Nutrition entérale par gastrostomie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 323 du 01/03/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 323 du 01/03/2016

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous vous rendez chez M. R. pour brancher sa NE pour la nuit. Il est porteur d’une gastrostomie dont il a fixé la sonde sur son abdomen avec du sparadrap. Vous observez que la sonde a été fixée en tension et qu’elle “tire” sur la stomie.

Vous lui expliquez qu’il peut laisser la sonde libre car, si elle est fixée en tension sur la stomie, elle risque d’agrandir la stomie et/ou de provoquer des écoulements de liquide gastrique. Si la sonde est fixée sur l’abdomen pour éviter que le poids de la sonde ne provoque un agrandissement (choix différents en fonction des soignants), il doit veiller à ce que la sonde ne “tire” pas sur la stomie. Observez le pourtour de la stomie à la recherche d’altération cutanée et d’écoulement de liquide gastrique.

Une gastrostomie est un dispositif indiqué pour la NE de moyenne et longue durée (plus de trois semaines), dès lors que le tube digestif est fonctionnel. Les conditions d’administration des apports (nutriments, eau, médicaments), la surveillance et la gestion des complications médicales de la NE sont identiques à celles présentées pour la NE par sonde naso-gastrique (et ne sont pas reprises ici). Sachant notamment qu’une gastrostomie n’évite pas le risque de régurgitation et de pneumopathie d’inhalation.

MATÉRIEL

Les sondes de gastrostomie

Elles existent en polyuréthane (PUR) ou en silicone. Caractéristiques :

→ diamètres externes : 9 à 30 CH (3 à 10 mm). À charrière équivalente, les sondes en polyuréthane offrent un diamètre interne plus important ;

→ longueurs : 15 à 45 cm ;

→ la sonde est maintenue dans la lumière digestive grâce à un système de rétention (collerette, dôme ou ballonnet) et, au niveau de la peau, par une collerette réglable en coulissant sur la sonde ;

→ l’extrémité proximale est dotée d’un site principal d’alimentation avec valve anti-retour, d’un site secondaire dédié à l’administration des médicaments (ou à la décompression gastrique) et d’un site de gonflage de ballonnet, le cas échéant ;

→ l’utilisation précoce de la sonde est possible dans les trois à six heures après la pose.

Deux types de sondes

→ Les sondes utilisées lors de la pose de la gastrostomie sont généralement munies d’une collerette ou d’un dôme interne afin d’éviter le retrait accidentel de la sonde, mais il est possible aujourd’hui de rencontrer des sondes ou des boutons à ballonnet posés d’emblée.

→ Les sondes (ou boutons) de remplacement sont généralement munies d’un ballonnet (parfois d’une collerette interne). Le remplacement de la première sonde n’est possible que huit semaines après la pose, pour que le trajet fistuleux soit suffisamment constitué, limitant ainsi le risque de fuite péritonéale. La durée de vie d’une sonde ou d’un bouton de gastrostomie à ballonnet est de l’ordre de trois à six mois maximum. Son changement ne nécessite pas d’hospitalisation et peut se faire en cabinet de consultation.

Le bouton de gastrostomie

Système de gastrostomie dont l’orifice de connexion et de fermeture se situe au ras de la peau abdominale du patient. Sa mise en place a lieu le plus souvent deux à trois mois après la pose d’une gastrostomie. Son utilisation implique l’ajout d’un prolongateur pour plus d’aisance. Prolongateur et bouton sont rincés ensemble avant et après le passage d’une nutrition.

CONTRE-INDICATIONS

Des contre-indications spécifiques à chaque technique de pose de gastrostomie existent, tout comme des contre-indications communes à toute gastrostomie percutanée.

Contre-indications absolues

→ Troubles sévères de l’hémostase.

→ Pronostic vital de moins d’un mois.

→ Démence évoluée.

Contre-indications relatives

→ Hernie hiatale, ulcère évolutif, hypertension portale, antécédent de gastrectomie, ascite, pathologie tumorale œsophagienne.

→ Dénutrition sévère, facteur de risque de complication après la pose (une renutrition artificielle préalable est recommandée).

→ Infection en cours (traiter l’infection et obtenir l’apyrexie avant la pose).

→ +/- traitement par chimiothérapie en cours (risque augmenté de complications infectieuses et de mauvaise cicatrisation).

