Un modèle hollandais importé en France - L'Infirmière Libérale Magazine n° 346 du 01/04/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 346 du 01/04/2018

 

ORGANISATION DES SOINS

Actualité

Laure Martin  

Fondée il y a deux ans, l’association Soignons humain* cherche à promouvoir un nouveau modèle d’organisation des soins et d’accompagnement à domicile, inspiré d’une initiative hollandaise. Explications avec Chrystèle Lemanet et Mathieu Nochelski, membres du conseil d’administration, cadres infirmiers et cadres de santé.

Comment fonctionne le modèle Buurtzorg mis en place aux Pays-Bas ?

Aux Pays-Bas, le mode d’exercice libéral infirmier n’existe plus. Toutes les infirmières sont devenues salariées au sein de structures similaires aux maisons de santé. Un ancien infirmier libéral, Jos de Blok, et son épouse, également infirmière, ne se sont pas retrouvés dans ce modèle qui prône la course à l’acte. Avec deux autres confrères, ils ont réfléchi à un modèle et ont créé Buurtzorg, c’est-à-dire « soins de proximité ». L’objectif est de recentrer l’offre de soins autour d’une prise en charge globale du patient, de lui donner plus d’autonomie, tout en privilégiant le bien-être des infirmières.

Pourquoi vouloir le mettre en place en France ?

En France, les professionnels de santé souffrent dans l’exercice de leur métier. L’exercice à domicile, notamment en libéral, est souvent isolé. Les Idels subissent le manque de temps avec leurs patients et la relation avec eux en pâtit. Nous voulons donc proposer un nouveau modèle qui repose sur un travail en équipe auto-déterminée et sur la réflexivité puisque les infirmières s’interrogent sur ce qu’elles font, de quelle manière, pourquoi est-ce utile aux patients, à l’équipe. Nous sommes dans le prendre soin de façon globale, c’est-à-dire de soi-même, du patient, de l’équipe, etc.

Comment importer ce modèle ?

Nous composons avec ce qui existe en France. Nous avons pris pour modèle des centres de soins infirmiers associatifs. Actuellement, nous avons trois équipes actives sur le terrain, dans le Nord de la France, composées de trois à quatre infirmières chacune. Deux équipes ont débuté en octobre 2017 et une en janvier 2018. Ces infirmières sont salariées de Soignons humain. Ce sont elles qui prennent l’entière décision de la création du centre de santé. Elles effectuent une étude de territoire. L’objectif n’est en aucun cas d’entrer en concurrence avec des Idels ou des centres de santé déjà existants. Elles travaillent ensuite au projet de santé, qui est déposé à l’Agence régionale de santé. C’est elle qui donne son accord pour l’installation de l’équipe. Les infirmières élaborent alors le règlement intérieur et recherchent un local qui est loué par l’association ; ce qui ne serait pas le cas pour une équipe composée d’infirmières libérales. L’équipe de l’association assure l’accompagnement et le coaching des infirmières sur leur sollicitation.

Quel est le statut des infirmières ?

Actuellement, les infirmières des trois équipes sont salariées de l’association. [Elles perçoivent pour dix ans d’ancienneté et trente-cinq heures par semaine un salaire de 2 000 € net par mois, NDLR]. Mais notre modèle s’adresse aussi aux Idels qui cherchent un mode d’accompagnement pour travailler en équipe, instaurer plus de coopération dans leur territoire et redonner un rôle essentiel à l’infirmière en tant que coordinatrice de l’équipe pluriprofessionnelle.

Comment est pris en charge le patient ?

Comme pour n’importe quel type de soins infirmiers, il doit avoir une prescription médicale. Nous sommes dans une prise en charge globale avec des soins de nursing, des soins techniques, des injections, des prises en charge palliatives, des soins lourds, complexes et chroniques. Nous effectuons aussi de la coordination ville-hôpital.

Sur quoi repose le modèle financier ?

Les infirmières sont salariées mais nous appliquons la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et le tiers payant généralisé. L’objectif le plus compliqué à atteindre est de parvenir à l’équilibre financier car dans ce modèle, les infirmières passent le temps qu’elles estiment nécessaire avec le patient, peu importe la cotation de l’acte. La notion de temporalité est très importante. Au Pays-Bas, l’expérimentation a permis de faire évoluer la tarification vers des forfaits pour la prise en charge globale du patient. Nous aimerions nous aussi parvenir à faire progresser le mode de rémunération en France, vers une tarification plus juste du travail des infirmières, notamment des libérales.

* Le groupe de protection sociale AG2R La Mondiale, le département du Nord, la fondation Macif et la Métropole de Lille ont contribué au financement d’amorçage de l’association, en plus des cotisations des membres.