Revaloriser le patient - L'Infirmière Libérale Magazine n° 326 du 01/06/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 326 du 01/06/2016

 

Élodie Fichot, infirmière coordinatrice d’une équipe mobile Alzheimer à domicile, à Beaune (Côte-d’Or)

La vie des autres

Chantal Béraud  

Élodie Fichot est infirmière coordinatrice à la fois au sein d’un Ssiad et d’une équipe mobile Alzheimer à domicile (Emad). Pour les familles démunies face à la maladie d’un des leurs, ce service constitue une solution intermédiaire avant le placement en structure spécialisée.

Une Emad s’inscrit dans un dispositif national, réservé à des patients qui sont au stade débutant de la maladie d’Alzheimer. Ce dispositif consiste à bénéficier de quinze séances d’une heure pendant trois mois. « Ce sont essentiellement les médecins traitants, les gériatres et les assistantes sociales qui m’appellent pour me signaler ces malades, constate Élodie Fichot, infirmière coordinatrice à Beaune, au sein du Ssiad Atome (des services mutualistes à domicile). Nous commençons aussi à avoir des personnes qui téléphonent elles-mêmes, au début d’un diagnostic ou quand elles souffrent de troubles de la mémoire. »

Évaluation au domicile

Élodie Fichot se rend au domicile afin de remplir un premier document, comprenant en particulier les renseignements administratifs, la grille Aggir. La discussion se déroule avec le malade mais aussi avec son principal aidant. « La famille m’informe souvent que son proche ne fait plus telle chose, qu’il oublie telle autre… Le malade lui-même me dit parfois qu’il a l’impression de perdre la tête. » La vérification de la connaissance ou non des prénoms des enfants, des petits-enfants, l’utilisation ou non d’appareils ménagers, l’apparition progressive d’un isolement social sont autant de facteurs d’alerte. « Certaines demandes de familles peuvent s’avérer injustifiées.Ou les proches sont demandeurs, mais pas le malade. Dans ce cas, je leur laisse la documentation en leur indiquant que nous plaçons la personne sur notre liste d’attente. » Le dossier est ensuite transmis à un ergothérapeute : « Son rôle est de situer vraiment où sont les troubles ainsi que les objectifs à mettre en place, dans le cadre d’un projet de soin personnalisé. » Des activités sur-mesure sont alors programmées, assurées par un assistant de soins en gérontologie. « Suivant le goût du patient, l’assistant de soins en gérontologie propose du jardinage, la réalisation d’une recette de cuisine, des jeux de scrabble ou même de faire du slam. Il adapte aussi les outils de la vie quotidienne (téléphone, machine à laver), en supprimant par exemple toutes les touches inutiles. Et si une personne ne sait plus se rendre chez son boulanger, l’assistant de soins en gérontologie l’accompagne pour lui donner d’autres repères, davantage visuels. » Tout cela ne soigne pas mais permet de revaloriser le malade sur ce qu’il sait encore faire, d’augmenter son bien-être (même temporairement) en vivant mieux, y compris au sein de son propre logement.

Pour les aidants aussi

L’entretien d’évaluation concerne aussi le conjoint ou l’aidant principal : « J’observe s’il est dans le déni, l’incompréhension ou même dans l’épuisement. C’est dur de voir son proche redevenir comme un enfant… »

Une incompréhension qui peut même conduire à de la maltraitance. Par exemple, un fils devenait violent envers sa mère car, dès qu’elle sortait de table, elle lui disait qu’elle avait faim… « J’explique que ces séances sont aussi faites pour donner quelques heures de répit à l’aidant, lui permettre de souffler ou simplement de faire ses courses. » D’ailleurs, à l’issue du dispositif, il semble primordial de lui substituer une autre forme d’aide régulière sur l’année, comme de l’accompagnement par une aide à domicile.

Plus de demandes que d’offres

Selon l’association France Alzheimer et maladies apparentées, dans le cadre du plan 2008-2012, 417 équipes spécialisées Alzheimer (ESA), ou Emad, ont été créées, ce qui correspond à 4 154 places. Pour le nouveau plan (2014-2019), 74 nouvelles ESA sont prévues, soit 740 places pour 2 220 malades supplémentaires accompagnés. « Nous avons malheureusement plus de demandes que de possibilités d’offres », soupire Élodie Fichot. Et quels résultats voit-elle sur le terrain ? « Au final, un bilan des interventions est établi par l’ergothérapeute. Lors des consultations mémoire dispensées à Beaune par le Dr Belin, je sais qu’il constate des améliorations quand il refait des tests après la réalisation des séances. » Il existe aussi un livre blanc qui dresse, entre autres, le bilan des ESA* Pour Élodie Fichot, le bilan personnel s’avère positif. « J’aime multiplier les expériences. À ma sortie en 2006 de l’Ifsi de Semur-en-Auxois, j’ai exercé en cancérologie. J’ai aussi fait beaucoup d’intérim, à l’hôpitalet en maisons de retraite. L’avantage de notre formation, c’est qu’elle nous permet de tester plein de choses différentes. »

* À lire via le lien raccourci bit.ly/1X6vHpl

Elle dit de vous !

« J’ai conscience que les Idels jouent un rôle très important à domicile. Elles n’exécutent pas juste un acte technique, elles établissent souvent une relation de confiance avec leurs patients. En théorie, elles pourraient donc remonter beaucoup d’informations les concernant. Mais, en pratique, je trouve que les médecins traitants ou le milieu hospitalier ne font peut-être pas assez appel à elles. Ceci dit, elles ont déjà tant de boulot que je ne suis pas certaine qu’elles voudraient ou pourraient remplir ce rôle. Une Idel peut en tout cas parfaitement avertir ses patients de l’existence de notre service. Elles sont en effet bien placées pour détecter rapidement l’arrivée de troubles de la mémoire. L’intervention de l’équipe mobile Alzheimer à domicile, très efficace dès les premiers signes, peut permettre un plus long maintien au domicile. C’est donc une aide supplémentaire pour tous ! »

INFIRMIÈRE COORDINATRICE

Être à l’écoute

Créées depuis 2008, les ESA (aussi appelées Emad) sont des équipes spécialisées Alzheimer à domicile. Le dispositif, accordé sur prescription médicale après un diagnostic établi par un médecin neurologue ou par un psychiatre et renouvelable une fois par an, est intégralement pris en charge par la Sécurité sociale. Quant au poste d’infirmière coordinatrice, il n’est financé qu’à hauteur de 25 %, ce qui contraint son titulaire à avoir deux casquettes professionnelles, comme Élodie Fichot, dont le travail se partage entre le Ssiad et l’Emad. « Ce que j’aime bien dans ce second travail, c’est d’apprendre à connaître la personne. Lors de l’entretien, je prends beaucoup de notes, de manière à transmettre le maximum de renseignements à l’équipe d’ergothérapeutes. Cela demande le sens du contact, de la synthèse. Pour bien saisir les situations, il faut être dans la compassion, savoir entendre le mal-être, sans pour autant s’apitoyer… » La jeune femme n’a suivi aucune formation complémentaire pour exercer cette fonction, pour laquelle elle perçoit le même niveau de rémunération qu’au sein du Ssiad.

Pour accéder au cahier des charges des ESA, lire le document via bit.ly/1NsWUAH