TECHNIQUES DE POSE

Par voie endoscopique

La gastrostomie endoscopique percutanée (ou GPE) est posée lors d’une endoscopie haute selon trois méthodes :

→ dans la méthode “push” (pousser), la sonde est coulissée sur un guide ;

→ dans la méthode “pull” (tirer), la plus utilisée, la sonde de gastrostomie est descendue par l’œsophage tractée par un fil ;

→ dans la méthode “introducer” (introducteur), la sonde est installée par ponction directe dans la paroi abdominale sous contrôle endoscopique.

Par voie radiologique

La gastrostomie percutanée sous contrôle radiologique (GPR) est un geste simple, réalisé sous anesthésie locale en une vingtaine de minutes, qui peut être proposé à la plupart des patients, même fragiles. Le choix de la GPR en première intention tend à se développer alors qu’elle n’était jusqu’alors proposée qu’en cas d’échec d’une GPE ou d’obstacle (ORL ou digestif) à la pose d’une GPE. Les deux techniques sont aujourd’hui complémentaires.

Par voie chirurgicale

Plus rare, la gastrostomie chirurgicale s’avère peu adaptée à la prise en charge de patients fragilisés et/ou âgés. Elle est utilisée la plupart du temps lors d’une intervention chirurgicale en prévision d’un problème nutritionnel en post-opératoire.

Fixations de la gastropexie

La paroi de l’estomac est fixée à la paroi abdominale (gastropexie) par des ancres. Lors de la pose de la gastrostomie, trois ancres sont mises en place, disposées en triangle autour du point de ponction par lequel sera introduite la sonde. Ces ancres tombent spontanément, sinon elles sont enlevées dans les dix à vingt jours suivant leur mise en place, voire avant si elles sont responsables d’infection ou de douleurs persistantes. Dans les deux cas, il n’est plus nécessaire de faire des soins antiseptiques après leur retrait (lire ci-après).

SOINS DE GASTROSTOMIE

Soins quotidiens

Pendant une à deux semaines après la pose

→ Nettoyage antiseptique quotidien de la peau, de la stomie et des boutons d’ancrage : protocole Bétadine (ou antiseptique non alcoolisé).

→ Bien sécher la peau, la stomie et les ancres, par tamponnement.

→ Surveillance de la stomie : propre, sèche, sans érythème, pas d’exsudat et peu d’écoulement (légère inflammation, rougeurs et faible écoulement sont considérés comme normaux). « Il n’y a pas d’écoulement si la stomie est bien posée et si la sonde est adaptée à la stomie. En présence d’écoulement abondant, orienter vers une consultation sans attendre car les sucs gastriques sont très corrosifs et peuvent endommager rapidement la peau sur le pourtour de la stomie », prévient Tania Palmieri.

→ Compresses stériles et fixation avec pansement adhésif type Hypafix ou un film adhésif transparent.

Pendant les deux semaines suivantes

En l’absence de complications, réfection du pansement antiseptique trois fois par semaine.

Après un mois

→ Les soins antiseptiques ne sont plus nécessaires.

→ Pas de pansements au niveau de la stomie, sauf s’il existe un risque de traction accidentelle ou volontaire, de souillure ou d’infection.

→ Les soins cutanés quotidiens consistent en un lavage à l’eau savonneuse après avoir remonté la collerette externe sur la sonde et en un séchage délicat.

→ La douche est autorisée sans protection, les bains sont possibles avec un pansement imperméable.

Mobiliser la sonde (ou le bouton)

Pour éviter les adhérences et le recouvrement de la collerette interne par la muqueuse (sauf pour la GPR : pas de mobilisation tant que les ancres sont en place), il faut mobiliser la sonde dès la prise en charge de la gastrostomie par des mouvements de rotation sur elle-même et de dehors en dedans.

Vérifier la bonne position de la sonde

La vérifier régulièrement (repère, mesure de la longueur externe). Vomissements et douleurs abdominales peuvent être les signes d’une migration de la sonde (passage du pylore).

Vérifier la bonne position de la collerette externe

La sonde est fixée par le système de rétention interne et le système de retenue externe cutané qui doit être repoussé contre la paroi abdominale sans déprimer la peau. Vérifier l’absence de tension excessive en faisant une légère traction (la liberté de traction optimale est de 5 mm).

→ Une tension insuffisante peut être à l’origine de fuite de liquide gastrique au niveau de la stomie.

→ Une trop forte tension peut entraîner une incarcération de la collerette interne dans la paroi de l’estomac, ou une nécrose de pression de la paroi stomacale avec risque d’érosion, de perforation et/ou fuite du liquide gastrique.

