Administration des AOD - L'Infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 329 du 01/10/2016

 

Cahier de formation

Savoir faire

Les AOD peuvent provoquer des hémorragies plus ou moins sévères. Et leurs schémas posologiques – différents selon l’indication et le patient – exposent au risque de mésusage. Bien informer le patient est essentiel pour prévenir la iatrogénie.

Mme A. vous demande conseil pour son mari Roger, qui souffre de fibrillation auriculaire et vient de débuter un traitement par Pradaxa : « Mon mari a beaucoup de médicaments à prendre et il n’aime pas avaler les gélules, surtout quand elles sont grosses. Pensez-vous qu’il puisse ouvrir les gélules de Pradaxa ? »

Non, les gélules de Pradaxa ne doivent pas être ouvertes sous peine de risquer un surdosage. Il faut les avaler avec un grand verre d’eau pour améliorer la tolérance gastro-intestinale et prévenir les ulcérations œsophagiennes.

CONSEILS DE PRISE

Observance

→ Il faut rappeler au patient l’importance d’une observance rigoureuse car un traitement AOD est particulièrement sensible à l’oubli de prise du fait de la brièveté de la demi-vie des molécules.

→ Bien expliquer au patient qu’il ne doit pas arrêter de lui-même le traitement car l’absence d’anticoagulation l’expose à un risque de complication thrombotique.

→ Afin de favoriser l’observance, il est conseillé de respecter un horaire régulier pour l’administration. Pour éviter l’incertitude liée à la prise ou non du médicament et éviter les oublis ou les rattrapages de “faux oublis”, l’utilisation d’un pilulier est recommandée. On peut aussi associer la prise à un rituel du lever ou du coucher : se brosser les dents, promener son chien, etc.

→ La dose et le nombre de prises diffèrent selon l’indication, la molécule et le risque hémorragique du patient (voir tableau page ci-contre). Deux prises par jour peuvent s’avérer plus difficiles à respecter et l’Idel peut être alors amenée à renforcer la surveillance de la bonne observance des patients et à établir des plans de prise.

→ En cas d’oubli, il ne faut en aucun cas doubler la prise suivante.

Modalités d’administration

→ Le rivaroxaban (Xarelto) : au cours d’un repas car la prise d’aliments permet d’augmenter sa biodisponibilité.

→ L’apixaban (Eliquis) et le dabigatran (Pradaxa) : au cours ou en dehors des repas, l’alimentation ne modifiant pas leur efficacité.

→ Les comprimés d’Eliquis et de Xarelto peuvent être écrasés et mélangés à de l’eau, de la compote de pomme ou du jus de pomme (Eliquis) et administrés immédiatement après.

→ Ne pas ouvrir les gélules de Pradaxa car cela augmente la biodisponibilité de la molécule et le risque de saignement. Ne pas déblisteriser à l’avance les gélules de Pradaxa, la plaquette thermo-formée en aluminium ne doit être enlevée qu’au moment de la prise de la gélule.

EN CAS D’OUBLI

Schémas à une prise par jour

Dabigatran dans la prévention des événements thrombo-emboliques veineux (TEV) en post-chirurgie orthopédique, rivaroxaban hors phase aiguë du traitement de la thrombose veineuse profonde (TVP)/embolie pulmonaire (EP).

Selon l’ANSM, l’oubli peut être rattrapé dans un délai de douze heures après la prise normale habituelle, puis le traitement se poursuit à l’heure normale le lendemain. Passé ce délai, l’oubli ne sera pas rattrapé et le patient attendra l’heure de la prise suivante sans doubler la dose.

Schémas à deux prises par jour

→ Dabigatran dans la fibrillation auriculaire (FA) et la TVP/EP, apixaban, rivaroxaban dans le traitement de la TVP/EP en phase aiguë.

D’après l’ANSM, la dose oubliée peut être rattrapée dans un délai de six heures après l’oubli, puis le traitement poursuivi normalement. Au-delà, ne pas rattraper l’oubli et attendre l’heure de la prise suivante sans doubler la dose.

