Irma, l’ouragan qui a tout emporté - L'Infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

APRÈS LA CATASTROPHE…

Actualité

Françoise Vlaemÿnck  

Libérales installées de longue date à Saint-Martin, Isabelle Noël-Ragon et Marie-Claire Schmitt, qui partagent le même cabinet, sont sur le pont depuis que l’île a été frappée par l’ouragan Irma début septembre. Témoignages.

Ouragan de catégorie 5, niveau le plus élevé, Irma, qui a traversé les Caraïbes le 5 septembre dernier, a tout balayé sur son passage avec des vents à plus de 300 km/h et des rafales dépassant les 350 km/h. À Saint-Martin, île franco-hollandaise, à deux heures de vol de la Guadeloupe, 95 % des bâtiments ont été touchés et, parmi eux, 30 % ont été totalement détruits, selon le bilan des autorités. Officiellement, le “super cyclone” a fait une vingtaine de morts dans la partie française, mais quelque 200 personnes sont toujours portées disparues. Installée à Orient Bay au nord-est de l’île, Isabelle Noël-Ragon a encore un toit sur la tête ; en revanche, trois semaines après Irma, son quartier reste sans eau courante et sans électricité, et elle vient tout juste de récupérer sa voiture, qui était inutilisable, et « un peu de réseau téléphonique ». « Au lendemain d’Irma, ma priorité a été de retrouver mes patients. Sans téléphone, cela a été un vrai jeu de piste pour savoir qui était où. Les premiers jours ont été très chaotiques, on donnait des soins au bord de la route à tous ceux qui en avaient besoin : sutures, pansements, enfants malades… avec pour objectif de ne pas engorger l’hôpital endommagé par la tempête et seul endroit où l’on pouvait se procurer des médicaments. On ne pouvait pas non plus contacter les collègues. La seule façon de communiquer et d’échanger des informations était de se croiser sur les routes… » Sur le pont depuis trois semaines, Isabelle Noël-Ragon note un peu d’amélioration avec la réouverture depuis le 20 septembre de quelques pharmacies et de plusieurs cabinets de médecins. « J’ai une patiente sous oxygène qui alterne le branchement du concentrateur, du ventilateur et du frigo, car le générateur n’est pas assez puissant pour tout supporter en même temps… »

« Chapeau aux Idels ! »

Des milliers de personnes n’ont plus rien. La maison de Marie-Claire Schmitt, située à Sandy-Ground, langue de terre entre l’océan et le lagon, n’a pas résisté à l’ouragan. Sa voiture également a été “cyclonée”. La veille de la catastrophe, l’infirmière était partie se réfugier dans un immeuble en béton qui n’a pas trop souffert de la tempête et où le réseau GSM n’a jamais cessé de fonctionner. Une chance inouïe qui lui a permis de relayer des informations et des photos par SMS, que sa fille installée à Lyon “postait” sur sa page Facebook pour rassurer les familles sans nouvelle de leurs proches, parfois depuis plusieurs jours. « Comme tous les collègues, j’ai sillonné l’île à pied et en stop à la recherche de mes patients et avec la volonté de faire circuler les nouvelles. Grâce aux jeunes, j’ai fait des kilomètres en scooter et pu atteindre des endroits quasiment inaccessibles pour aller porter des médicaments, de l’eau, prodiguer des soins. Dans ce chaos total, je retiens une formidable solidarité, et je tire mon chapeau aux Idels partis mettre leur famille à l’abri en Guadeloupe et qui sont revenus avant l’ouragan pour répondre présent ! »

Depuis quelques jours, Marie-Claire Schmitt a pu louer une voiture pour reprendre son travail, mais les routes étant en très mauvais état et souvent bloquées par les engins de déblaiement, il lui faut désormais une bonne journée pour sa tournée qu’elle faisait en une demi-journée. Impossible aussi de trouver des pneus et des bombes anti-crevaison… « On fait avec. Ce n’est rien par rapport à la situation de milliers de personnes qui n’ont plus rien », dit-elle sobrement. Dans l’immeuble où elle s’est réfugiée, elle a ouvert, avec l’aide d’un médecin et d’un pharmacien, un dispensaire de fortune ou l’on soigne aussi bien les bobos que les plaies de l’âme. « Beaucoup de gens sont dépressifs depuis Irma », dit-elle. Marie-Claire Schmitt avoue « craquer » aussi régulièrement. En manière de thérapie, elle a choisi d’être sur le terrain auprès des plus démunis. Engagée auprès de Saint-Martin santé, association dédiée à l’éducation thérapeutique des personnes diabétiques, elle distribue des dons collectés par l’association. Partir, elle n’y songe même pas. « Notre île, on va la reconstruire, et elle sera encore plus belle qu’avant ! »