Du marathon à la nutrition, il n’y a qu’une foulée - L'Infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

HYGIÈNE DE VIE

Sur le terrain

Enquête

Laure Martin  

Depuis cinq ans, Emmanuelle Augé-Davesne, infirmière libérale, a complètement réorganisé sa vie autour de ses deux nouvelles passions : la course à pied et la nutrition.

« Nous allons commencer par faire des chocolats pour le dessert », lance Emmanuelle à la dizaine de participants de son atelier nutrition sur la perte de poids et l’équilibre alimentaire, qu’elle organise à Reims (Marne) avec le cuisinier Maxime de Luca. Surprenant, pour un atelier sur la perte de poids ? Pas vraiment. « Les ateliers nutrition servent à communiquer et à sensibiliser à la nutrition, explique-t-elle. Car, pour perdre du poids, il faut surtout penser à rééquilibrer son alimentation sur la semaine. » Au cours de ces ateliers, les participants cuisinent ensemble des recettes pensées par Emmanuelle, avant de passer à table. Et elle est loin d’être avare de conseils ou d’idées à transmettre. En tant que nutritionniste, elle prône la micronutrition, à savoir l’utilisation des qualités nutritionnelles des aliments afin de répondre aux besoins de l’organisme. « À notre époque, tous les aliments sont transformés, il y a un fort usage des pesticides, il n’y a plus de fer, ni de zinc, ni de vitamine B dans les produits, dénonce-t-elle. Or notre corps a besoin de ces apports. Leur absence peut expliquer le développement du diabète, de l’obésité ou encore des maladies cardiovasculaires. »

En route pour le marathon de New York

Comment s’est-elle passionnée pour la nutrition ? « Un peu par hasard, il y a cinq ans, lorsque j’ai débuté la course à pied », raconte-t-elle. Emmanuelle a toujours plus ou moins fait du sport. Après ses grossesses par exemple, elle enfile facilement ses baskets pour se remettre en forme, mais sans nécessairement chercher à aller plus loin. « Un jour, à une fête d’anniversaire, des amis ont annoncé s’être inscrits au marathon de New York pour les 40 ans d’un ami commun. Cela m’a trotté dans la tête toute la nuit et, le lendemain au réveil, j’ai annoncé à mon mari que je voulais également le faire. » Le hasard faisant parfois bien les choses, elle croise quelque temps plus tard son ancien professeur de sport du collège, ancien athlète de haut niveau. « Je lui ai parlé de mon projet et il a décidé de m’entraîner. » Emmanuelle commence donc cette pratique sportive avec des séances très cadrées et court son premier marathon à La Rochelle afin de se rendre compte de l’ampleur du travail et ainsi se préparer au mieux à son objectif. Un an plus tard, en novembre 2013, elle court le marathon de New York en trois heures vingt-trois. C’est le début d’une longue série de courses qui s’enchaînent depuis cinq ans maintenant, avec notamment le marathon d’Annecy, celui de Florence en trois heures quinze, mais aussi les 100 kilomètres de Millau avec ses 1 100 mètres de dénivelé, qu’elle termine en sixième position chez les femmes, en dix heures et neuf minutes.

Mieux s’alimenter pour mieux courir

« Je suis très compétitrice dans l’âme, mon plaisir est d’être dans des sensations de dépassement de soi et de repousser mes limites », dit-elle. Le hic : dès le début de ses entraînements pour le marathon, son corps montre des signes de fatigue, « notamment parce que je ne me nourrissais pas correctement ». Son entourage lui recommande de contacter Anthony Berthou, un nutritionniste spécialiste de la micronutrition qui travaille avec des sportifs. Il accepte de prendre en charge son suivi nutritionnel sportif. « Cette rencontre a bouleversé ma façon de m’alimenter et cela m’a surtout passionnée. » Emmanuelle décide d’aller plus loin et de suivre pendant un an, sur ses jours de repos, un diplôme universitaire “Exercice, entraînement, nutrition et nutriment”, à la faculté d’Évry-Val-d’Essonne (Essonne) afin d’étudier la nutrition sportive. Au cours de cette formation, elle apprend la gestion de la pratique sportive, la manière d’établir un plan d’entraînement pour la performance, la physiologie ainsi que les bases de la nutrition et de la nutrition sportive. Après l’obtention de son diplôme en 2014, elle fonde sa société, Circadie, pour faire du conseil et du suivi en nutrition sportive. Son objectif : sensibiliser les gens à la micronutrition et les accompagner dans leur démarche de changement d’habitudes alimentaires. Elle complète sa formation par un diplôme privé dispensé par Anthony Berthou, accessible aux professionnels de santé déjà en exercice, sur les fondamentaux de la diététique, la physiopathologie et l’application de protocoles en micronutrition.