Contrôler le remplissage du ballonnet de la sonde/du bouton

À faire environ une fois par mois, afin qu’il puisse bien jouer son rôle d’étanchéité et de maintien de la sonde ou du bouton. Le ballonnet est gonflé avec de l’eau faiblement minérale (pas d’air ni de sérum physiologique).

Complications cutanées

En cas de rougeur

S’il se manifeste une rougeur de la peau péri-orificielle par écoulement avec risque de brûlures cutanées par le liquide gastrique acide :

→ vérifier la bonne tension de la sonde, replacer la collerette externe si besoin ;

→ soins antiseptiques systématiques ;

→ protection cutanée (crème à l’oxyde de zinc, pâte à l’eau, pansement hydrocolloïde) ;

→ traitement anti-sécrétoire gastrique sur prescription ;

→ crème antifungique si prélèvements mycologiques positifs ;

→ en cas de persistance des symptômes, la consultation s’impose.

En cas d’abcès de paroi ou écoulement purulent

→ Prélèvements bactériologiques.

→ Soins antiseptiques systématiques.

→ Antibiothérapie générale.

→ Remonter la collerette externe pour éviter une compression cutanée.

→ En cas de persistance des symptômes, la consultation s’impose.

En cas de bourgeon charnu

→ Nitrate au crayon uniquement sur le bourgeon en protégeant la peau saine avec une crème grasse ou pâte à l’eau.

→ Renouveler l’application tous les deux jours jusqu’à disparition.

→ En cas d’échec, Corticotulle ou dermocorticoïde local (Dermoval ou Betneval 1 %) et tulle neutre, à renouveler tous les deux jours pendant huit jours.

Arrachement ou retrait accidentel

L’arrachement ou le retrait accidentel de la sonde ou du bouton nécessite d’avertir immédiatement le service ayant posé la gastrostomie car le risque de fermeture de la stomie est important et rapide. L’ouverture de la stomie peut être préservée grâce à la mise en place en urgence d’une sonde ou d’un bouton de remplacement. « Le prestataire laisse généralement à disposition du patient un bouton de rechange pour que celui-ci l’amène à l’hôpital et qu’il y soit posé rapidement. Il est également possible de laisser une sonde de rechange sur prescription médicale », indique Tania Palmieri.

Nutrition entérale par gastrostomie

Une gastrostomie consiste à créer un accolement de l’estomac à la paroi abdominale avec une stomie permettant l’apport de nutriments directement dans l’estomac par l’intermédiaire d’une sonde (ou d’un bouton) maintenue en place par un ballonnet gonflé à l’eau situé à l’intérieur de l’estomac.

Pose d’une GPE par la technique “pull”

C’est la plus utilisée et la plus rapide pour une gastrostomie endoscopique percutanée (GPE).

Point de vue

« Un accompagnement pour l’Idel »

Tania Palmieri, directrice de la prestation nutrition chez Orkyn’, prestataire de santé à domicile

« En amont du retour à domicile du patient et afin de permettre la meilleure continuité des soins par l’Idel, la diététicienne du prestataire a pris connaissance des besoins du patient auprès de l’équipe hospitalière. Elle a déjà rencontré le patient et lui a présenté la façon dont sera organisée sa prise en charge à domicile. La diététicienne a un rôle pédagogique et d’accompagnement de l’Idel. Elles vont reprendre ensemble la prescription médicale, la présentation du matériel mis en place et les règles de bonnes pratiques du soin. La diététicienne du prestataire lui présentera aussi la prestation qu’elle sera amenée à réaliser. »

Point technique

« Laisser la gastrostomie à l’air libre »

Tania Palmieri, infirmière, directrice de la prestation nutrition chez Orkyn’, prestataire de santé à domicile

« Le soin de gastrostomie se simplifie au fur et à mesure de la cicatrisation de la stomie, qui est généralement terminée au bout de quatre semaines. Après ce délai, il suffit de laver le pourtour de la sonde à l’eau et au savon, de rincer et de sécher sans couvrir. Contrairement à ce qui se pratiquait auparavant, le pansement n’est plus utile après la phase de cicatrisation. Un pansement maintenu trop longtemps est source d’altérations cutanées de type bourgeonnement. Il n’est pas non plus souhaitable de fixer la partie extériorisée de la sonde sur l’abdomen, à cause du risque de tension sur la stomie. »