L’URPS veille au grain - L'Infirmière Libérale Magazine n° 343 du 01/01/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 343 du 01/01/2018

 

FINANCEMENT DE PROJET

Votre cabinet

Annabelle Alix  

Une URPS peut financer un projet pour améliorer la prise en charge des patients s’il entre dans le champ de ses priorités, et si le dossier est bien ficelé. Témoignages et analyse.

Répondre aux besoins du territoire

Une Union régionale des professionnels de santé (URPS)-infirmiers peut financer, sur son territoire, un projet présenté par une Idel, à condition qu’il entre dans le champ de ses priorités, « qu’il valorise la profession et qu’il démontre une plus-value par rapport à la prise en charge existante », énumère Jean-Pierre*, élu dans une URPS.

« Chaque projet qui nous est soumis est étudié en bureau. Nous décidons de le suivre ou pas en fonction de son intérêt, du lien avec le projet régional de santé (PRS), de la faisabilité, de l’implication des élus », précise Marie-Odile Guillon, présidente de l’URPS-infirmiers des Hauts-de-France. L’instance finance les seuls dossiers entrant dans le périmètre de ses attributions. Celles-ci concernent notamment la mise œuvre du PRS, l’analyse des besoins, de l’offre de soins, l’organisation de l’exercice professionnel, les actions sur les soins, la prévention, la promotion de la santé, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) ou encore les systèmes partagés de communication et d’information.

Chaque URPS détermine des axes prioritaires en fonction des besoins de son territoire et du PRS défini avec l’Agence régionale de santé (ARS), consultable sur le site Internet de chacune des dix-sept ARS.

Travail et patience

Certains projets proposés aux URPS concernent l’ETP. En effet, les Idels se forment en nombre dans ce domaine, mais la nomenclature ne prévoit pas de libellé spécifique pour cette activité. Des professionnels fondent donc une structure (par exemple une association) avant de solliciter leur ARS et/ou leur URPS pour obtenir une aide financière. En cas d’accord, le budget global est versé sur le compte de l’association. Les professionnels se rémunèrent en lui facturant leurs activités d’ETP.

Carole*, Idel, a ainsi monté un projet d’ETP pour le diabète de type 2 avec d’autres professionnels du soin et de la santé. « En travaillant avec d’autres métiers, on comprend mieux les problématiques et les besoins de chacun. Les échanges font tomber les tabous entre professions. Ils permettent de prendre en considération des éléments auxquels nous n’aurions pas pensé seuls, et ainsi de mieux coordonner la prise en charge. » Un dossier ne se construit pas en un jour. La constitution des pièces à transmettre à l’URPS ou, dans le cas de Carole, à l’ARS (qui a effectivement accordé une subvention), demande un travail ardu et de la méthode, mais aussi patience et persévérance. Elle se compte parfois en années. « Le cahier des charges à respecter est très complexe, confie Carole. Il faut être très motivé, ne pas se décourager quand on nous demande d’apporter toujours plus de précisions, de revoir tel ou tel point… »

Autre exemple : Florence* et une quinzaine d’autres infirmiers se sont, eux aussi, lancés dans une démarche d’éducation thérapeutique du patient, sollicitant un financement de 10 000 euros environ auprès de leur URPS. De la création de l’association à la rédaction du document (incluant la théorie sur les pathologies concernées, les formulaires de consultation, etc.), en passant par les temps de réunion et de coordination, le travail à fournir a été colossal.

Bien s’entourer

Pour la marche à suivre, le groupe de Florence a fait appel à une infirmière experte en ETP. « Elle nous a aidés à établir un plan d’action et nous a fait profiter de son réseau de contacts, explique Florence. Le démarrage du projet et la mise en relation avec l’URPS en ont été facilités. » L’Idel évoque des échanges plutôt prometteurs avec l’URPS et deux rencontres avec ses élus, pendant un an de travail assidu.

Carole et ses partenaires, eux aussi, ont fait appel à une aide extérieure pour mener à bien leur projet  : « Il est nécessaire d’être bien entouré. La procédure requiert un savoir-faire particulier. Un interne en médecine, détaché auprès de notre association dans le cadre de sa thèse, a fourni une grande partie de ce travail. Et heureusement, des personnes de l’ARS et de l’URPS se tiennent à notre disposition pour nous guider. »

Pas de financement systématique

En pratique, le temps passé par le porteur du projet à construire un dossier et la qualité de son contenu ne garantissent pas pour autant l’obtention d’un financement auprès de son URPS. Ainsi, « des infirmiers d’Auvergne-Rhône-Alpes, de PACA ou d’Occitanie m’ont déjà contacté après avoir proposé à leur URPS des candidatures pertinentes, bien construites, en phase avec les priorités régionales, parfois même soutenues par l’ARS, qui ont été refusées », s’indigne Jean-Pierre.

Une fin de non-recevoir potentiellement liée, entre autres raisons, au budget du projet, jugé trop élevé en termes de mise en œuvre… ou due à un simple manque d’adhésion. « Certains élus de notre URPS étaient vraisemblablement peu formés sur le sujet et ne voyaient même pas l’intérêt des projets d’ETP pour les patients et la profession, estime Florence. De tels retours sont peu encourageants pour le développement des pratiques infirmières avancées… »

Jean-Pierre avance une autre hypothèse. Dans certaines régions, « la priorité est volontairement donnée à des projets innovants très onéreux, sur la base de critères d’intérêt personnel ou commerciaux ». Attention, sujet sensible… Certains dossiers se heurteraient même à des considérations politiques.

Des refus controversés

Les raisons avancées par les URPS en cas de refus ne convainquent pas toujours. Florence indique ne pas avoir reçu de motif écrit. « Officiellement, pas de raison sérieuse à ce rejet », avance l’Idel. Plus officieusement, « certains élus se sont ligués contre notre experte, invoquant ses responsabilités ordinale et associative, arguant qu’il y avait des conflits d’intérêts et des risques de récupération du projet, rapporte Florence. Un syndicat était prêt à accepter le projet, à condition de le reprendre à son nom ».

De son côté, la présidente de l’URPS concernée évoque d’autres arguments à l’appui du refus : « Nous privilégions le financement d’expérimentations qui pourront être pérennisées et étendues. Ce projet ne concernait qu’une vingtaine d’infirmières, sans possibilité d’en inclure davantage. Par ailleurs, il n’impliquait aucune autre profession, alors que la pluri-professionnalité des actions est une priorité définie par notre ARS. » Une explication qui laisse Florence dubitative : « D’une part, les médecins prenaient part au projet. D’autre part, l’expérimentation portait sur peu d’infirmières afin de pouvoir se satisfaire d’un budget réduit, mais l’idée était ensuite de la généraliser, nous en avions parlé… »

Une faible information

Il semble que plusieurs URPS préfèrent initier leurs propres projets plutôt que de jouer les financeurs pour des projets que leur feraient remonter des Idels. Dans les Hauts-de-France, par exemple, aucun projet n’a, à ce jour, été proposé par des infirmières. Celles-ci sont-elles suffisamment informées de la possibilité de le faire ? Les projets émanent tous des élus. Libre aux infirmières d’y participer. Quelques URPS-infirmiers communiquent davantage en pratiquant l’appel à projet. Ce fut le cas en 2016 en Normandie. En Occitanie, la démarche remonte à 2014. Elle n’a jamais été réitérée à ce jour.

* Prénom modifié afin de préserver l’anonymat.