Un suivi nutritionnel

Emmanuelle commence à parler de son activité autour d’elle, au sein de son réseau de sportifs et, petit à petit, des clients la contactent pour une prise en charge. Lorsque des personnes souhaitent un suivi, elle leur demande un engagement minimum de huit semaines, car « je travaille sur l’équilibre et le changement d’habitudes, explique-t-elle. Certains s’arrêtent parce que je transmets un savoir et qu’ils adoptent les changements à opérer, mais cela reste encore fragile. Il faut que cela dure plus longtemps ». D’autres arrêtent également pour des raisons financières. Pourtant, certaines complémentaires santé prennent en charge ce type de suivi. Après un premier bilan effectué en face-à-face avec ses clients, Emmanuelle assure un suivi à distance sur un dossier partagé en ligne. Les clients doivent noter leurs repas et elle leur adresse des réajustements. Si ce sont des sportifs, elle les aide à préparer leurs épreuves avec un suivi nutritionnel adapté.

Ainsi, dans la même journée, Emmanuelle peut enchaîner à la fois son métier d’infirmière libérale et celui de nutritionniste, tout en trouvant le temps d’aller courir pour se préparer aux marathons. « Je dois prendre le temps de m’occuper du développement de Circadie et faire de la communication. La demande est forte pour le moment mais, si je ne me repose que sur le bouche-à-oreille, cela va s’essouffler. » Et d’ajouter : « Je commence juste à avoir un retour sur investissement de mon activité en nutrition depuis le mois de janvier, car cela demande une démarche commerciale que je ne possède pas forcément et je manque de temps. »

Réduire son temps d’infirmière

Outre terminer son site Internet, son objectif est de démarcher les centres sportifs mais aussi les médecins car elle souhaite travailler sur les maladies cardiovasculaires et le surpoids. Elle voudrait également contacter les entreprises pour les sensibiliser à la nutrition. Emmanuelle est d’ailleurs membre de Planète entrepreneurs, un groupe de Rémois entrepreneurs, « qui me tire vers le haut, je ressors toujours boostée de nos réunions ». Et de poursuivre : « Il faudrait que je diminue le nombre de jours que je consacre à mon métier d’infirmière. J’ai déjà pris la décision de retirer deux jours de ma tournée par mois, pour la limiter à douze ou treize, mais, dans l’idéal, il faudrait que je ne fasse plus que huit à dix jours par mois pour garder une base et consacrer le reste à la nutrition. » Elle souhaite néanmoins rester infirmière : « Cela me permet de voir autre chose et surtout de garder une approche des relations humaines. » Diplômée de l’IFSI de Laon (Aisne) en 2000, Emmanuelle a travaillé à l’hôpital jusqu’en 2006. « Puis j’ai voulu devenir libérale car je suis entrepreneuse. J’aime avoir des projets et pouvoir gérer mon temps. À l’hôpital, je me suis vite sentie dans un moule, sans pouvoir faire des propositions pour évoluer. Il fallait toujours passer par la voie hiérarchique pour la moindre décision. Cela ne me convenait pas. » Elle trouve alors des remplacements, avant de s’associer avec une consœur. Le fait d’être infirmière est un plus dans sa pratique de la nutrition, car cela lui apporte des connaissances complémentaires. « Mes clients savent qu’en parallèle de la nutrition, je suis infirmière. Le fait de gagner des courses et d’avoir un bon classement au niveau régional donne de la crédibilité à ce que j’avance dans la nutrition. Je suis en pleine forme quand je cours. Cela me donne une légitimité dans la région. »