Des chiens qui ont du flair sur la piste du cancer - L'Infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 340 du 01/10/2017

 

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Sophie Komaroff  

Initié par une infirmière, le projet Kdog vise à élaborer une technique de dépistage olfactif du cancer standardisée, précoce et non invasive.

Prouver que le chien est en mesure de détecter les composés liés aux cancers, c’est aujourd’hui le pari de l’équipe de soignants, de pathologistes, de chimistes et d’experts cynophiles réunis autour du projet Kdog, initié par Isabelle Fromantin, infirmière et docteur en sciences à l’Institut Curie. L’objectif : valider la théorie et élaborer une technique standardisée de reconnaissance olfactive des cellules cancéreuses par des chiens renifleurs. Autrement dit : utiliser l’odorat canin pour détecter un cancer chez un patient, y compris à des stades précoces. Comment ? En gardant un morceau de tissu durant quelques heures au contact de la peau, puis en l’envoyant vers un centre d’analyses cynophiles.

100 % de réussite

D’aucuns jugeront l’initiative insolite. Elle n’en est pas moins prometteuse. Pour preuve : le 21 février dernier, Isabelle Fromantin a présenté, devant l’Académie nationale de médecine, les premières données scientifiques indiquant sa fiabilité. Le résultat des deux chiens participant aux tests de détection des échantillons atteint 100 % de réussite. Le cancer émet donc une odeur via des composés organiques volatils (COV), qui franchissent ici la barrière cutanée, transportés par la sueur. Pour l’heure, les travaux se concentrent sur le cancer du sein, mais l’enjeu à long terme est la détection de tous les types de cancer. Les chiens en question sont deux malinois formés par Jacky Experton, expert cynotechnique spécialisé dans la détection d’explosifs. Ils ont travaillé pendant six mois au repérage de l’odeur des cellules cancéreuses, lors d’une phase dite de “preuve du concept”. « Les patientes qui ont participé sont celles pour qui la chirurgie était prescrite en première intention, précise Aurélie Thuleau, chef de projet Kdog. Il importait qu’elles n’aient pas reçu de traitement néoadjuvant pour ne pas influencer l’émission d’odeurs. » Lors de la dernière étape de dressage, le premier passage des chiens aboutit à plus de 93 % de réponses positives (28 échantillons “cancer” identifiés sur 31) et 100 % pour le second.

Méthode indolore

Les travaux de thèse en 2009 d’Isabelle Fromantin sur les plaies et la cicatrisation du cancer du sein sont à l’origine de Kdog. Ceux-ci s’intéressent aux COV, olfactifs en particulier, des plaies du cancer et visent à établir un lien entre la maladie et son effet olfactif sur les plaies. La prochaine étape : une phase d’étude clinique de trois ans (2018-2020) intégrant 1 000 femmes volontaires via plusieurs centres de dépistage, quatre chiens et de nouveaux experts cynotechniques.

Les avantages pour les patients ? Une méthode indolore, naturelle (sans exposition aux rayons) et non invasive qui représenterait une solution alternative ou un complément aux examens traditionnels. Ce serait en outre une opportunité d’accès à la détection des cancers pour les pays en voie de développement, mais aussi pour certaines personnes en situation de handicap, pour lesquelles la mammographie est inadaptée.