Le sucre, ami ou ennemi de notre santé ? | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 339 du 01/09/2017

 

Nutrition

Cahier de formation

Point sur

Marie Fuks  

Carburant de l’organisme et du cerveau en particulier, le sucre est régulièrement accusé d’être nocif pour la santé. Qu’en est-il réellement de ses dangers ? Que dire aux patients qui ne parviennent pas à se passer du sucre mais s’inquiètent pour leur santé ?

Le sucre est-il vraiment utile à la santé ?

Les sucres ou glucides(1) sont indispensables à la santé sur le plan physiologique car ce sont les carburants essentiels des muscles, des globules rouges et du cerveau. « Si les muscles peuvent utiliser simultanément des lipides comme substrat énergétique, les globules rouges et le cerveau sont insulino-indépendants, explique le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille (Nord). Ainsi, le cerveau a besoin quotidiennement de 140 g de glucose(2) afin de fonctionner. » Les glucides sont également indispensables à notre équilibre nutritionnel car une consommation insuffisante oblige l’organisme à puiser dans les réserves glycogènes. « Or ces réserves, situées dans le foie et les muscles, sont extrêmement faibles et ne peuvent compenser les apports nutritionnels que durant quelques heures, poursuit le spécialiste. Cela oblige l’organisme à activer d’autres voies de fabrication du sucre en utilisant les protéines des muscles, ce qui les affaiblit. » C’est la raison pour laquelle il faut absolument manger des “sucres”, mais en veillant soigneusement à la nature des glucides que l’on consomme.

Comment consommer le sucre ?

Pour en tirer le maximum de profit et le minimum de désagréments, il faut savoir distinguer les glucides simples et complexes(3) eux-mêmes différenciés par leur index glycémique (IG) qui reflète, non pas la vitesse d’absorption, mais le niveau de la glycémie après ingestion des glucides. « Globalement, dans le monde sédentaire d’aujourd’hui, précise le Dr Lecerf, il est préférable d’avoir une alimentation composée de glucides à IG bas (< 55) présents dans les fruits (ils contiennent du fructose, qui a l’IG le plus bas de tous les glucides)(4), les oléagineux, les légumes frais et secs et, dans une moindre mesure, dans certaines céréales (porridge ou gruau d’avoine, par exemple). Les glucides à IG élevé (> 70) sont le glucose/sucre de table, le pain et les féculents en général(5). Ces derniers sont une source d’amidon qui, très fortement digéré, entraîne une élévation importante de la glycémie. » Cela dit, la balance glucidique doit s’apprécier en fonction de la balance énergétique (équilibre entre les apports et les dépenses énergétiques) : « S’il convient de limiter les glucides à IG élevé chez les personnes sédentaires prédisposées et/ou ayant un syndrome métabolique (surpoids abdominal) et pour lesquelles l’excès de glucides conduit à des anomalies métaboliques athérogènes, en revanche, en cas d’activité physique régulière et soutenue, la ration glucidique (lire l’encadré ci-contre) peut être plus importante et contenir davantage d’aliments à IG plus élevé », commente le Dr Lecerf.

Le sucre, une drogue ?

Bien que largement répandue, l’idée d’une addiction au sucre, au sens de “dépendance alimentaire”, n’est pourtant pas reconnue par le monde scientifique. Si l’addiction au sucre n’existe pas, en revanche, le sucre engendre la sécrétion de sérotonine qui explique son effet psychotrope et apaisant, mais aussi et surtout le plaisir alimentaire associé à sa consommation et responsable de comportements compulsifs et d’excès qui, s’ils ne sont pas compensés par une dépense énergétique équivalente, sont à risque pour la santé car ils entraînent une hyperglycémie et un stockage de calories lipidiques dans les tissus adipeux et le foie.

Peut-on parler de «maladies du sucre» ?

« Hormis la carie dentaire(6), il n’existe pas à proprement parler de «maladies du sucre», mais des maladies de l’excès de sucres, conclut le Dr Lecerf. C’est le cas du diabète, de l’obésité, des maladies coronariennes, des hypertriglycéridémies, des stéatoses hépatiques et des hyperuricémies causées, entre autres (ce que l’on sait peu), par l’excès de fructose » (lire l’encadré ci-dessous). En résumé, hormis les boissons sucrées dont il faut limiter la consommation, il ne faut pas diaboliser le sucre car il est utile à l’organisme. Mieux vaut intégrer la consommation de glucides en choisissant des aliments frais, non raffinés et ayant une bonne densité nutritionnelle (manger un fruit riche en fibres, vitamines et antioxydants plutôt qu’un bonbon) et en veillant à équilibrer la balance énergétique globale entre les apports et les dépenses pour éviter les interdits et les frustrations et s’autoriser le plaisir de mettre un peu de sucre dans un yaourt ou de manger un carré de chocolat.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

(1) “Glucide” est un terme générique pour l’ensemble des sucres, qu’ils possèdent un monomère (glucose, ribose, ribulose, fructose…), deux (saccharose, lactose…), trois ou encore plus (glycogène, amidon).

(2) Pour être assimilé par l’organisme, le sucre est transformé en glucose.

(3) Cette notion a remplacé celle de glucides rapides et lents, délaissée depuis 1981.

(4) L’IG du fructose est de 20, contre 100 pour le glucose, 60 pour le saccharose et 46 pour le lactose.

(5) Les féculents comprennent les céréales, les légumineuses, les pommes de terre et les produits dérivés qui, pour 100 g d’aliments, apportent en moyenne 75 g de glucides.

(6) La formation des caries, directement corrélée à la consommation de sucres simples (fructose, saccharose et glucose), peut être plus ou moins favorisée par la flore bactérienne cariogène et le manque de salive (elle joue un rôle protecteur) propre à chaque individu.

Quels apports journaliers ?

→ Dans une population sans problème de poids et pratiquant une activité physique, les besoins quotidiens en glucides peuvent représenter de 50 à 55 % de la ration alimentaire, soit environ 250 g de glucides, dont une part limitée en glucides simples variant de 1/5e (50 g) à 1/10e (25 g), selon les “écoles”. Chez les diabétiques ou les patients présentant un syndrome métabolique, une dyslipidémie ou une hypertriglycéridémie, la ration glucidique ne doit pas dépasser 40 à 45 % de la ration alimentaire car les études ont montré qu’un apport dans la norme est péjoratif en termes de profil lipidique et de risque cardiovasculaire.

Source : entretien avec le Dr Jean-Michel Lecerf.

Le fructose, un faux ami ?

→ Bien qu’ayant un IG très bas, le fructose consommé en excès induit une lipogenèse hépatique* et l’accumulation de graisse dans le foie (stéatose hépatique). Ainsi, chez des personnes hypersensibles (personnes ayant une obésité abdominale avec syndrome métabolique), des régimes amaigrissants à base de fruits non seulement déséquilibrent les apports nutritionnels, mais peuvent entraîner des hypertriglycéridémies et des hyperuricémies respectivement en cause dans les maladies coronariennes et dans la goutte notamment.

* Suite de réactions chimiques conduisant à la synthèse de graisses (triglycérides) à partir des nutriments (glucides et acides gras).

Avec l’aimable participation du Dr Jean-Michel Lecerf, de l’Institut Pasteur de Lille (Nord)