Hôtels hospitaliers FAUT-IL UN SAS ENTRE LE BLOC ET LE DOMICILE ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016

 

Le débat

Sandra Mignot  

Alors qu’un décret pour l’expérimentation d’hôtels hospitaliers en France devrait être publié cet automne, Strasbourg verra bientôt naître son premier Hospitel. Sans médecin, ni soignant, cette structure accueille les patients la veille de l’hospitalisation ou en post-opératoire immédiat avant le retour à domicile.

Julien Boehringer

Idel à Strasbourg (Bas-Rhin) et secrétaire de la FNI 67

Quel serait l’intérêt d’un hôtel hospitalier selon vous dans votre région ?

C’est intéressant pour des patients en ambulatoire et qui habitent loin de l’établissement où ils doivent être opérés ou subir des examens. Ils peuvent arriver la veille d’une intervention prévue tôt par exemple. C’est aussi surtout intéressant pour l’Assurance maladie, car une nuit en hôtel coûte moins cher qu’une nuit à l’hôpital. J’ai pris connaissance d’une étude(1) réalisée en 2012 en ophtalmologie qui montrait que, si l’on remplace cinq jours d’hospitalisation par trois nuits à l’hôpital et deux en hôtel hospitalier, cela permet d’économiser quelque 2 800 euros par patient. Si on multiplie par le nombre d’interventions réalisées annuellement, l’économie est considérable. Ensuite, les lits libérés ne resteront pas vides, évidemment. Mais cela aura pour conséquence une charge de travail plus intense pour les collègues hospitaliers, puisque les patients nécessitant le moins d’attention sortiront plus tôt et seront remplacés par des personnes représentant des soins plus techniques.

Ce type de service correspond-il à un besoin (voire une demande) observé (e) chez vos patients ?

Je n’ai pas entendu ce genre de demande chez les patients. Mais j’exerce dans Strasbourg et ils ne connaissent pas encore le concept. Il faut noter que, pour le patient, être à l’hôtel n’est toujours pas être chez soi. Certains préfèreront se trouver dans leur environnement familier. Et puis, à l’hôtel, ils pourraient se sentir plus seuls qu’à l’hôpital. Dans un service hospitalier, quoi qu’il en soit, il y a du personnel qui passe.

Quel serait l’impact de ce type d’établissement sur votre pratique professionnelle ?

Nous pourrions avoir probablement quelques actes à réaliser dans ces hôtels, si ce ne sont pas les hospitaliers qui s’en chargent. Ce serait un développement dans les soins de ville à la périphérie de l’établissement hospitalier. Mais nous n’avons pas encore été contactés à propos de ce projet, le cadre n’est pas totalement finalisé. Un partenariat nouveau pourra peut-être être envisagé autourdes soins de pansements, de l’administration d’anticoagulants, de soins ophtalmologiques…

Jacques Marescaux

Chirurgien et directeur général de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Strasbourg

Quel serait l’intérêt d’un hôtel hospitalier selon vous dans votre région ?

L’hôtel hospitalier sur lequel nous travaillons(2) fonctionnera avec l’IHU où nous réalisons de la chirurgie mini-invasive guidée par l’image. Avec ces techniques, pour de nombreuses interventions, dans les dix prochaines années, cela n’aura plus de sens de laisser le malade à l’hôpital simplement pour le nourrir et passer le voir deux fois par jour. Et puis, sortir plus tôt de l’environnement hospitalier, c’est limiter le risque nosocomial. Dans un hôpital régional, la majorité des patients vit à plus de trente kilomètres. Or, si on veut développer des chirurgies lourdes en ambulatoire, il faut trouver une structure intermédiaire avant le retour à la maison, car certains patients ont encore peur de rentrer chez eux juste après une intervention chirurgicale.

Ce type de service correspond-il à une demande observée chez vos patients ?

Nous n’avons pas sondé les patients. Pourtant, même en Alsace où les gens bénéficient d’une prise en charge à 100 % de leurs frais d’hospitalisation et ont donc longtemps apprécié de rester plusieurs jours à l’hôpital, on constate que les patients souhaitent désormais des hospitalisations de plus en plus courtes.

Quel serait l’impact de ce type d’établissement sur votre pratique professionnelle ?

La présence de l’Hospitel accélérera forcément le développement des procédures Eras (Enhanced Recovery After Surgery – réhabilitation rapide après chirurgie programmée). On aura une modification des protocoles anesthésiques (fini le jeûne strict pré-opératoire), une ablation précoce des cathéters et autres sondes dont on sait qu’ils majorent le risque de complications. Par ailleurs, nous allons développer l’usage des patchs électroniques permettant le contrôle des paramètres vitaux à distance et qui peuvent déclencher une réhospitalisation si une dégradation rapide est observée. Enfin, les malades opérés pourront être mis en contact directement avec des Idels pour les soins de suite durant leur séjour à l’Hospitel. Cela rassurera le patient. Ces infirmiers apprécieront peut-être de réaliser des actes techniques plus proches de ceux de leurs confrères hospitaliers sans entrer dans la hiérarchie hospitalière.

(1) À consulter via le lien raccourci bit.ly/2cVxcHo

(2) L’hôtel hospitalier de Strasbourg ou Hospitel sera installé dans les murs de l’ancienne clinique des Diaconnesses et n’est pas candidat à l’expérimentation organisée par le ministère de la Santé.