Représentation PEUT-ON DÉFENDRE LA PROFESSION HORS DES SYNDICATS ? | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 334 du 01/03/2017

 

Le débat

Olivier Blanchard  

Bientôt s’ouvrent les négociations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les syndicats d’Idels jugés représentatifs par le ministère (l’enquête de représentativité a été lancée). Mais les syndicats sont-ils toujours un passage obligé pour la représentation de la profession, alors que leurs taux d’adhésion semblent stagner et que se montent de plus en plus d’associations ?

Michelle Drouin

Idel dans l’Aude, présidente de l’association et du nouveau syndicat éponyme Infin’idels

Peut-on défendre la profession si on n’est pas un syndicat ?

Oui, on peut… jusqu’à une certaine limite ! Notre association Infin’idels a aidé des infirmières au niveau individuel pour faire face à des indus quand la plupart des syndicats refusaient de voir le problème, et nous avons aussi mené un recours en Cour de cassation sur la notion de durée dans les perfusions. Mais nous avons décidé de devenir un syndicat pour dépasser les problèmes “personnels” et défendre une conception des soins pour toute la profession.

Qu’attendez-vous des prochaines négociations conventionnelles et comment voulez-vous faire entendre votre voix ?

Nous n’en attendons rien, puisqu’aujourd’hui tout est mis en place pour que d’autres formations que les libéraux prennent en charge les soins à domicile. Même si nous changeons de majorité après les élections, la restructuration des hôpitaux et la désertification médicale vont continuer. De plus, nous restons convaincus que la convention de 2012 n’a pas été signée, alors 2017(1)… Nous allons surtout continuer notre action, y compris en allant en justice contre le zonage ou pour donner aux infirmières les moyens de se battre contre les structures d’HAD et de Ssiad.

Comment expliquer la distance entre la force des revendications des IDE (sur Internet par exemple) et leur faible implication dans des actions concrètes (vote ou manifestation) ?

Nous avons monté l’association parce qu’aucun syndicat ne venait en aide aux infirmières, personne ne répond quand on les appelle : il est là, le fossé entre les syndicats et les infirmiers ! De plus, les libéraux ont une mentalité individualiste, ils regardent si tout va bien pour eux et, par manque d’informations, ils ne vont pas chercher plus loin pour voir ce qui se trame. Certains ont compris que le libéral, c’est gérer une entreprise, et qu’on doit donc toujours anticiper… Mais pas tous ! Alors, au final, manifester pour qui ? Pourquoi ? Nous, nous proposons un projet clair et nous voulons nous battre pour le défendre, nous ne sommes pas uniquement “contre”… Les infirmières seront impliquées à toutes les étapes.

Dominique Jakovenko

Idel dans le Gard, président de l’Association des Idels du bassin alésien (Ailba), à la tête d’une liste comportant les membres de trois syndicats à la dernière élection URPS(2)(3)

Peut-on défendre la profession si on n’est pas un syndicat ?

Une association peut faire des communiqués, soutenir des actions, travailler avec les agences régionales de santé, les CPAM, participer aux réunions interrégimes ou saisir son député ! C’est ce que notre association Ailba a réalisé pour un projet sur l’éducation thérapeutique des diabétiques et nous avons aussi obtenu des financements pour l’essai d’un logiciel d’éducation thérapeutique, nous sommes même rémunérés pour ces séances. Si cet essai est concluant, la CPAM s’est engagée à étudier son entrée dans la nomenclature des actes infirmiers.

Qu’attendez-vous des prochaines négociations conventionnelles et comment voulez-vous faire entendre votre voix ?

Se faire entendre hors des syndicats représentatifs n’est pas évident puisqu’ils sont les seuls à participer à ces négociations. Cependant, notre association a saisi l’Assurance maladie au niveau national pour demander la revalorisation financière de nos actes, la reconnaissance d’actes qui ne sont pas dans la nomenclature et pour la création de nouveaux. C’est la première fois que nous le faisons, nous verrons bien les retours… Mais on peut aussi solliciter la commission de la nomenclature à n’importe quel moment pour y inscrire un nouvel acte et c’est ce que nous ferons si notre essai est concluant.

Comment expliquer la distance entre la force des revendications des IDE (sur Internet par exemple) et leur faible implication dans des actions concrètes (vote ou manifestation) ?

Beaucoup n’ont plus confiance dans les syndicats parce qu’ils ne partagent pas leurs inquiétudes, alors les IDE ne participent pas aux actions et ne votent plus. De plus, notre profession est née sous l’égide de la prescription médicale et l’idée de l’autonomie infirmière a encore du chemin à faire ! Pourtant, le système de soin évolue, par exemple avec les Paerpa, les Maia ou les formations de pratiques avancées ; le rôle infirmier de coordination est à prendre, mais très peu d’infirmiers s’y intéressent.

Les infirmiers n’ont pas toujours le réflexe d’aller sur les sites officiels et les seules informations qu’ils reçoivent sont celles de syndicats qui ont souvent des avis frileux et peu constructifs… ?

(1) Depuis la convention de 2007, seuls des avenants (quatre) ont été signés. Selon le Code de la Sécurité sociale, la durée d’une convention est pourtant de cinq ans au maximum.

(2) À savoir Onsil (en majorité), Sniil, FNI. Aux élections d’avril 2016, la liste est arrivée en dernière position avec 14,5 % des suffrages, obtenant trois élus à l’Union régionale des professionnels de santé (URPS)-Idels Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

(3) Par ailleurs administrateur de l’Anfiide et membre de notre comité scientifique.