Ce que change la loi du 2 février - L'Infirmière Libérale Magazine n° 323 du 01/03/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 323 du 01/03/2016

 

DROITS DES PATIENTS EN FIN DE VIE

Votre cabinet

Me Geneviève Beltran*   Véronique Veillon**  

La loi du 2 février 2016 complète et modifie les droits des patients en fin de vie. Examen des principales dispositions.

Le droit à une fin de vie digne

La loi dispose que toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Ainsi pourront être suspendus les actes « résultant d’une obstination déraisonnable », ceux qui n’auront pas d’autre effet que « le seul maintien artificiel de la vie », telles, par exemple, la nutrition et l’hydratation artificielles.

De même, la loi prévoit que, dans certaines situations (patient atteint d’une affection grave et incurable, pronostic vital engagé à court terme), il sera possible de mettre en œuvre une « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès et associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie ». Cette sédation pourra avoir lieu non seulement dans les établissements de santé mais aussi au domicile du patient. Élément primordial, ces décisions ne pourront être prises que si le patient en a exprimé le souhait ou, s’il ne peut pas exprimer sa volonté, sur décision médicale collégiale, laquelle aura l’obligation de vérifier si le patient a laissé des directives. À défaut, la personne de confiance ouïes proches seront consultés.

Le droit au refus de soins

Déjà affirmé dans le Code de la santé publique (CSP), ce droit est ré affirmé avec force. Le patient peut ainsi refuser un traitement. Le médecin a l’obligation de respecter sa volonté après l’avoir informé des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, le patient met sa vie en danger, il doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable.

Le droit de laisser des directives anticipées

Que sont les directives anticipées ?

Il s’agit d’un écrit, rédigé par une personne majeure, par lequel elle fait connaître ses désirs quant aux questions relatives à sa fin de vie et notamment celles relatives à la limitation des traitements. Le patient a la liberté de demander leur arrêt, même si cela peut mettre sa vie en danger (article L 1111-11 du CSP).

Ce que dit la nouvelle loi : elle prévoit la possibilité pour les majeurs sous tutelle de rédiger leurs directives anticipées sous réserve de l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille lorsqu’il existe.

Existe-t-il un formalisme particulier ?

Cet écrit doit être daté, signé et authentifié par le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance du rédacteur. Un patient qui n’est pas en état d’écrire mais qui est capable d’exprimer sa volonté peut faire appel à deux témoins, dont éventuellement la personne de confiance, pour attester que l’écrit correspond à la véritable expression d’une volonté libre et éclairée. Ces témoins indiqueront leur nom et joindront leurs attestations aux directives anticipées. Ce que dit la nouvelle loi : les directives anticipées pourront être rédigées conformément à un modèle dont le contenu sera fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle prévoira la situation de la personne selon qu’elle se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle les rédige. Soulignons que l’Assurance maladie (www.ameli.fr) avait déjà mis en ligne sur son site un modèle de directives.

Quelle est leur durée de validité ?

Les directives peuvent être modifiées à tout moment, partiellement ou totalement. Elles ne pouvaient jusqu’alors être prises en compte que si leur rédaction remonte au plus à trois ans avant l’état d’inconscience du patient.

Ce que dit la nouvelle loi : elle ne prévoit plus de durée spécifique. Les directives ont donc désormais une validité illimitée à compter de leur rédaction.

Où sont-elles conservées ?

Les modalités de conservation doivent satisfaire à un impératif évident qui est la facilité d’accessibilité. Pour cette raison, un éventail très important de possibilités était ouvert : conservation dans le dossier du médecin de ville, dans le dossier médical du patient en cas d’hospitalisation, par l’auteur lui-même ou par la personne de confiance, un membre de la famille ou encore un proche.

Ce que dit la nouvelle loi : après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), un décret en Conseil d’État viendra définir les conditions d’information des patients, de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Elles pourront notamment être conservées sur un registre national. Lorsque ce sera le cas, leurs auteurs seront régulièrement informés de leur existence.

Quelle est leurvaleurjuridique ?

Les directives anticipées n’avaient qu’une simple valeur consultative.

Ce que dit la nouvelle loi : les directives s’imposeront désormais au médecin pour toute décision d’investigation, d’actes, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale, pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Si les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées, le médecin devra solliciter un avis collégial.

Le droit de désigner une personne de confiance

Peu de changements dans la nouvelle loi quant au rôle joué par la personne de confiance.

Qui peut la désigner?

Toute personne majeure. Le mineur ne bénéficie donc pas d’un tel droit.

Ce que dit la nouvelle loi : le majeur sous tutelle peut désormais désigner une personne de confiance avec l’accord du juge des tutelles ou du conseil de famille lorsqu’il en a été constitué un.

Qui peut être désigné ?

La loi ne spécifie rien à ce propos, si ce n’est qu’il doit s’agir d’un proche, un parent, un ami, voire le médecin traitant, dès lors qu’il existe un lien relationnel réel et antérieur à l’hospitalisation. Cela exclut donc la désignation d’une personne morale (comme une association), d’inconnus, ou des choix farfelus. Précisons par ailleurs que cette désignation ne vaut que pour l’hospitalisation en cours et qu’elle peut être dénoncée à tout moment par le patient.

Comment est-elle désignée ?

Lors d’une hospitalisation, l’établissement propose au patient de désigner une personne de confiance. Dans la plupart des structures, cette désignation, qui doit être écrite, fait l’objet d’une procédure spécifique : information du patient sur le rôle de la personne de confiance, soit au service des admissions, soit dans les services de soins, et remise d’un formulaire type à compléter. Cette désignation peut intervenir à tout moment lors de l’hospitalisation. Même si la loi ne le prévoit pas expressément, il est important que la personne de confiance soit informée de sa désignation. Certains établissements ont choisi de lui faire signer le formulaire lors de sa venue dans la structure, d’autres lui envoient une lettre type pour l’informer qu’elle a été désignée par tel patient à telle date, afin qu’elle puisse réagir si elle n’est pas d’accord.

Quel est son rôle ?

Son rôle dépend de l’état de santé du patient. Si le malade est apte à prendre des décisions, la personne de confiance est avant tout un soutien et une aide, qui peut accompagner le patient lors des consultations ou dans ses démarches administratives. Si le patient n’est pas en état d’exprimer sa volonté, la personne de confiance sera alors consultée. La loi vise expressément plusieurs situations, dont, notamment, les recherches biomédicales (article L 1122.1.2 du CSP) et les soins délivrés à la personne en fin de vie (article L 1110-5 du CSP). La décision de limitation ou d’arrêt de traitement, telle que prévue par l’article L 1111-4 du CSP, est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au moins un autre médecin, appelé en qualité de consultant. Cette procédure collégiale doit obligatoirement être engagée, notamment si la personne de confiance le demande (article R 4127-37 du CSP).

Ce que dit la nouvelle loi : elle complète l’article L 1111-6 du CSP en soulignant que « la personne de confiance témoigne de l’expression de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ».

Notons, pour ces deux dispositions, le rôle dévolu au médecin traitant qui doit informer ses patients non seulement de la possibilité de rédiger des directives anticipées mais également de désigner une personne de confiance.