La grève du domicile en Savoie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016

 

PROFESSION

Actualité

Laure Martin  

REVENDICATIONS > Plusieurs collectifs d’Idels ont été reçus au ministère de la Santé le 16 septembre, date à laquelle a débuté une grève de plusieurs jours des tournées des Idels de montagne en Savoie, en conflit avec leur caisse au sujet des indemnités horokilométriques.

Nous avons été écoutés, oui, mais avons-nous été entendus ? » Le Collectif des infirmiers libéraux de montagne en Savoie, reçu mi-septembre avec trois autres collectifs d’Idels au ministère par le directeur-adjoint de la direction de la Sécurité sociale (DSS), s’interroge. Chacun est venu au rendez-vous avec son lot de mécontentements et de revendications, et tous sont repartis sans aucune solution concrète formulée par la DSS (lire aussi en encadré).

Pour les Idels de Savoie, cela fait plus de neuf mois que le conflit dure avec leur CPAM. En cause : la facturation des indemnités horokilométriques (IK) qui, d’après la CPAM, ne peut pas se faire en étoile (à savoir cabinet-patient-cabinet-patient…) mais en frais réels, modèle économique qui mettrait en péril la viabilité des cabinets, selon les Idels. Elles reprochent également à la CPAM de ne cibler que leur profession alors que tous les autres professionnels de santé libéraux sont concernés par l’application de l’article 13 de la NGAP.

« Définir des règles claires »pour les IK

Pour le moment, il n’y a eu aucune modification des conditions de facturation, rappelle la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnamts), que nous avons sollicitée. « La pratique de facturation en étoile s’est répandue dans certains départements pour répondre notamment à des situations territoriales particulières liées, par exemple, à des distances importantes entre les patients visités au cours de la journée de travail, souligne la Cnamts. Cependant, des pratiques manifestement abusives, heureusement limitées en nombre, ont été relevées dans ce type de situations dérogatoires. Certains professionnels arrivent à facturer des montants d’IK supérieurs à 50 000 euros par an, ce qui représente plus de la moitié du total de leurs honoraires. »

Dans ce contexte confus lié notamment à la divergence d’interprétation de l’article 13, la Cnamts a décidé d’engager une réflexion afin de « définir des règles claires, non pénalisantes pour les professionnels de santé, et de tenir compte de certaines spécificités ». Un groupe de travail national, dont nous avions révélé l’imminence dans notre numéro de juillet, devait commencer à plancher sur la question le 29 septembre, en présence des syndicats, afin de préparer les futures négociations conventionnelles des infirmiers qui auront lieu l’année prochaine. Dans l’attente de cette réunion, « aucune consigne nationale ne sera donnée pour lancer des contrôles sur les déplacements en étoile ou pour l’émission d’indus dans ce cadre », a fait savoir par courrier le directeur de la Cnamts, Nicolas Revel, aux syndicats d’Idels.

150 Idels grévistes

En Savoie, pour obtenir confirmation de leur CPAM, 150 Idels de montagne, d’après leur Collectif, ont décidé, à partir du 16 septembre, de ne plus assurer les soins à domicile et de ne plus recevoir les patients qu’à leur cabinet. « Nous avons repris le travail entre le 21 et le 22 car nous avons reçu un nouveau courrier de Nicolas Revel nous informant que nous pouvions continuer à facturer en étoile » dans l’attente des conclusions du groupe de travail prévu le 29 septembre, indique Maryse Souvy, présidente du Collectif des Idels de montagne. Ce courrier a été adressé aux syndicats d’Idels et à la directrice de la CPAM. Le Collectif devait aussi être reçu le 30 septembre à l’Agence régionale de santé (ARS) en présence du directeur-adjoint de la CPAM. La grève s’est avérée difficile vis-à-vis des patients. Pour éviter tout problème concernant la permanence des soins, « nous nous sommes couvertes en prévenant le préfet, l’ARS, la CPAM, et en adressant un courrier à chaque médecin avec la liste des patients », assure Maryse Souvy. Qu’en dit le ministère ? « Les personnes qui nous ont reçues n’étaient pas au courant de notre grève, signale Nathalie Guazzone, vice-présidente du Collectif. En revanche, elles étaient informées des problèmes en Savoie, mais pas des directives que nous a données la CPAM. »

Les Idels ont été soutenues par leurs confrères et consœurs de toute la France, entre autres via sa propre page Facebook*, et aussi par les autres professionnels de santé, dont les médecins. « Cette situation nous impacte tous, patients compris, souligne le Dr Vincent Lecarme, médecin généraliste à Lanslevillard, en Haute-Maurienne. Mais c’est pour leur maintien à domicile que nous bataillons. » Selon lui, il y a une méconnaissance et un mépris des autorités pour le mode d’exercice particulier des professionnels en montagne. « Aujourd’hui, elles cherchent à toucher les Idels dans ce contexte particulier pour ensuite atteindre tous les autres Idels. Et si cette décision de ne plus pouvoir coter en étoile est validée, à moyen ou long terme, elle sera reportée sur tous les professionnels du domicile. C’est une remise en cause complète de notre travail actuel. » Après l’annonce de la grève des Idels, les professionnels se sont organisés. Les médecins ont prescrit des bons de transport aux patients afin qu’ils puissent se déplacer aux cabinets pour recevoir leurs soins. « Les patients sont compréhensifs, note le Dr Lecarme, mais il y a eu un important travail d’explication en amont de la part des infirmières. Ils les connaissent et savent qu’elles ne sont pas des nanties. » Si le médecin estime que la grève est juste, il reconnaît cependant qu’il ne s’agit pas « d’un acte facile et anodin mais d’une importante responsabilité vis-à-vis de nos patients ».

* Collectif infirmiers libéraux de montagnes.

Les autres doléances portées au ministère

Aux côtés des Idels de montagne, le Collectif des Idels du Cotentin, Force et détermination des Idels et Unidel ont été reçus au ministère mi-septembre. Du côté du Cotentin, c’est la question des indus qui a été abordée. « Nous n’avons pas de souci avec les indus lorsqu’ils sont liés à des fraudes des Idels », rapporte Florent Regal, membre du collectif. Il dénonce en revanche les délais de réclamation des indus adressés aux Idels pour des soins cotés AIS dans le cadre d’une DSI. « Souvent, les indus sont liés à une ordonnance mal rédigée par le médecin, souligne Florent Regal. Si c’est le cas, la caisse pourrait nous le dire dès la réception de la DSI [celle-ci étant en général validée par non-réponse au bout de quinze jours], pourquoi attendre trois ans et le cumul des indus ? » D’après le Collectif, le ministère aurait compris la demande et reconnu que les délais de réclamation sont trop longs tout en expliquant que des contrôles en temps réel ne sont pas possibles. Autre revendication : avoir autant de soutien que les médecins dans la mise en œuvre du tiers payant : « une plateforme d’aide a été mise en place [début juillet] pour les médecins mais nous n’y avons pas accès », regrette Aurélie Biville, également membre du Collectif. Pour le groupe Force et détermination des Idels, le sujet à débattre est celui de l’hospitalisation à domicile (HAD). Détournement de patientèle, chantage à la sortie de l’hôpital, critères d’inclusion des patients non respectés, sont quelques-uns des griefs à l’HAD formulés par Anne-Marie Serra, administratrice du groupe. Les revendications sont posées, reste à attendre le retour du ministère.