Révolutionner la prise en charge - L'Infirmière Libérale Magazine n° 335 du 01/04/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 335 du 01/04/2017

 

MALADIES CHRONIQUES

Actualité

Adrien Renaud  

André Grimaldi, Frédéric Pierru, Didier Tabuteau… Plusieurs des co-auteurs du livre Les Maladies chroniques*, sorti tout récemment, étaient réunis le 15 mars pour un débat autour des pathologies au long cours. Le constat : le système de santé n’est pas équipé pour leur faire face.

NOTRE SYSTÈME DE SOINS DOIT CHANGER s’il veut enfin prendre en charge convenablement les maladies chroniques. C’est en substance le message qui se dégage du débat organisé le 15 mars autour d’un livre collectif qui sortait aux éditions Odile Jacob ce jour-là : Les Maladies chroniques – Vers la troisième médecine. Autour de la table, les co-auteurs de l’ouvrage ont appelé à de profonds bouleversements en lieu et place des habituels ajustements du système.

« Nous avons le système qui a le plus de clivages, remarque Didier Tabuteau, titulaire de la chaire santé de Sciences Po. Ville-hôpital, prévention-soins, sécu-complémentaires… Ces fractures sont préjudiciables à la prise en charge des maladies chroniques. » Le Pr André Grimaldi, ancien chef du service de diabétologie à La Pitié-Salpêtrière (AP-HP), abonde dans ce sens. « La maladie chronique suppose un travail en équipe. Ce n’est pas ce que l’on connaît en médecine actuellement. »

Le changement le plus spectaculaire proposé par les participants concerne probablement la rémunération des professionnels de santé. « Le paiement à l’acte, la tarification à l’activité, c’est à l’opposé de ce qu’il faut pour prendre en charge les maladies chroniques », estime André Grimaldi. « Il faut aller vers davantage de salariat ou des formes de paiement par capitation », ajoute Frédéric Pierru, sociologue, chercheur au CNRS et conseiller de Jean-Luc Mélenchon pour les questions de santé.

Une aide-soignante = un médecin

Mais ce sont aussi les rapports entre professionnels de santé qui sont à revoir. « Aujourd’hui, on est obligé d’exercer en pluriprofessionnel, de construire des collaborations non hiérarchiques, explique le Dr Didier Ménard, généraliste en Seine-Saint-Denis et ancien président du Syndicat de la médecine générale. Cela veut dire que l’intervention à domicile d’une aide-soignante peut avoir autant de valeur que celle du grand docteur qui a fait le diagnostic. Évidemment, ça bouscule. »

Pour faire exister ces nouveaux rapports non hiérarchiques, de nouveaux outils s’imposent, à commencer par les systèmes informatiques partagés. « Il faut coordonner tout cela, souligne Didier Ménard. Le médecin n’est pas forcément le mieux placé, et il faut trouver les moyens de rémunérer ce travail qui n’est pas du bénévolat. »

André Grimaldi confie que, si le premier objectif de l’ouvrage est d’aider les patients, il entend aussi influencer les politiques. « Il faut qu’ils arrêtent de penser qu’il y a un business de la santé, qu’on peut traiter la maladie chronique comme la maladie aiguë, en multipliant les tarifs », s’agace-t-il. Des paroles qui, en cette période électorale, résonnent tout particulièrement.

* Pr André Grimaldi, Yvanie Caillé, Frédéric Pierru, Didier Tabuteau, Les Maladies chroniques, Éditions Odile Jacob, 772 p., mars 2017. 24,9 euros. Lire notre chronique page suivante.