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L'infirmière Libérale Magazine n° 328 du 01/09/2016

 

Éric Guillaume, consultant pour des laboratoires

La vie des autres

Corinne Drault  

Holters, capteurs de glucose en continu, pompes à insuline … Éric Guillaume, IDE au CHU de Toulouse, est expert dans la manipulation de ces objets électroniques qui accompagnent les patients diabétiques dans leur prise en charge. Et il collabore avec les industriels pour développer des dispositifs répondant encore plus aux attentes et pratiques des patients.

Comment conjuguer soins et services à la personne, sens du relationnel et passion des nouvelles technologies ? Éric Guillaume, 46 ans, infirmier dans le service de diabétologie du CHU de Toulouse (Haute-Garonne), est sorti des sentiers battus pour tracer sa voie. Assis derrière un imposant bureau encombré d’objets “high tech” ressemblant à des téléphones portables, le quadra est en charge des consultations “holter” et d’éducation thérapeutique. C’est là, dans cet immense hôpital juché sur les hauteurs de Rangueil, à cinq kilomètres de la ville rose, qu’il reçoit ses patients. « Certains viennent parce que leur concentration en hémoglobine glyquée n’est pas bonne. Nous cherchons ce qui ne va pas, en leur posant un holter. Les données collectées durant une semaine sont analysées, ce qui nous permet d’adapter le traitement mis en place ».

Prise en charge inédite

D’autres patients viennent pour une consultation d’éducation thérapeutique. « Ce qui correspond à environ la moitié des malades que je reçois », lance-t-il de sa voix aux accents du Sud-Ouest. « Cette consultation s’adresse à des personnes qui ont besoin d’un suivi rapproché, en particulier les femmes enceintes atteintes d’un diabète de type 1. L’idée, dans ces cas-là, est de leur apprendre à adapter leurs traitements en fonction de leur glycémie. Nous leur proposons des capteurs qui leur permettent d’analyser en temps réel la glycémie, sans piqûre. » Et d’ajouter : « Nous sommes actuellement un des rares services en France à mettre à disposition des malades ce type de dispositif. Un service dont le coût n’est pas supporté par le patient, une vraie chance, l’usage de ces appareils permettant d’améliorer considérablement les possibilités de traitement. » Une prise en charge inédite parfaitement maîtrisée par Éric Guillaume, connu pour son esprit “nouvelles technologies”, mais aussi pour ses relations avec les fabricants de capteurs. Un marché très dynamique, en plein développement actuellement.

À l’interface

Tout a commencé en 2011, se souvient le Toulousain. « C’est l’industrie qui est venue vers moi pour me proposer de participer à une étude visant à valider des capteurs de glycémie. À l’époque, je m’occupais déjà de la consultation d’éducation thérapeutique. J’ai toujours aimé parler, échanger avec les malades. C’est pourquoi, après mon intégration au CHU, j’ai bifurqué très vite vers cette consultation. »

Doué pour la communication, Éric Guillaume adore aussi l’innovation technologique. « J’ai une vraie appétence pour tous ces outils dont les performances ne cessent d’évoluer avec les avancées des télécommunications. » Une particularité que les industriels ont également remarquée de leur côté. Ainsi, de collaboration en collaboration, Éric Guillaume a fini par acquérir une solide notoriété dans le “milieu”. Mais, aujourd’hui, c’est plutôt en aval des essais qu’il intervient sur la question de la connectivité des capteurs. « Les ingénieurs sont capables de mettre au point des lecteurs avec beaucoup d’applications, mais on s’aperçoit que les patients ne s’en servent pas, car cela ne correspond pas à leur besoin. Aussi, en tant que professionnel de santé, je suis sollicité pour mon expérience terrain. Je rencontre tous les jours des malades, je sais comment ils utilisent leur appareil, ce qui est intéressant pour eux. Lorsqu’un industriel vient me demander mon avis sur un projet qu’il souhaiterait développer, mon rôle est donc de dire si le produit présente un intérêt pour le patient. Je suis comme une interface entre l’utilisateur et l’industriel, une sorte de tampon entre ce qui se passe dans la vraie vie avec le lecteur et comment le laboratoire imagine le faire évoluer. »

Des relations avec l’industrie que le soignant vit comme une ouverture au monde. « Elles me permettent de varier mon travail (interventions orales, réunions, formations, etc.) et d’échanger avec des personnes qui n’ont pas forcément les mêmes préoccupations que nous à l’hôpital, notamment sur les questions de politique de santé publique. »

Collaborations rémunérées

Contrairement aux médecins, peu d’infirmiers travaillent à l’heure actuelle avec les laboratoires. « Il faut avoir une certaine aisance pour parler en public, être spécialiste d’un domaine, se rendre disponible et accepter les déplacements. » L’IDE participe à des réunions avec les industriels, en soirée ou le week-end. Ses conseils et les conventions sont rémunérés, bien sûr. Le soignant, décomplexé, n’y voit aucun problème, « puisqu’il n’y a pas de prescription, mais simplement analyse des besoins des patients en termes d’outils technologiques. Je suis très “service public”. Avant d’intégrer l’hôpital, je travaillais en cancérologie dans un établissement privé. J’ai eu peur de m’ennuyer au départ en diabétologie, c’est vrai, mais maintenant je me régale. Le CHU me fait confiance. J’ai de la chance. »

Il dit de vous !

« Nous avons peu de patients en commun. Néanmoins, il m’arrive de les rencontrer, notamment par le biais de formations. Nous n’avons pas la même vision, car nos relations avec les patients sont très différentes. Les Idels, en se rendant plusieurs fois par jour au domicile des malades, sont en effet plus proches d’eux, et connaissent leurs préoccupations, tandis que nous, infirmiers hospitaliers, nous rencontrons les patients uniquement dans le cadre d’une consultation d’une durée limitée de 45 minutes. Elles ont donc tendance à partager davantage le point de vue des patients. Mais notre collaboration est toujours très fructueuse. Je leur rédige souvent des protocoles pour adapter les doses. Elles ont besoin d’être rassurées. Pour ma part, j’aime bien les contacter, car elles me donnent souvent des informations que les patients oublient d’évoquer lors de la consultation. Côté nouvelles technologies, le coût et la spécifité de ces appareils les cantonnent pour le moment aux diabétiques de type 1. Les Idels n’ont donc que peu accès à ces technologies mais j’espère que cela va changer. »

AUTOSURVEILLANCE GLYCÉMIQUE À LA DEMANDE

Comment ça marche ?

Son principe de fonctionnement est simple : le patient insère un capteur de glucose sur sa peau au niveau de son bras et scanne les données de sa glycémie à l’aide d’un lecteur de la taille d’un téléphone portable. Les capteurs utilisés dans ce système sont employés depuis quelques temps dans d’autres systèmes, dont les pompes à insuline. L’innovation réside dans le fait que la technologie est aujourd’hui proposée dans le cadre d’une mesure du glucose discontinue. Le dispositif mis à disposition sur le marché marque un tournant car il permet aux patients de s’affranchir des piqûres au bout des doigts, que l’on sait très contraignantes et source d’abandon. Le seul frein qui bloque son déploiement est son prix, non remboursé pour l’heure par l’Assurance maladie.