Les syndicats représentatifs - L'Infirmière Libérale Magazine n° 338 du 01/07/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 338 du 01/07/2017

 

Vie conventionnelle

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Olivier Blanchard  

Les trois syndicats d’Idels représentatifs débutent cet été les négociations avec l’Assurance maladie (lire aussi p. 22). Un point sur leur rôle.

Comment un syndicat est-il considéré comme représentatif ?

Tous les cinq ans, avant l’ouverture des négociations sur la convention avec l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie pour régler les rapports entre les Idels et l’Assurance maladie (lire pp. 56-57 du n° 335), la Direction de la Sécurité sociale, qui dépend des ministères de la Santé et de l’Économie, lance une “enquête de représentativité” afin de savoir quels syndicats peuvent être considérés comme représentatifs. Tous ceux qui désirent garder ou obtenir cette reconnaissance doivent répondre à la Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de Sécurité sociale. Après un premier questionnaire, les organisations reçoivent la visite d’inspecteurs. Pour chaque structure, ceux-ci vérifient les documents, évaluent les critères puis établissent un dossier et une note de synthèse qu’ils adressent au ministère de la Santé, pour décision.

Quels sont les critères pour être considéré comme représentatif ?

Les critères ont été fixés par le décret du 28 mai 2010. Un syndicat doit présenter une indépendance, notamment financière, un effectif d’adhérents à jour de leur cotisation (sur ce critère, aucune limite n’est fixée), une ancienneté minimale de deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts et avoir recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au niveau national aux élections des Unions régionales des professionnels de santé (URPS).

Quels syndicats sont officiellement représentatifs ?

Selon l’enquête de représentativité menée en 2017, et dont les résultats ont été dévoilés le 23 juin, la FNI (Fédération nationale infirmière), le Sniil (Syndicat national des infirmières et Infirmiers libéraux) et Convergence infirmière. Pour ne pas avoir atteint les 10 % aux élections URPS, le quatrième candidat, l’Onsil (Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux), a perdu sa représentativité.

Qu’apporte la représentativité dans les négociations conventionnelles ?

Un syndicat qui a obtenu plus de 30 % aux élections peut signer seul la convention, donc la FNI et le Sniil ont cette possibilité. Cependant, si l’union de deux syndicats dépasse 50 % des suffrages (et c’est le cas pour n’importe quelle association entre deux syndicats), ils obtiennent un “droit d’opposition” bloquant la convention. Une union Sniil/FNI paraissant peu probable, c’est donc Convergence infirmière qui se retrouve dans le rôle du “faiseur de rois” (en s’alliant avec l’un ou l’autre des syndicats, il permet soit de valider, soit de bloquer les négociations).

Combien y a-t-il eu de conventions ?

La première convention date de 1972, la dernière de 2007. Cependant, entre les négociations conventionnelles, des avenants sont signés qui modifient la convention. C’est le cas cette année.

Syndicats et convention, une histoire croisée*

La FNI, le premier syndicat d’Idels, dont les prémices remontent à 1949, reste seul jusqu’en 1970 quand, après une exclusion pour “indiscipline”, le syndicat membre d’Île-de-France prend son indépendance et fonde l’Onsil. En 1972, la première convention nationale est signée par le seul syndicat FNI.

En parallèle, depuis les années 1950, des infirmières de Toulouse (Haute-Garonne) se déplaçant nuit et jour à bicyclette animent une association pour être mieux représentées et défendues. Progressivement, les infirmières des départements voisins rejoignent cette association, alors connue sous le nom de Syndicat des infirmiers du sud de la France. L’association se développe, devenant un syndicat national, rebaptisé “Sniil” en 1973 et dont le siège deviendra parisien en 2001.

En 1977, la FNI seule signe la deuxième convention, puis la troisième en 1981. L’Onsil, créée en 1970, est considérée comme représentative en 1986 et, deux ans plus tard, signe, aux côtés de la FNI, la quatrième convention. La première approuvée par deux syndicats.

En 1992, seule la FNI signe la cinquième convention, qui crée des quotas d’actes. Déclenchant un conflit national, ce texte est annulé par le Conseil d’État en 1993, pour être réaffirmé en 1994 puis à nouveau annulé en Conseil d’État et inscrit dans le cadre de la loi en 1996, pour un an uniquement… En 1997, la sixième convention n’est signée, à nouveau, que par la FNI (l’Onsil est reconnue comme représentative mais ne signe pas les deux conventions de 1992 et 1997).

Dans l’intervalle, en 1993, plusieurs associations infirmières autour de Marseille (Bouches-du-Rhône) se sont réunies et ont fondé un nouveau syndicat, Profil infirmier, en réaction à la convention de 1992 et aux sanctions liées aux quotas d’actes. En 1995, l’Onsil de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur fait scission avec l’Onsil hexagonal pour devenir un syndicat autonome sous le nom de SPIL (Syndicat des professionnels infirmiers libéraux).

En 1999, les quatre syndicats qui s’opposent au projet de convention en cours, le Sniil, l’Onsil, Profil infirmier et le SPIL se réunissent pour fonder une intersyndicale nommée Convergence infirmière. En effet, la FNI est alors en train de renégocier la convention pour créer le PSI (plan de soins infirmiers), qui vise à confier les soins de nursing à des aides ménagères formées aux fonctions d’auxiliaires de vie et à retirer le droit d’exercer dans les maisons de retraite pour les libéraux, et crée un quota à 18 000 actes par an. En juin 2000, ce projet met le feu aux poudres dans la profession et, dans toute la France, des Idels manifestent, occupent des caisses d’Assurance maladie ou bloquent des rocades, puis se réunissent le 22 juin pour une manifestation unitaire à Paris. La mobilisation paye : six mois après son annonce, le PSI prôné par Élisabeth Guigou est gelé. La fronde semble alors se calmer, mais le dégel du PSI annoncé fin 2001 rallume la contestation et les Idels reprennent les manifestations, ce qui entraîne finalement la résiliation de la convention. En 2002, la DSI (démarche de soins infirmiers) succédera au PSI…

Entre-temps, en 2001, l’Onsil s’est retirée de l’intersyndicale Convergence pour reprendre son indépendance parce que « la politique du couple Sniil/Profil [lui] a été imposée ». L’accord de 2002, marquant la mise en place de la DSI donc, est signé uniquement par le syndicat Convergence, qui vient d’être reconnu comme représentatif ; la FNI, l’autre syndicat représentatif, boycotte la négociation et ne signe pas ce texte qui « n’apporte aucune réponse ». La FNI n’aura pas d’activité conventionnelle cinq ans durant.

En 2003, le Sniil reprend son indépendance à son tour et se retire de Convergence infirmière, « à cause de désaccords trop profonds » : le paysage syndical se retrouve pour la première fois coupé en quatre. En 2006, les quatre syndicats sont considérés comme représentatifs et la convention de 2007 est la première à être signée par quatre organisations différentes.

* Le travail de synthèse présenté ici a été réalisé en grande partie en exploitant les archives de notre magazine, et à partir de l’historiqueinclus dans le livre de Marie-Claude Daydé, Regard sur la profession d’infirmière libérale, paru aux éditions Lamarre en 2007.