales), cette association est suffisante pour établir le diagnostic.

→ En cas de cystite à risque de complication, l’ECBU est indiqué. La bandelette urinaire n’est qu’une aide au diagnostic.

→ En cas de cystite récidivante, un ECBU n’est réalisé que pour les premiers épisodes afin de connaître le profil de sensibilité des bactéries aux antibiotiques. Par la suite, une bandelette urinaire positive peut permettre à la patiente de déclencher elle-même son traitement.

→ Examens complémentaires : ils sont indiqués ou discutés dans les cystites à risque de complication, ou récidivantes chez la femme ménopausée (échographie des voies urinaires, mesure du résidu post-mictionnel, débitmétrie urinaire, uroscanner…).

Prise en charge

Antibiothérapie

→ En cas de cystite simple, un traitement monodose par fosfomycine est indiqué en première intention.

→ En cas de cystite à risque de complication, l’antibiothérapie sur cinq ou sept jours est adaptée aux résultats de l’antibiogramme.

→ En cas de cystite récidivante, le traitement est identique à celui d’une cystite simple en excluant la nitrofurantoïne (effets indésirables hépatiques et pulmonaires majorés par des prises répétées). Un traitement prescrit et auto-administré est possible chez les patientes éduquées. Si les récidives sont très fréquentes (au moins une par mois), une antibioprophylaxie continue sur six mois ou plus peut être indiquée.

Autres mesures

→ Chez la femme ménopausée, la correction locale de la carence œstrogénique limite le risque de récidive.

→ Canneberge (ou cranberry, Vaccinium macrocarpon) : elle est préconisée dans les dernières recommandations en prévention des cystites récidivantes à E. coli. En pratique, elle peut aussi être essayée, associée à une bonne hydratation, pour enrayer une cystite débutante sans facteur de risque de complication. Il faut vérifier que le produit apporte bien au moins 36 mg par jour de PAC A (proanthocyanidine de type A, molécule active s’opposant à l’adhésion d’E. coli à la paroi vésicale). Exemples : Cys-Control, Urisanol, Gyndelta Cranberry, Urell, Monurelle, Cranberry Gifrer… Prudence sous AVK : des augmentations de l’INR et des hémorragies ont été observées. L’utilisation au cours de la grossesse pour prévenir une infection urinaire est possible.

→ Plantes et huiles essentielles (bruyère, busserole, pissenlit, sarriette, arbre à thé, thym…) : souvent associées à la canneberge pour potentialiser l’action anti-infectieuse urinaire, elles peuvent être essayées en cas de cystite simple débutante. Exemples : Cys-Control Flash, Gyndelta Flash, Cystirégul Plus, Urisanol Flash, Acygil… Ces plantes sont contre-indiquées durant la grossesse. L’extrait de propolis, antibactérien, aurait également une action intéressante en association à la canneberge (Duab).

→ Probiotiques. L’apport de lactobacilles, par voie vaginale notamment (MediGyn, BactiGyn, MycoRess…), semble intéressant chez des patientes soufrant de cystites récidivantes.

→ D-mannose. Un apport exogène de ce sucre contribue à fixer les bactéries E. coli, réduisant ainsi leur adhérence à la muqueuse vésicale (Femannose, Cys-Control Fort…).

Conseils

→ Une consultation médicale s’impose sans tarder en cas de risque de complications de l’infection : immunodépression, grossesse, reflux vésical connu, présence de fièvre et/ou de douleurs lombaires évoquant une pyélonéphrite.

→ Dès les premiers symptômes : boire suffisamment pour assurer des mictions régulières (5 ou 6 par jour) qui limitent la multiplication bactérienne. Pour soulager les douleurs, la prise d’AINS peut être recommandée dans une cystite simple mais pas dans une cystite à risque de complication sans couverture antibiotique (risque de dissémination de l’infection).

→ En prévention des récidives : boire suffisamment, réguler des troubles du transit (constipation notamment) qui modifient la flore intestinale, éviter les pantalons trop serrés et les sous-vêtements synthétiques.

→ Recueil des urines. Pour la réalisation d’une bandelette urinaire : prélèvement du 2e jet dans un récipient propre et sec sans toilette préalable puis trempage de la bandelette dans le flacon (ne pas uriner directement dessus : source d’erreur). En vue d’un ECBU : prélèvement à effectuer au moins quatre heures après une miction (pour un temps de stase suffisant). Recueil du 2e jet d’urine dans un flacon stérile après toilette de la région vulvaire et urétrale (savon, Dakin), puis séchage (des traces de savon ou d’antiseptiques faussent les résultats). à apporter dans l’heure au laboratoire ou conserver au réfrigérateur au maximum douze à vingt-quatre heures.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Glossaire +

Bandelette urinaire

Elle détecte les leucocytes (témoins de l’inflammation) et les nitrites (synthétisés par les bactéries). Une bandelette urinaire est négative si les deux paramètres sont négatifs ; elle est positive si l’un des deux paramètres est positif.