Un Idel et un biologiste innovent - L'Infirmière Libérale Magazine n° 342 du 01/12/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 342 du 01/12/2017

 

PRÉLÈVEMENTS DE BIOLOGIE MÉDICALE

Actualité

Laure Martin  

Pour faciliter le transport des prélèvements de biologie médicale des patients et s’assurer de leur qualité, un infirmier et un biologiste des Hauts-de-France, aidés d’un ingénieur, ont inventé deux dispositifs uniques au monde : la BioBox et un système de traçabilité.

Chocs thermiques, erreurs d’acheminement, temps perdu : du prélèvement au transport, les aléas rencontrés par les échantillons de biologie médicale sont nombreux.

« En milieu rural ou lorsque les professionnels de santé sont éloignés d’un cabinet de biologie médicale, rien n’est fait pour faciliter l’acheminement des prélèvements », explique Carlo Fantini, Idel à Courrières (Pas-de-Calais). Il sait de quoi il parle. Soignant depuis une trentaine d’années avec cinq autres infirmiers, « [il a] un important potentiel de prélèvements quotidiens, pouvant parfois aller jusqu’à 20 bilans sanguins », indique-t-il. En l’absence de laboratoire de biologie médicale (LBM) dans la petite ville, ils doivent régulièrement parcourir 10 km aller-retour pour apporter les prélèvements au LBM. Voici deux ans, Philippe Schmitt, biologiste, et Carlo Fantini ont commencé à réfléchir à une solution pour faciliter l’acheminement. Avec l’aide d’un ingénieur, Philippe Binet, ils ont créé la BioBox, une borne automatique réfrigérée qui remplit les fonctions d’une boîte aux lettres dans laquelle les échantillons peuvent être déposés en toute sécurité. En cours de développement, elle pourrait être installée dans l’espace public des communes, dans les cabinets médicaux, les maisons de santé ou les pharmacies. Fini les nombreux trajets jusqu’au LBM. La borne sera dotée de capteurs permettant, lorsque des prélèvements seront déposés, d’informer automatiquement le laboratoire, qui viendra les chercher. La BioBox répond à des normes européennes de protection et de sécurité des personnes, ainsi qu’à des normes anti-vandalisme - un badge sera nécessaire pour l’ouvrir. « Nous n’avons pas besoin de répondre à des normes médicales car cette technologie pourrait être utilisée dans d’autres domaines », fait savoir Carlo Fantini. Au premier trimestre 2018, une série de bornes va être testée dans six endroits encore indéfinis. L’objectif étant, à terme, de couvrir l’ensemble du territoire.

Garantir la qualité des prélèvements

Au-delà de la problématique du transport, les deux amis ont souhaité améliorer la traçabilité des échantillons. Depuis 2013, les LBM ont l’obligation d’être accrédités pour garantir la fiabilité des examens réalisés et la qualité de la prestation médicale. « Cette norme s’applique à l’intérieur des laboratoires, mais pas à l’extérieur car il n’existe tout simplement pas d’outil, explique l’infirmier. Pour nous qui souhaitons faire du travail de qualité, c’est un obstacle. » Lorsqu’un Idel effectue un prélèvement, il peut parfois se passer plusieurs heures avant qu’il ne soit déposé au laboratoire. « On parle de norme qualité alors qu’il n’existe aucune traçabilité pour connaître l’heure du prélèvement et les conditions de sa conservation, rapporte Carlo Fantini. Pourtant, la durée d’attente altère sa qualité. » Les deux amis ont donc inventé un système de traçabilité unique au monde, via un système de puce RFID (puce électronique à radiofréquence) apposée directement sur les kits. L’infirmier aura un dispositif électronique à sa disposition permettant d’enclencher le processus de traçabilité. Un émetteur transmettra régulièrement à la puce des informations sur la conservation du prélèvement et les variations de température. « Nous serons assurés que la matière première est conservée dans de bonnes conditions et que sa qualité n’est pas affectée, précise Carlo Fantini. Lorsque les bilans arriveront au laboratoire, la technicienne passera la puce sous un scanner pour lire les informations de conservation. »

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• Pour construire leur projet, Philippe Schmitt et Carlo Fantini ont mis la main à la poche, avant de se tourner vers des fonds d’innovation. Passés par le bio-incubateur Eurasanté, ils ont obtenu 800 000 euros d’investissement avec le soutien de la Région, de la Banque publique d’investissement et de la Métropole européenne de Lille. Aujourd’hui, ils ont déposé deux brevets internationaux pour leurs innovations et poursuivent leur développement.