« Un métier de seconde partie de carrière » - L'Infirmière Libérale Magazine n° 327 du 01/07/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 327 du 01/07/2016

 

Dr Jean-François Givert, président du Syndicat autonome des praticiens-conseil

La vie des autres

Véronique Hunsinger  

Les praticiens-conseil de la Sécurité sociale, garants de l’application des bonnes règles de l’Assurance maladie, sont finalement très peu en lien avec les Idels. En revanche, les services médicaux viennent d’embaucher des infirmières dans cinq départements.

C’est un métier peu connu du grand public et guère plus des Idels qui n’ont pas souvent de contacts directs avec eux. Pourtant, les 2 200 praticiens-conseil de la Sécurité sociale jouent un rôle essentiel dans le système de soins.

Travail plus sédentaire

Le Dr Jean-François Givert exerce le métier de médecin-conseil depuis 1992 et il est le président du deuxième syndicat de la profession en termes d’audience, le SAPC (Syndicat autonome des praticiens-conseil). « On devient praticien-conseil en passant un concours national, à l’issue duquel on est placé sur une liste d’aptitude et on peut ensuite choisir un poste, explique-t-il. Il faut être de nationalité française et titulaire d’un doctorat. » De fait, peuvent être praticiens-conseil les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes et les médecins, qui représentent d’ailleurs le gros des troupes. Médecin généraliste de formation, le Dr Givert a exercé en cabinet pendant sept ans avant de préférer changer de voie pour des raisons de santé. Il a alors passé le concours de la Sécurité sociale. « On se projette rarement praticien-conseil quand on commence ses études de médecine, remarque le Lillois. C’est souvent un métier qu’on exerce en seconde partie de carrière, notamment quand on souhaite avoir un travail salarié, plus sédentaire que la médecine de ville. »

Contrôles de bonne pratique

Le fondement de l’activité de praticien-conseil, c’est le contrôle. « Notre métier est défini par l’article L315-1 du Code de la Sécurité sociale, explique le Dr Givert. Dans le cadre des relations avec les assurés, nous apprécions les demandes de prise en charge particulières, comme les affections de longue durée ou la reprise après un accident du travail. Nous avons également un rôlede contrôle à l’hôpital, notamment de l’adéquation entre les séjours et la tarification à l’activité. » Les praticiens sont aussi très fréquemment en contact avec les professionnels de santé de ville, à l’exception notoire des Idels. « Nous intervenons surtout auprès des médecins pour leur rappeler les bonnes pratiques et chercher des explications lorsque leur activité semble porter des anomalies », indique le Dr Givert. Pour les Idels, c’est le service contentieux, au niveau administratif, de l’Assurance maladie, qui détecte informatiquement les grosses anomalies dans leur activité et transmet les informations au service médical. « On ne nous demande pas de faire des études sur les prescriptions des Idels, ce qui serait d’ailleurs compliqué pour nous car nous ne connaissons pas assez bien leur domaine », ajoute le Dr Givert, qui ne verrait pas forcément d’un mauvais œil la création d’un métier d’infirmier-conseil. Une hypothèse qui n’est pas à l’ordre du jour.

Charge de travail en hausse

En revanche, l’Assurance maladie expérimente actuellement la présence d’infirmiers au sein du service médical dans certaines caisses primaires d’Assurance maladie (lire l’encadré du bas). « C’est une expérimentation récente mais qui me semble intéressante, commente le médecin-conseil. Les infirmiers qui ont été embauchés ne sont pas là pour prendre des décisions sur des prestations mais pour préparer la décision du médecin. Cela fait gagner du temps, notamment pour les demandes de 100 % sur les affections de longue durée. Il est également prévu que ces infirmiers puissent participer au contrôle des facturations hospitalières. Ceux qui ont eu une expérience en établissements sont tout à fait aptes à le faire puisqu’ils connaissent bien tous les actes techniques. » Pas de concurrence apparemment entre les professions chez les praticiens-conseil dont les effectifs fondent et la charge de travail gonfle. « On nous demande de travailler toujours plus vite, souligne le syndicaliste. Les règles internes de la Sécu vont parfois au-delà des exigences de la loi. Par exemple, l’Assurance maladie veut que, si un patient est apte à reprendre le travail, il faut le notifier dans les huit jours, ce qui ne nous laisse pas toujoursle temps de prendre contact avec le médecin du travail. »

Indépendance sur les décisions médicales

Si les pressions sur la productivité des services médicaux sont réelles, le Dr Givert estime que le praticien-conseil garde, en revanche, toute son indépendance sur ses décisions médicales. La raison est notamment la structure très particulière du service médical qui est indépendant des caisses primaires et rattaché au service médical de la Caisse nationale (lire aussi le dossier pp.22-26).

Il dit de vous !

« Dans mon métier, je n’ai quasiment pas de contacts directs avec cette profession. Quand j’ai commencé, on pouvait encore être joint par les Idels quand elles avaient un problème de cotation, mais cela ne se fait plus aujourd’hui. Je ne saurais donc dire autre chose que des généralités sur ce métier, même si je le connais quand même un peu par le biais de ma belle-fille qui est Idel. Je pense que les infirmières travaillent beaucoup et qu’elles exercent très bien leurs missions. Au niveau des actes de base, elles ne sont sans doute pas rémunérées aussi bien qu’elles le devraient. Mais ce sont des problématiques qui restent très éloignées de notre métier de médecins-conseil. »

EXPÉRIMENTATION

Des infirmiers au service médical

Dans un contexte de pénurie médicale, les praticiens-conseil sont de plus en plus difficiles à recruter. La parution d’une annonce mi-décembre 2015 dans Le Quotidien du médecin pour recruter 129 médecins-conseil le suggère, par exemple… En renfort, l’Assurance maladie expérimente depuis 2015 un nouveau métier d’infirmier du service médical. Les expérimentations sont en cours en Côte-d’Or, dans le Nord, en Seine-Saint-Denis, dans l’Essonne et les Yvelines. Les IDE candidats doivent justifier de cinq ans d’expérience professionnelle. Il n’est pas nécessaire de passer un concours pour être recruté, les infirmiers embauchés sont salariés de droit privé. La période d’essai est de deux mois, dont deux semaines de formation théorique et six semaines de stage. Si elle est concluante, l’expérimentation pourrait être généralisée.