→ Dans le cas du Xarelto 15 mg, le résumé des caractéristiques du produit précise que si l’oubli a lieu pendant la phase aiguë du traitement de la TVP/EP, c’est-à-dire pendant les trois premières semaines, le patient doit prendre immédiatement le comprimé de Xarelto oublié afin d’assurer une prise de 30 mg par jour (dans ce cas, il est possible de prendre simultanément deux comprimés de 15 mg), puis poursuivre normalement le traitement dès le lendemain avec deux prises quotidiennes de 15 mg.

RELAIS AVEC LES AUTRES ANTICOAGULANTS

Cas des relais avec les AVK

Relais AVK/AOD

Commencer par arrêter l’AVK, puis débuter l’AOD, selon la décision médicale, seulement le jour où l’INR a atteint une certaine valeur (déterminée en fonction de l’indication et de l’AOD).

AVK vers apixaban ou dabigatran

Arrêter l’AVK et introduire l’AOD quand l’INR est strictement inférieur à 2.

AVK vers rivaroxaban

Arrêter l’AVK et introduire la rivaroxaban quand l’INR est inférieur à 3 dans la fibrillation auriculaire ou inférieur à 2,5 dans la TVP et l’EP.

Relais AOD/AVK

Les modalités diffèrent selon l’AOD à arrêter.

Apixaban ou rivaroxaban vers AVK

L’AOD et l’AVK seront co-administrés jusqu’à ce que l’INR atteigne l’intervalle cible, et ce, au moins pendant deux jours. Lors des deux premiers jours du relais, l’AVK est introduit à posologie initiale standard puis augmenté sur avis médical en fonction de l’INR. L’INR sera mesuré pour la première fois après ces deux jours (faire le prélèvement d’INR juste avant la prise d’AOD car celui-ci peut perturber la mesure). La co-administration sera poursuivie jusqu’à ce que l’INR soit supérieur ou égal à 2, puis l’AOD arrêté sur décision médicale et l’INR recontrôlé 24 heures après l’arrêt de l’AOD.

Dabigatran vers AVK

L’initiation du traitement AVK dépend de la fonction rénale du patient :

→ si la clairance de la créatinine est supérieure ou égale à 50 mL/min : l’AVK sera débuté trois jours avant l’arrêt du dabigatran (sur décision médicale) et l’INR contrôlé au moins deux jours après son arrêt ;

→ si la clairance de la créatinine est inférieure à 50 mL/min : l’AVK sera débuté deux jours avant l’arrêt du dabigatran (sur décision médicale) et l’INR contrôlé au moins deux jours après son arrêt.

Cas des relais avec les anticoagulants injectables

Ces relais se font sans chevauchement des deux anticoagulants.

Relais anticoagulant injectable/AOD

→ Chez les patients traités par héparines non fractionnées (HNF) en intraveineuse (administration continue d’héparine sodique), l’AOD sera débuté au moment de l’arrêt de l’héparine.

→ Dans les autres cas (héparine calcique, héparines de bas poids moléculaire, fondaparinux), l’AOD sera initié à l’heure prévue de l’injection de l’anticoagulant (ou deux heures avant dans le cas du dabigatran ou du rivaroxaban).

Relais AOD/anticoagulant injectable

Il est possible de procéder au passage d’un anticoagulant oral direct à un anticoagulant injectable à l’heure prévue de l’administration de l’AOD.

Cas du relais entre deux AOD

Le relais AOD/AOD ne nécessite pas non plus de chevauchement entre les prises. En cas de changement d’une molécule pour une autre (sur décision médicale), le passage d’un AOD à un autre se fait à l’heure prévue de la prise de la molécule remplacée, sans co-administration.

Point de vue

« Vérifier la bonne compréhension du plan de prise »

Pr Ludovic Drouet, responsable du Centre de référence et d’éducation des antithrombotiques d’Île-de-France

« Étant donné l’absence de contrôle biologique avec ces nouvelles molécules, il y a un risque que le patient banalise le traitement et de non-adhérence régulière à celui-ci. L’Idel doit faire passer le message suivant : ces médicaments sont efficaces à condition de les prendre, il ne faut pas oublier de les prendre, ni doubler une prise. L’Idel doit également vérifier la bonne compréhension du schéma de prise par le patient, mais aussi des éventuelles modifications de doses en début de traitement, comme c’est le cas dans la thrombose veineuse profonde. »