Soigner les plaies complexes, enjeu de santé publique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016

 

ÉCONOMIE DE LA SANTÉ

Actualité

Claire Pourprix  

BUSINESS > Mi-juin, la jeune start-up lyonnaise Synartis a été primée lors de la Lyon CCI Academy. L’occasion de discuter du marché des plaies avec son cofondateur, un Idel.

À l’hôpital, pendant cinq ans, Pierre Thouvard avait ressenti l’envie de travailler chez les gens. « J’aimais beaucoup le travail en équipe mais je trouvais le système de soins violent envers les patients, qui se sentaient déracinés, dans un environnement défavorable. Je souhaitais nouer des relations plus proches avec eux, en leur imposant moins de choses, être plus à leur écoute, au fait de leurs besoins et de leurs attentes. » Il rejoint un cabinet en 2005 puis s’installe à son compte, avec un associé. Il se spécialise dans le traitement des plaies via un DU Plaies et cicatrisation en 2015-2016. Aujourd’hui, l’Idel porte une autre casquette : à Oullins, près de Lyon (Rhône), il a cofondé en 2015 la société Synartis, spécialisée dans la cicatrisation, avec « une envie d’entreprendre et de pallier la défaillance de notre système de santé en matière de soins de plaies complexes et chroniques ».

Formation gratuite

Synartis intervient sur plusieurs plans. La start-up travaille sur le lien ville/hôpital, avec les médecins référents et les hôpitaux, pour permettre aux patients de sortir le plus tôt de l’hôpital tout en leur garantissant des soins de plaies de qualité. Elle coordonne et forme des infirmiers sur les techniques de soins et échange avec eux sur leurs cas pratiques. Ses services d’expertise et de formation sont gratuits. Par ailleurs, Synartis livre les produits au domicile du patient ou au cabinet de l’infirmier. « Nous nous rémunérons sur les pansements et les matériels nécessaires aux soins, sans dépassement. De plus, nous offrons aux patients ce qui n’est pas remboursé : les curettes, les scalpels, les gants, le sérum physiologique… », précise Pierre Thouvard.

En plein boom

L’activité, effective depuis octobre sur l’agglomération lyonnaise et le Nord Isère, est en plein boom, ce qui confirme le besoin d’expertise dans ce domaine, en raison notamment du manque de formation des infirmiers et médecins aux soins des plaies. L’équipe de Synartis se compose du Dr?François Rigal, médecin référent présent au comité scientifique, et de l’IDE Anita Lambert Chaplin, DU plaies et cicatrisation, ainsi que d’un responsable logistique. Elle a embauché un infirmier et un assistant administratif. « Nous avons gagné la confiance des prescripteurs hospitaliers et libéraux et nous sommes en ligne avec nos prévisions de 375 000 euros de chiffre d’affaires la première année », témoigne Pierre Thouvard. La start-up a reçu une subvention de la banque publique d’investissement qui lui a permis de financer le développement d’un dossier médical partagé, grâce auquel les acteurs de santé pluridisciplinaires peuvent agir en bonne coordination et suivre l’évolution de la plaie, photos à l’appui. Mi-juin, elle a été élue start-up de l’année de la CCI Academy, au Salon des entrepreneurs de Lyon. L’enjeu sanitaire et économique des plaies est de taille. Si le traitement des escarres a bien progressé ces dernières décennies, ce n’est pas encore le cas en matière d’ulcères de jambes. Or réduire la durée des soins permet de diminuer quasi proportionnellement le coût des soins et d’améliorer le confort du patient. « La plaie, ou plus généralement l’état cutané d’un patient, est le reflet de son état général, rappelle Anita Lambert Chaplin. Bien entendu, on ne peut pas guérir toutes les plaies. Mais la mise en place d’une stratégie thérapeutique adaptée et d’une bonne coordination des soins donne des résultats exceptionnels. »

« Un coût énorme »

« La prise de conscience de la problématique des plaies démarre tout juste en France. Le coût des plaies en soins de ville uniquement, pour les escarres et les ulcères de jambe, est évalué à 1 milliard d’euros. C’est donc un coût énorme pour la société alors que le résultat n’est pas au niveau puisque la durée de cicatrisation en France est environ 30 % supérieure à celle observée en Grande-Bretagne et en Allemagne », témoigne Pierre Thouvard.