EHPAD : Les Idels en renfort ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 345 du 01/03/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 345 du 01/03/2018

 

Actualité

Sandra Mignot  

Proposer le soutien des infirmiers libéraux dans les Ehpad : c’est l’idée de la Fédération nationale des infirmiers. Une solution loin de faire l’unanimité.

Après la grève générale dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à laquelle la Fédération nationale des infirmiers (FNI) a exprimé son soutien, le syndicat propose que les infirmières libérales puissent intervenir dans ces établissements de soin afin de contribuer à la prise en charge. « La FNI rappelle que les infirmières et infirmiers libéraux ont naturellement vocation à intervenir dans les Ehpad et qu’ils pourraient utilement concourir à renforcer les équipes salariées dans la prise en charge des patients âgés polypathologiques ou en soins palliatifs », précise le communiqué de presse.

Ne manque pour cela qu’un arrêté définissant le contrat-type permettant de formaliser cette collaboration. En effet, depuis 2010, la signature d’un tel document entre professionnels libéraux et directeurs d’Ehpad est obligatoire. Mais seul l’arrêté concernant les médecins et masseurs-kinésithérapeutes est paru à ce jour. Le formulaire concernant les Idels n’existe pas. « Pour autant, il y a encore des consœurs qui suivent des patients en Ehpad, observe Élisabeth Maylié, présidente de l’Onsil (Organisation nationale des syndicats d’infirmières libérales). Notamment la nuit ou le week-end, quand les salariées n’y sont pas. Même si cela se fait moins beaucoup moins qu’avant, car beaucoup de résidants délèguent le choix de leur praticien, parfois involontairement, à la direction d’établissement. »

« Pourquoi pas, mais temporairement »

« Faire intervenir des libérales en Ehpad ? Pourquoi pas, mais temporairement », propose de son côté Hélène Gayraud, cadre de santé en Ehpad dans la région toulousaine, après avoir été longtemps Idel. « Quand nous avons des soins compliqués, actuellement, on nous demande de faire appel à l’hospitalisation à domicile, ce qui est très coûteux. Mais le libéral ne peut pas représenter une solution pérenne. Mieux vaudrait augmenter nos budgets, ajouter une infirmière et une aide-soignante dans chaque établissement, afin d’assurer la continuité des soins et la bonne relation avec les patients… » Et la cadre de rappeler : « J’ai beaucoup travaillé dans les Ehpad, en libéral, jusqu’au début des années 2000. Puis on a médicalisé ces établissements, inventé les conventions tripartites, et on nous a mis dehors, pour certaines d’entre nous du jour au lendemain. Alors bon, nous y remettre maintenant… »

Du côté du Sniil, on s’inquiète également du rôle que pourraient jouer les Idels et pendant combien de temps. « Nous n’adhérons pas à l’idée de jouer les variables d’ajustement, le temps que le problème soit réglé, précise John Pinte, vice-président du Sniil. Intervenir ponctuellement, auprès de patients que nous ne connaissons pas et pour faire quoi ? Qu’adviendrait-il de nous, si les pouvoirs publics finissent par entendre les équipes qui demandent des postes ? » Surtout, le syndicat s’interroge sur le besoin précis dans les Ehpad : « Est-ce un manque d’infirmières ou un manque d’aides-soignantes ? Dans le deuxième cas, je ne vois pas comment des Idels pourraient suppléer à l’absence d’aide-soignantes. »

Élisabeth Maylie se dit par ailleurs un peu gênée par la démarche. « C’est comme si on voulait sa-per la grève des professionnels en Ehpad, alors qu’ils ont de bonnes raisons pour la faire, explique-t-elle. Et c’est pourquoi nous n’avons pas embrayé sur cette proposition. » Est-ce là une raison pour laquelle, malgré nos sollicitations, l’Association des directeurs au service des personnes âgées, pourtant partenaire de la grève du 30 janvier, n’a pas souhaité s’exprimer sur la proposition de la FNI ?

Sur le web, des libérales arguent qu’elles sont déjà surchargées de travail (lire aussi p. 3). « Mais ce n’est pas le cas partout, corrige Philippe Tisserand, président de la FNI. Il y a des zones sur lesquelles elles sont trop nombreuses. Et puis rien ne dit que le volume d’activité qu’elles ont aujourd’hui sera garanti demain. De plus en plus de prestataires de santé salarient des infirmières pour le suivi de chimiothérapies à domicile par exemple. Et d’autres soins sont appelés à évoluer. » La FNI a donc demandé à la ministre de la Santé de « prendre en considération cette proposition pragmatique et immédiatement efficace. »

Articles de la même rubrique d'un même numéro